31 JUILLET 1686

Page du Mercure Galant

Mercure Galant - Juillet 1686, tome 1, pp. 168 et suiv.

Je vous tiens parole, Madame, et vais vous parler plus amplement que je ne le fis le mois passé du voyage de M. le chevalier de Chaumont à Siam ; mais afin de prendre la chose dès son origine, je vous dirai que le roi de Siam, ayant appris il y a huit ou dix ans les grandes choses que notre auguste monarque a faites, et qu'il continue de faire encore tous les jours, et ne pouvant se lasser de donner des marques de l'admiration qu'elles lui causaient, résolut d'envoyer une célèbre ambassade en France, pour congratuler Sa Majesté sur ses conquêtes, et lui demander son amitié. Il fit partir pour cela en 1682 trois ambassadeurs des plus qualifiés du son royaume (1), accompagnés d'une nombreuse suite, et chargés de magnifiques présents. Ces ambassadeurs s'embarquèrent sur un vaisseau nommé le Soleil d'Orient, appartenant à la Compagnie de France (2). Il y a grande apparence que ce vaisseau a péri, puisqu'on n'en a point entendu parler depuis ce temps-là. Le roi de Siam, plus impatient d'apprendre des nouvelles du roi que de ses ambassadeurs, envoya deux de ses sujets aux ministres de France, pour s'instruire des affaires de l'Europe, et savoir en même temps ce que ses ambassadeurs étaient devenus. Il apprit par une autre voie qu'on ne doutait point de leur naufrage, et aussitôt il en nomma d'autres, et les chargea de nouveaux présents. Ils viennent par le Portugal, et la liste que je vous envoyai il y a deux mois est une liste de ce qu'ils apportent (3). Cependant, le roi ayant cru devoir envoyer des ambassadeurs à Siam, tant par ce que ce roi lui en avait envoyé, que pour l'utilité que la religion chrétienne en peut recevoir, nomma M. le chevalier de Chaumont pour cette ambassade, dans laquelle il a été accompagné de M. l'abbé de Choisy. Lorsqu'ils arrivèrent à Siam, les ambassadeurs qui viennent par le Portugal étaient partis, et cela n'a pas empêché que le roi de Siam n'en ait envoyé d'autres avec M. le chevalier de Chaumont, ne doutant point que ces derniers étant sur des vaisseaux de Sa Majesté, n'arrivassent sûrement en France. Avant que d'entrer dans le détail de ce qui regarde ce voyage, je vais vous faire part d'une lettre écrite à Surate, touchant les nouvelles qu'on a eues du Soleil d'Orient, où les premiers ambassadeurs de Siam s'étaient embarqués. Un million à quoi était estimée la charge de ce vaisseau, n'est pas ce qui met le plus en peine les intéressés, mais comme la plupart d'eux y ont des parents et des amis, ils seront bien aises d'apprendre tout ce qui se dit de son naufrage. Si les nouvelles que j'en donne ici en marquent la perte, au moins elles n'ôtent pas entièrement l'espérance de revoir ceux qui étaient dessus. Voici ce que porte cette lettre :

Extrait d'une lettre écrite de Surate, du 13 novembre 1685.

Je finis par une nouvelle que nous avons eue ici du Soleil d'Orient. Quoiqu'elle soit mauvaise, je ne puis m'empêcher de vous l'écrire. Un nommé Croizier, fils d'un marchand de Morlaix qui était venu aux Indes sur le navire de M. de Hautmesnil, nommé le Coche (4), quitta ce bâtiment pour s'embarquer sur un navire anglais particulier nommé le Bristol, qui partit de Surate à la fin du mois de janvier dernier, pour aller en Europe. Ce jeune homme dit que ce vaisseau ayant eu du mauvais temps, avait été obligé de relâcher en l'île de Madagascar, dans l'anse du Fort Dauphin, qui est le lieu où nous nous sommes d'abord établis, et où il y a plusieurs Noirs qui parlent français. Comme les Anglais ne savaient pas la langue de ce pays-là, c'était lui qui leur servait d'interprète. Ils apprirent donc de quelques noirs, et entre autres d'un nommé Jean, qui avait autrefois été serviteur d'un M. de Saint-Martin, et qui parle fort bien français, qu'il y avait quelques années que le navire le Soleil d'Orient était venu en cette anse du Fort Dauphin fort maltraité et faisant beaucoup d'eau. Ce dernier leur nomma les principaux officiers de ce navire, et leur dit qu'il y avait dessus des ambassadeurs du roi de Siam ; que ces officiers avaient fait la paix avec les Noirs, et qu'après avoir raccommodé leur vaisseau et pris des rafraîchissements, ils étaient partis du Fort Dauphin, mais qu'à quatre ou cinq lieues de là, ils avaient été surpris d'une tempête qui avait fait couler le vaisseau à fond, sans que personne fût sauvé. Il me paraît que sur un rapport si bien circonstancié, on peut croire que ce malheureux vaisseau a été à Madagascar, et qu'il s'est perdu en quelque endroit des côtes de cette île, car il n'y a pas d'apparence qu'un navire comme le Soleil d'Orient ait coulé à fond à quatre ou cinq lieues en mer, dans en endroit où il n'y a point de rochers, puisque quand on se voit dans un péril évident, on fait ordinairement tout ce qu'on peut pour donner à la côte, ce qui n'est pas difficile, à moins que le vent ne vienne absolument de la terre. Pour moi, si j'osais dire mon sentiment là-dessus, je crois que ce navire au départ de Mascareigne (5) ayant voulu doubler le cap de Bonne-Espérance, y aura été battu de la tempête, et que quelque démâtement ou quelque voie d'eau l'aura obligé de relâcher à la première terre qu'il aura trouvée, où il se sera perdu en quelque endroit de la côte de Madagascar, ce qui aura donné moyen à la plupart des gens de l'équipage de gagner la terre. Il est vrai que l'on doit craindre, s'ils se sont sauvés du côté du Fort Dauphin, que les habitants qui étaient nos mortels ennemis, ne les aient assassinés. Je ne sais si je me flatte par l'intérêt que je prends en quelques personnes qui étaient sur ce vaisseau, mais je ne puis m'empêcher de croire qu'il y aura des gens de cet équipage en quelque endroit de la côte de Madagascar. Il est certain que s'ils ont sauvé leurs armes et qu'ils se soient tenus sur leurs gardes, les Noirs n'auront pas eu la hardiesse de les attaquer. D'ailleurs, s'ils se sont perdus en certains endroits de ces côtes, où les peuples étaient amis des Français, tout le monde dit qu'il ne leur sera point arrivé de mal. Il me semble qu'il ne faut ajouter foi à ce que les Noirs du Fort Dauphin disent que pour n'être plus en doute que ce navire n'ait fait naufrage sur ces côtes, puisque étant comme j'ai déjà dit, nos ennemis mortels, ils peuvent en avoir changé les circonstances selon leurs intérêts. Cette nouvelle se rapporte assez à ce que j'ai entendu dire à M. du Hautmesnil, que lorsqu'il vint dans les Indes en l'année 1683 sur le navire l'Heureuse (6), il avait rencontré dans le canal de Mozambique un vaisseau anglais qui venait des Mazelages, qui est un endroit vers le nord de Madagascar où l'on va traiter les Noirs (7), et que le capitaine de ce vaisseau leur avait crié qu'on lui avait dit qu'un navire français de soixante pièces de canon s'était perdu à la côte de cette île. Le temps qu'il faisait ne leur permit pas de s'en informer davantage.

Le vaisseau anglais sur lequel était embarqué le sieur Croizier de qui nous avons appris ce que je vous mande du Soleil d'Orient, était un navire particulier venu dans les Indes contre les défenses du roi d'Angleterre. Il fut obligé, après être parti du Fort Dauphin, de venir dans l'île d'Amjuan (8) pour achever de s'accommoder, et pour y attendre la mousson favorable à doubler le cap de Bonne-Espérance. Il y fut rencontré au mois d'avril ou de mai dernier, par un navire de Sa Majesté britannique qui s'en empara, et qui l'amenait avec lui à Bombay, mais il coula à fond à cent lieues de la côte de l'Inde, et on n'en sauva que l'équipage, parmi lequel était le sieur Croizier, qui est présentement en notre loge. Deux Français qui sont venus depuis peu de Bombay m'ont appris qu'ils avaient vu un Noir à qui un autre Noir de Goa qui était sur le même navire particulier, a dit qu'il y avait entendu dire à quelques Noirs du Fort Dauphin que le Soleil d'Orient s'était perdu à la côte des Matanes (9), où tous les peuples étaient amis des Français ; que toutes les personnes qui étaient dessus s'étaient sauvées à terre, où elles étaient encore, en attendant que quelque navire passât pour s'embarquer. Cette dernière nouvelle n'est à la vérité qu'un ouï-dire, d'un autre ouï-dire, qui serait pourtant, je crois, suffisant pour obliger la Compagnie à envoyer un petit bâtiment qui courût une partie de la côte de l'est de Madagascar, pour voir si l'on pourrait en avoir quelque nouvelle plus particulière. Nous écrivons à cette occasion à MM. les directeurs ce que nous avons appris du sieur Croizier, mais ce n'est pas avec toutes les circonstances que je marque ici.

Je viens au détail du voyage de M. le chevalier de Chaumont. Sa Majesté l'ayant nommé son ambassadeur vers le roi de Siam, il se rendit à Brest avec M. l'abbé de Choisy sur la fin de février de l'année dernière, et ils s'embarquèrent dans un des vaisseaux du roi appelé l'Oiseau. M. de Vaudricourt qui le commandait fit mettre à la voile le 3 mars et partit de Brest avec la frégate la Maligne, commandée par M. de Joyeux. Le vent leur fut toujours assez favorable, et comme il y avait dans le vaisseau des missionnaires et six jésuites, ce n'était tous les jours qu'exercices de piété et l'on y vivait avec la même régularité que dans un couvent. Ils s'appliquaient tour à tour à faire des exhortations à tout l'équipage. On disait la messe, on chantait vêpres, et en passa fort heureusement la ligne le 6 avril sans souffrir beaucoup de la chaleur. Ce fut alors qu'il fut question de faire ce qu'on appelle la cérémonie du Baptême. Ceux qui n'ont jamais passé la ligne sont obligés de souffrir qu'on leur jette sur le corps certain nombre de seaux d'eau, à moins qu'ils ne donnent quelque argent pour racheter cette peine. Il n'y a personne qui puisse s'en exempter, de quelque condition que l'on puisse être, et on fait jurer tout le monde sur le livre des Évangiles pour savoir si on a fait ce passage. M. le chevalier de Chaumont ne voulut point endurer que l'on jurât sur les Évangiles. Il fit faire ce serment sur une mappemonde, et mit de l'argent dans un bassin, ce que firent après lui toutes les personnes considérables du vaisseau, pour s'épargner la cérémonie. La somme monta à 60 écus qui furent distribués aux matelots. Le reste de la traversée fut très heureux jusqu'au cap de Bonne-Espérance. On y arriva le 31 mai, et l'on y reçut les saluts ordinaires de quatre vaisseaux hollandais qu'on y trouva. Ils portaient à Batavia le Commissaire général de la Compagnie des Indes, avec M. de Saint-Martin, Français, major-général. M. le chevalier de Chaumont s'arrêta sept jours à ce cap afin d'y faire de l'eau et de prendre des rafraîchissements. Le gouverneur, qui en est hollandais, lui en envoya toutes sortes, après l'avoir fait complimenter par le neveu et par le secrétaire du commissaire. Tous ceux du vaisseau mirent pied à terre les uns après les autres. Il s'en trouva quelques-uns qui étaient malades du scorbut, et ils furent guéris en quatre jours. La forteresse que les Hollandais ont fait bâtir en ce lieu-là est toute revêtue de pierres, et a quatre bastions (10). Elle n'a point de fossés, mais elle est très bien garnie de canon. Le havre est fort sûr et peut contenir un grand nombre de vaisseaux. Il y a déjà quantité de maisons qui forment une espèce de ville. Ce qu'il y a de plus remarquable est un jardin fort grand et fort spacieux avec des allées à perte de vue. On y a planté tout ce qu'il y a de bons fruits en Europe et dans les Indes. Les uns sont d'un côté, les autres de l'autre, et tous y viennent fort bien. Celui qui a soin de ce beau jardin est un Français qui est grand seigneur en ce pays-là. Il reconnut M. le chevalier de Chaumont, qu'il avait vu chez Monsieur, où il avait été jardinier (11).

La terre que les Hollandais occupent a été achetée d'un petit roi du pays, pour des bagatelles de l'Europe. Plus on avance en s'éloignant de la mer, plus elle est bonne et fertile, et surtout la chasse y est merveilleuse, mais on y doit craindre les bêtes farouches, comme lions, tigres, éléphants et autres. Ces bêtes s'écartent à mesure que le pays se découvre et qu'on y fait de nouvelles habitations. Les Hollandais ont déjà commencé d'en faire en plusieurs endroits. Pendant le séjour de M. l'ambassadeur au Cap, deux d'entre eux étant allés à la chasse furent rencontrés et attaqués par un tigre. Il se jeta sur l'un de ces Hollandais, l'autre le tira et le blessa. Le tigre tout en fureur vint à celui qui l'avait blessé, et il l'aurait dévoré sans doute si son camarade qu'il avait jeté par terre ne se fût promptement relevé pour tirer aussi son coup. Il le tira si heureusement qu'il cassa la tête au tigre. On l'apporta pour le faire voir. Il était d'une grandeur effroyable (12). On mit le blessé dans un hôpital, qui est là très bien fondé, et où l'on est traité avec tous les soins imaginables. Tous les vaisseaux hollandais qui viennent d'Europe, et ceux qui s'y en retournent, laissent leurs malades en ce lieu-là, et ils y recouvrent incontinent leur santé, l'air et les eaux étant admirables.

Les habitants y sont doux, assez bienfaisants, et il n'est pas difficile de s'accommoder de leurs manières, mais ils sont laids, mal faits, de petite taille, et ont plus de rapport à la façon de vivre des bêtes qu'à celle des hommes (13). Leur visage est tout ridé, ils ont les cheveux remplis de graisse, et comme ils se frottent le corps d'huile de baleine et qu'ils ne mangent que de la chair crue, ils sont si puants qu'on les sent de loin. Ils ne mangent leur bétail que lorsqu'il est mort de maladie, et ce leur est un fort grand ragoût qu'une baleine morte jetée par le mer sur le rivage, ou les tripes chaudes d'une bête. Ils les secouent fort légèrement, et les mangent avec les ordures, après en avoir ôté les excréments, dont quelques-uns se servent pour se frotter le visage. On leur a donné le nom de Cafres, et les hommes et les femmes n'ont qu'une peau coupée en triangle pour se couvrir ce que la nature apprend à cacher. Ils se l'attachent avec une ceinture de cuir au milieu du corps. Quelques-uns se couvrent les hanches d'une peau de bœuf ou de lion. D'autres portent une peau qui leur descend depuis les épaules jusque sur les hanches, et plusieurs se découpent le visage, les bras et les cuisses, et achèvent de se défigurer par les caractères étrangers qu'ils y font. Les femmes portent aux bras et aux jambes des cercles de fer ou de cuivre que les étrangers troquent avec elles toujours à leur avantage. Ils demeurent en de petites huttes où ils vivent avec leur bétail sous un même couvert. Ils n'ont ni lit, ni sièges, ni meubles, et s'assoient sur leurs talons pour se reposer. Ils ne vont vers la mer que lorsqu'ils savent qu'il est arrivé quelque navire et qu'ils peuvent troquer leur bétail. Ils ont aussi des peaux de lion, de bœuf, de léopard et de tigre qu'ils donnent pour des miroirs, des couteaux, des clous, des marteaux, des haches et autres vieilles ferrailles.

Il est malaisé de découvrir l'état du pays au-dedans et les richesses qu'on y peut trouver, à cause que les gouverneurs hollandais ont fait faire serment à tous ceux qu'ils y ont menés avant dans les terres de n'en révéler aucune chose. On a su d'un homme qui a demeuré longtemps dans la forteresse que depuis quelques années, le gouverneur avait été avec bonne escorte à plus de 250 lieues pour faire la découverte du pays ; qu'il avait trouvé partout des peuples traitables, et assez bien faits, les terres fort bonnes et capables de toute sorte de culture, et qu'il y avait des mines d'or, de fer, et d'une espèce de cuivre où il entrait un septième partie d'or. On les trouva chantant et dansant, et ils avaient des manières de flûtes qui étaient sans trous. Elles étaient creuses, et une espèce de coulisse qu'ils haussaient ou baissaient avec leurs doigts, faisait la différence des tons. Ce gouverneur avait été conduit par un Cafre, et ce Cafre ayant aperçu deux hommes de grande taille qui venaient à eux, s'écria fort alarmé qu'ils étaient perdus et qu'il voyait les deux plus grands magiciens du pays. Le gouverneur répondit qu'il était encore plus grand magicien qu'eux, et qu'il ne s'étonnât point. Les prétendus magiciens s'étant avancés, il fit apporter un verre rempli d'eau de vie. On y mit le feu, et il l'avala. Ces malheureux furent si épouvantés d'un pareil prodige qu'ils prirent le gouverneur pour un dieu et se mirent à genoux pour lui demander la vie. Les Hollandais ont fait un nouvel établissement au Cap. Il est au bord de la mer, mais ils le tiennent secret, ne voulant pas que les autres nations qui s'y viennent rafraîchir en aient connaissance. Ce cap est l'extrémité de la terre ferme d'Afrique, qui avance dans la mer vers le sud à 36° au-delà de la ligne. Cette extrémité de terre fut nommé Cabo de Boa Speranza par Jean II, roi du Portugal, sous lequel Bartolomeu Dias la découvrit en 1493 (14). Ce prince la fit appeler ainsi à cause qu'il espérait découvrir ensuite les richesses des Indes orientales, et les autres nations lui ont confirmé ce nom, parce qu'après que l'on a doublé le cap, qui est presque en distance égale de 2 500 lieues entre l'Europe et la côte la plus orientale des Indes, on a toute sorte d'espérance de pouvoir achever ce grand voyage.

Les malades étant guéris, on fit du bois et de l'eau, on acheta toutes les provisions que l'on jugea nécessaires pour aller à Batavia et l'on remit à la voile le 7 juin, après les saluts donnés et rendus de part et d'autre, comme on avait fait en arrivant. Cette seconde traversée ne fut pas si douce que la première. Les vents furent violents, et la tempête sépara la frégate la Maligne du vaisseau de M. l'ambassadeur, sans qu'elle pût le rejoindre qu'auprès de Batavia. Le 5 juillet, on découvrit l'île de Java, et le 16, on mouilla près de Banten (15). La longueur de l'île de Java est de 150 lieues, mais on n'a pas encore bien su quelle est sa largeur, c'est ce qui a fait croire à quelques-uns que ce n'était pas une île, mais qu'elle faisait partie du continent que l'on connaît sous le nom de terre australe auprès du détroit de Magellanes (16). Les habitants prétendent que leurs prédécesseurs étaient Chinois, et que ne pouvant souffrir la trop sévère domination du roi de la Chine, ils passèrent dans l'île de Java. On trouve en effet que les Javanais ont le front et les mâchoires larges, et les yeux petits comme les Chinois. Il n'y a presque point de ville dans Java qui n'ait son roi, et tous ces rois obéissaient autrefois à un empereur, mais depuis environ 80 ans, ils ont aboli cette souveraineté, et chacun d'eux est indépendant. Celui de Banten est le plus puissant de tous. La ville qui porte ce nom est au pied d'une montagne de laquelle sortent trois rivières, dont l'une traverse Banten, et les deux autres lavent ses murailles, mais elles ont si peu d'eau qu'aucune des trois n'est navigable. Les Hollandais sont maîtres de cette place depuis peu d'années. Le roi de Banten ayant cédé le royaume à son fils, ce fils maltraita d'abord tous ceux qui avaient été considérés de son père. Le vieux roi l'ayant appris lui en fit faire des réprimandes, et le fils pour s'en venger, fit massacrer tous ces malheureux. Ce différend alluma la guerre entre le père et le fils, et ce dernier fut chassé. Dans cette disgrâce, il demanda du secours aux Hollandais qui le rétablirent et mirent le vieux roi dans une prison où ils le tiennent encore. Tout se fait au nom du jeune roi, qui ayant une grosse garde hollandaise toujours avec lui pour l'observer, n'a de pouvoir qu'autant que les Hollandais lui en laissent. Le vaisseau de M. l'ambassadeur n'entra point dans le havre de Banten, mais on ne laissa pas de prendre tous les rafraîchissements dont on eut besoin, et ils furent apportés à bord par ceux du pays.

Le 18 [août 1685], on arriva devant Batavia, où l'on demeura sept jours pour soulager les malades que l'on mit à terre. Cette ville est située à douze lieues de Banten, vers le Levant dans une baie, qui étant couverte de quelques petites îles du côté de la mer, fait une des plus belles rades de toutes les Indes. Ce n'était d'abord qu'une petite loge que les Hollandais avaient à Jakarta (17), et que le roi de ce nom leur avait permis de bâtir à cause des avantages qu'il tirait du débit des épiceries qu'ils y venaient acheter. Le roi de Banten leur avait aussi permis de bâtir une maison ou loge dans son royaume, pour y laisser les facteurs qui devaient veiller à la conservation des marchandises dont ils trafiquaient. La même permission avait été donnée aux Anglais, malgré la répugnance qu'avaient les Javanais de souffrir aucun établissement aux étrangers dans leur île, par la crainte où ils étaient qu'ils ne les traitassent avec la même rigueur que les Portugais avaient exercée contre les rois indiens qui les avaient reçus chez eux. Les traités que les Hollandais avaient faits avec ceux de Jakarta et de Banten réglaient les droits d'entrée et de sortie, mais comme ils haussaient ces droits à mesure qu'ils voyaient que le commerce devenait nécessaire aux étrangers, la mauvaise foi qu'ils eurent obligea les Hollandais à fortifier peu à peu leur loge de Jakarta, pour se mettre à couvert de la violence que leur pourraient faire les barbares quand ils voudraient se mettre à couvert de ces injustices. Les Indiens ne s'en aperçurent que lorsque la loge fut en état de défense, et ne pouvant plus se décharger des Hollandais par la force, il se servirent de l'occasion de la mauvaise intelligence où ils les virent avec les Anglais et qui éclata principalement au combat naval qui se donna entre eux le 2 janvier 1619 entre Jakarta et Banten (18). La flotte anglaise, qui était de onze ramberges (19), maltraita la hollandaise, qui n'était composée que de sept navires. Les Hollandais s'étant retirés, le roi de Jakarta assiégea leur fort, auquel ils avaient donné le nom de Batavia. Il se servit des troupes anglaises, qui après un siège de six mois, furent contraintes de l'abandonner, les Hollandais ayant renforcé leur flotte des navires qu'ils avaient dans les Moluques. Le roi de Jakarta rejeta inutilement sur les Anglais la cause de ces désordres. Le général hollandais ne se paya point de ces excuses ; il fit débarquer ses gens au nombre de 1 100 hommes, attaqua la ville de Jakarta, la prit de force, et y fit mettre le feu. Après ce succès, les Hollandais achevèrent les fortifications de leur loge, et en firent une place régulière, à quatre bastions revêtus de pierre, bien fossoyée et palissadée avec ses demi-lunes, redoutes et autres ouvrages.

Le roi de Mataram, qui était comme l'empereur de toute l'île (20), assiégea le fort en 1628, et s'étant logé sous le canon, fit donner plusieurs assauts à la place, mais il fut enfin contraint de lever le siège, aussi bien que l'année suivante, et depuis ce temps-là les Hollandais y ont établi leur commerce avec les Chinois, Japonais, Siamois, et autres peuples voisins, se faisant payer dix pour cent pour les droits de la traite foraine et de toutes les marchandises qui s'y débitent. Ils sont maîtres de toute la cannelle et du clou de girofle qui est dans le monde, et envoient tous les deux ans un vaisseau au Japon, mais ils n'ont presque point de liberté en ce lieu-là. Sitôt que leurs vaisseaux y sont arrivés, on prend leurs voiles, leurs agrès et tous les mâts qu'on met dans un magasin, et quelque temps qu'il puisse faire, on les oblige à partir au jour qui leur est marqué. Le directeur du comptoir n'y peut être que trois ans. Ainsi, il y en a toujours trois, l'un qui va, l'autre qui revient, et le dernier qui demeure. On ne souffre point qu'ils aillent dans le pays, mais ils en rapportent tant de richesses qu'il se soumettent sans peine à ce qu'on exige d'eux.

Le général hollandais qui est à Batavia n'est pas moins puissant qu'un roi. Quoiqu'on ne l'élise général que pour trois ans, l'élection se confirme, et il est toujours continué. Il a une garde à pied et à cheval. Ses appointements sont de 4 000 francs par mois, et il prend tout ce qu'il veut dans les magasins sans rendre compte de rien. Il a six conseillers ordinaires qui font toutes choses, et quand il en meurt un, c'est lui qui lui nomme un successeur sous le bon plaisir de la Compagnie. Son choix en est toujours approuvé. Il y a aussi des conseillers extraordinaires, mais quand on prend leurs avis, on ne compte point leurs voix, si ce n'est qu'il manque un de six conseillers ordinaires. Ils sont tous logés dans la forteresse. La Compagnie a dans ce pays-là plus de 200 vaisseaux qui font tout le trafic de l'Orient. On dit que les Hollandais y peuvent faire une armée de plus de 50 vaisseaux de guerre. Ils ont six gouvernements généraux, desquels dépendent tous les gouvernements particuliers de leurs places, et par conséquent tous les comptoirs et loges qu'ils ont là en très grand nombre, et dans tous les lieux où ils croient pouvoir trafiquer. M. l'ambassadeur reçut toutes les honnêtetés possibles de ce général des Hollandais, qui l'envoya visiter à bord, et lui fit porter toutes sortes de rafraîchissements. Quoiqu'il se fût excusé de sortir de son vaisseau, comme il l'en avait fait prier, il ne laissa pas de descendre à terre incognito, et d'aller voir les beautés de Batavia. Après avoir donné quelques jours aux malades que l'air de la terre guérit en fort peu de temps, il résolut de poursuivre son voyage, mais comme aucun des pilotes n'avait été à Siam, il en prit un du pays pour passer le détroit de Bangka, qui est dangereux. Ce fut là que la frégate la Maligne le rejoignit, ce qui fut à tous un fort grand sujet de joie. Peu de jours après, M. d'Arbouville, gentilhomme de Normandie, mourut dans cette frégate, et il fut jeté à la mer avec les cérémonies ordinaires dans ces tristes occasions (21). Les deux mandarins que l'on ramenait de France à Siam n'avaient sorti que deux fois du trou où ils s'étaient mis dans le vaisseau, pendant tout ce long voyage, mais lorsque l'on commença à voir des hommes noirs vers ce détroit de Bangka, ils montèrent sur le tillac et donnèrent de grandes marques de joie.

Le 3 septembre on repassa la ligne, et enfin le 24 du même mois on mouilla à la barre de la rivière de Siam, qui est une des plus grandes de toutes les Indes. On l'appelle Ménam, c'est-à-dire Mère des Eaux. Elle n'est pas bien large, mais elle est si longue qu'on dit qu'on n'a pu encore monter jusqu'à sa source (22). Son cours est du nord au sud. Elle passe par les royaumes de Pégou et d'Ava, et ensuite par celui de Siam. Elle a cela de commun avec le Nil qu'elle se déborde tous les ans et couvre la terre pendant quatre mois. En s'en retirant, elle y laisse un limon qui lui donne la graisse et l'humidité dont elle a besoin pour la production du riz. Elle se dégorge dans le golfe de Siam par trois grandes embouchures, dont la plus commode pour les navires et pour les barques est la plus orientale, mais ce qui la rend presque inutile, c'est un banc de sable d'une lieue d'étendue qui est vis-à-vis de la rivière, et qui n'a que cinq ou six pieds d'eau avec la basse marée. La haute y en amène jusqu'à quinze ou seize, mais ce n'est pas assez pour les grands navires qui demeurent ordinairement à la rade à deux lieues de ce banc. Ils y sont en sûreté et ont en tout temps six brasses d'eau. Ainsi le vaisseau de M. l'ambassadeur demeura à cette rade, et la frégate qui prenait moins d'eau passa sur le banc avec la marée. Quand on l'a passé, on peut entrer dans la rivière jusqu'à Bangkok, qui est une ville éloignée de la mer de six lieues. Celle de Siam en est à vingt-quatre.

Sitôt qu'on eut mouillé à cette embouchure, M. le chevalier de Chaumont envoya M. Vachet, missionnaire apostolique, qui était venu en France avec les mandarins de Siam, donner avis de son arrivée à M. l'évêque de Métellopolis (23). Cette nouvelle causa une extrême joie au roi de Siam. Il ordonna aussitôt qu'on préparât toutes choses pour faire une magnifique réception à M. l'ambassadeur, et nomma deux mandarins du premier ordre pour lui venir faire compliment à bord. C'est ce qu'apprit M. le chevalier de Chaumont par M. l'évêque de Métellopolis, qui vint à bord le 29 avec M. l'abbé de Lionne. Cet abbé était passé à Siam en 1681 avec M. l'évêque d'Héliopolis, dont il y a quelques mois que je vous ai appris la mort (24). Son zèle est connu et l'on peut juger par là du fruit qu'il a fait en travaillant à la conversion des infidèles. Le lendemain, les deux mandarins vinrent saluer M. l'ambassadeur. Il les reçut dans sa chambre, assis dans un fauteuil, et ils s'assirent à la mode du pays sur des carreaux qui étaient sur le tapis de pied. Ils lui marquèrent la joie que le roi leur maître avait de son arrivée, et dirent qu'on lui avait donné une agréable nouvelle en lui apprenant que le roi de France avait vaincu tous ses ennemis, et donné ensuite la paix à l'Europe. Cette audience finie, on apporta du thé et des confitures et l'on tira neuf coups de canon à leur sortie du vaisseau.

Le 1er octobre, M. Constance, favori du roi (25), envoya son secrétaire avec des rafraîchissements en si grand nombre qu'il y en eut pour nourrir tout l'équipage pendant quatre jours. M. Constance est un homme d'un fort grand mérite, qui s'est élevé par sa vertu au poste où il est. Il est grec, de l'île de Céphalonie, et fut pris petit garçon par un vaisseau où il fut fait mousse. C'est le nom qu'on donne à de jeunes matelots qui servent les gens de l'équipage. On le mena en Angleterre, et il continua le service dans les vaisseaux. Il passa aux Indes, et de degré en degré, il devint enfin capitaine de vaisseau. Il allait à la Chine et au Japon, où il trafiquait pour le compte des marchands. La tempête lui ayant fait faire naufrage à la côte de Siam, il fut contraint de se mettre au service du barcalon, qui est un des six grands officiers de ce royaume. Son emploi consiste dans l'administration des finances. Le roi de Siam avait alors un grand démêlé avec ses voisins, touchant un compte par lequel on prétendait qu'il demeurait redevable de fort grosses sommes. Les Siamois n'entendent pas bien l'arithmétique. M. Constance demanda à examiner tous les papiers que le barcalon avait entre ses mains, et il rendit le compte si net qu'il fit connaître non seulement que le roi de Siam ne devait rien, mais que l'autre roi lui devait des sommes très considérables. Vous pouvez juger dans quelle faveur il se mit par là. Le barcalon était mort peu de temps après (26), le roi le prit à son service, et il est présentement tout puissant dans cet État. Il n'a voulu accepter aucune des six grandes charges, mais il est fort au-dessus de tous ceux qui les exercent, et il serait dangereux de ne lui pas obéir. Il parle au roi quand il veut, c'est un privilège qui lui est particulier. La principale de ces grandes charges rend celui qui la possède comme vice-roi de tout le royaume. Elle est présentement exercée par un vieillard pour qui le roi même a grand respect (27). Il est son oncle et a été son tuteur. Ce vieillard est sourd, et on lui parle par le moyen d'un jeune homme que l'on fait entrer, et qui en criant fort haut, lui fait entendre ce qu'il faut qu'il sache. C'est un homme de très bon sens, et on s'est toujours bien trouvé de ses avis.

Le 8, M. l'évêque de Métellopolis revint à bord avec deux mandarins plus qualifiés que les premiers, qui furent reçus et salués de la même sorte. Ils venaient s'informer au nom du roi de la santé de M. l'ambassadeur, et l'inviter de descendre à terre. Après qu'ils furent sortis du vaisseau, cet ambassadeur se mit dans son canot et sur le soir il entra dans la rivière avec les personnes de sa suite, qui avaient trouvé des bateaux du roi pour les amener. À l'entrée de cette rivière étaient cinq balons fort magnifiques que le roi avait envoyés pour le conduire à Siam. Ce sont des bâtiments faits d'un seul arbre. Il y en a qui ont cent pieds de longueur, et qui n'en ont que huit ou neuf par le milieu, qui est l'endroit le plus large, et dans lequel il y a une espèce de trône couvert. M. l'ambassadeur coucha ce soir-là à bord de la Maligne, qui était entrée dans la rivière quelques jours auparavant.

Le 9, deux nouveaux mandarins vinrent recevoir ses ordres. Ils étaient habillés comme les autres, avec une manière d'écharpe fort large depuis la ceinture jusqu'aux genoux, sans être plissée. Elle était de toile peinte, et tombait comme une culotte. Il y avait au bas une bordure fort bien travaillée, et des deux bouts de l'écharpe, l'un passait entre leurs jambes, l'autre par derrière. Depuis la ceinture jusqu'en haut, ils avaient une manière de chemise de mousseline assez ample, tombant par dessus l'écharpe, et toute ouverte sur le devant. Les manches venaient un peu au-dessous du coude, et étaient passablement larges. Ils avaient la tête nue, et étaient sans bas et sans souliers. La plupart de leurs valets n'avaient que l'écharpe et point de chemise. Onze bateaux arrivèrent de Siam chargés de toutes sortes de vivres. M. Constance les envoyait de la part du roi, qui lui avait ordonné de faire fournir aux équipages toutes les choses dont ils auraient besoin pour leur subsistance, pendant leur séjour.

M. l'ambassadeur s'étant mis dans un balon partit à sept heures du matin, et après avoir fait cinq lieues, il arriva dans une maison bâtie de bambous, qui est un bois fort léger, et couverte de nattes assez propres. Il y avait plusieurs chambres toutes tapissées de toiles peintes. Les meubles en étaient fort riches, et tous les planchers étaient couverts de très beaux tapis. La chambre de M. l'ambassadeur était meublée plus magnifiquement que les autres. Il y avait un dais de toile d'or, un fauteuil doré et un très beau lit. Deux mandarins, et les gouverneurs de Bangkok et de Pipely (28) les reçurent en cette maison, qui avait été bâtie exprès, ainsi que toutes les autres où il logea jusqu'à son arrivée à Siam (29). Il faut aussi remarquer que les meubles de toutes ces maisons étaient neufs et n'avaient jamais servi. Il y eut un grand repas, aussi abondant en viandes qu'en fruits. Après que l'on eut dîné, M. l'ambassadeur se remit dans son balon, et arriva le soir à Bangkok, qui est la première place du royaume de Siam sur la rivière. Un navire anglais qui se trouva à la rade le salua de 21 coups de canon, et les deux forteresses qui sont des deux côtés de cette rivière, tirèrent l'une 31 coups de canon, et l'autre 29. Il logea dans l'une de ces forteresses, en une maison fort bien bâtie, et que l'on avait richement meublée. Il y fut traité avec la même magnificence.

Il partit le 10 à huit heures du matin, et reçut des forteresses le même salut qu'à son arrivée. Il fut complimenté avant son départ par deux nouveaux mandarins qui l'accompagnèrent avec tous les autres, aussi bien que le gouverneur de Bangkok. Il trouva de cinq lieues en cinq lieues de nouvelles maisons toujours très commodes, et fort richement meublées, et arriva le 12 à deux lieues de la ville de Siam. Il avait plus de cinquante balons à sa suite, de 50 jusqu'à 100 pieds de longueur, et depuis 30 jusqu'à 120 rameurs. Ils sont assis deux sur chaque banc, l'un d'un côté et l'autre de l'autre, le visage vers le lieu où ils veulent arriver. Leurs rames sont longues de quatre pieds, la plupart dorées, et ils fatiguent beaucoup en ramant de cette sorte. Il faut cependant fort peu de chose pour les contenter. On leur donne du riz, qu'ils font cuire avec de l'eau, et quand on y ajoute un peu de poisson, on leur fait grande chère. Dans tout ce passage, on rendit à M. l'ambassadeur les mêmes honneurs que l'on rend au roi. Il ne demeura personne dans les maisons, et comme toute la campagne était alors inondée, tout le monde était prosterné dans des balons ou sur des monceaux de terre élevés à fleur d'eau, et chacun avait les mains jointes proche le front. Devant toutes les maisons et villages, il y avait une espèce de parapet élevé de sept ou huit pieds hors de l'eau, avec des nattes. C'est ce qu'ils observent lorsque que roi passe. Ils se jettent le ventre contre terre, et par respect ils n'osent jeter les yeux sur lui. J'ai oublié de vous dire que toutes les maisons où M. l'ambassadeur logea étaient peintes de rouge, ce qui est particulier aux maisons du roi. On y faisait garde pendant la nuit, et il y avait des feux tout autour.

Le 13, M. l'ambassadeur fit prier le roi de lui vouloir envoyer quelque personne de confiance avec qui il pût s'expliquer, parce que les manières de recevoir les ambassadeurs des rois d'Orient étaient différentes des cérémonies que l'on devait observer en recevant un ambassadeur du roi de France. M. Constance vint à bord le lendemain, et ils convinrent ensemble de toutes choses.

Le 15, tout le séminaire de Siam vint saluer M. le chevalier de Chaumont. Il y avait plusieurs prêtres vénérables par leur grande barbe, et quantité de jeunes Chinois, Japonais, Cochinchinois, Siamois et autres, tous en long habit, et avec une modestie très édifiante. Les uns sont dans les ordres sacrés, et les autres aspirent à y entrer.

Le 16, les députés de toutes les nations établies à Siam, au nombre de quarante-deux, le vinrent complimenter. Ils étaient tous habillés à leur manière, ce qui faisait un effet très agréable. Les uns avaient des turbans, les autres des bonnets à l'arménienne, ceux-ci des calottes, et quelques-uns des babouches comme les Turcs. Il y en avait qui étaient tête nue ainsi que les Siamois, parmi lesquels ceux qui sont d'une qualité distinguée ont un bonnet comme celui d'un dragon. Il est fait de mousseline blanche et se tient tout droit. Ils l'arrêtent avec un ruban qu'ils passent sous le menton.

Le 17, M. Constance vint voir les présents que Sa Majesté envoyait au roi son maître, et il amena quatre balons magnifiques pour les porter à Siam.

Le 18, fête de saint Luc, M. l'ambassadeur se disposa à son entrée dès le matin, et il commença par offrir à Dieu son ambassade, puisqu'elle n'avait été résolue que pour sa gloire. Il fit ses dévotions avec sa piété ordinaire, et ensuite il alla trouver deux okyas et quarante mandarins qui l'attendaient dans la salle. Les okyas sont comme les ducs en France. Il prit la lettre du roi, et la mit dans une boîte d'or, cette boîte dans une coupe d'or, la coupe sous une soucoupe d'or, et l'exposa ainsi sur la table où était un riche dais. Les okyas et les mandarins se prosternèrent les mains jointes sur le front, le visage contre terre, et saluèrent trois fois la lettre en cette posture. C'est un honneur qui n'avait jamais été rendu dans ces sortes de cérémonies. Cela étant fait, M. l'ambassadeur prit la lettre avec le vase, le porta sept ou huit pas, et l'ayant donné à M. l'abbé de Choisy qui marchait un peu derrière à sa gauche, il alla jusqu'à la rivière, où il trouva un balon très doré, dans lequel étaient deux grands mandarins. Alors il reprit la lettre du roi des mains de M. l'abbé de Choisy, la porta jusque dans ce balon, et l'ayant donnée à l'un des deux mandarins, ce mandarin la mit sous un dais fort élevé en pointe et tout brillant d'or. Le balon où cette lettre fut mise suivit ceux qui portaient les présents du roi. Deux autres étaient de chaque côté, et il y avait deux mandarins dans chacun pour garder la lettre. Huit autre balons de l'État de Siam, tous fort magnifiques, suivaient ceux-ci, et précédaient un très superbe balon où M. l'ambassadeur était seul. M. l'abbé de Choisy était aussi seul dans un autre, et il y en avait de vides qui servaient d'escorte à droite et à gauche. Ensuite parurent quatre autres balons, où étaient les gentilshommes et les officiers de M. l'ambassadeur. Dans d'autres étaient les gens de sa suite, tous fort propres et accompagnés de trompettes et de 18 hommes de livrée. Elle était fort magnifique, et frappa les Siamois plus que l'or des justaucorps. Les nations étrangères furent du cortège, et l'on ne voyait que balons sur la rivière. Les grands mandarins marchaient à la tête en deux colonnes. Le balon où était la lettre du roi et les deux balons qui la gardaient avec celui de M. l'ambassadeur tenaient le milieu. Sitôt qu'il fut arrivé à terre, la ville le salua, ce qui ne s'était jamais fait pour aucun ambassadeur. Il sortit de son balon, et ayant repris la lettre du roi, il la mit sur un char de triomphe qui l'attendait et qui était encore plus magnifique que le balon. On le fit monter dans une chaise découverte, toute d'or, et que dix hommes portèrent. M. l'abbé de Choisy fut porté dans une autre. Les gentilshommes et les mandarins suivaient à cheval, et les trompettes et tous les gens de la Maison de M. l'ambassadeur allaient à pied en fort bon ordre. Les nations suivirent aussi à pied. On marcha de cette sorte dans une rue assez longue, et large à peu près comme la rue Saint-Honoré. Elle était bordée d'arbres et d'une double file de soldats, le pot en tête d'un métal doré, et le bouclier au bras avec différentes armes, sabres, piques, dards, mousquets, arcs et lances. Ils étaient nu-pieds, et avaient une chemise rouge, avec une écharpe de toile peinte qui leur servait de culotte, comme j'ai déjà marqué. Des tambours sonnant comme des timbales, des musettes, des manières de petites cloches et des trompettes qui ne rendaient qu'un son de cornet, formaient une harmonie aussi bizarre qu'extraordinaire.

Après avoir passé par cette rue, on arriva dans une assez grande place. C'était celle du palais. On voyait des deux côtés plusieurs éléphants de guerre et des hommes à cheval habillés à la moresque avec la lance à la main. Les nations avec tout le reste du cortège quittèrent M. l'ambassadeur en ce lieu-là, à la réserve de ses gentilshommes. Avant que d'entrer dans le palais, il prit la lettre du roi qu'il remit entre les mains de M. l'abbé de Choisy. Ensuite, on marcha à pied fort gravement. Les gentilshommes et les okyas allaient devant en bon ordre. On traversa plusieurs cours. Dans la première il y avait 2 000 soldats le pot en tête, et le bouclier doré, ayant devant eux leurs mousquets fichés en terre. Ils étaient assis sur leurs talons. Dans la seconde parurent 300 chevaux en escadron, avec plus de 80 éléphants, et dans la dernière étaient quantité de mandarins le visage en terre, et soutenus sur leurs coudes. Il y avait six chevaux dont tout le harnais était d'une richesse que l'on aurait peine à exprimer. Brides, poitrails, croupières, courroies, tout était garni d'or, et par-dessus il y avait un nombre infini de perles, de rubis et de diamants, en sorte qu'on ne pouvait voir le cuir. Les étriers étaient d'or, et les selles d'or et d'argent. Ils avaient des anneaux d'or aux pieds de devant, et étaient tenus chacun par deux mandarins. On y voyait aussi plusieurs éléphants richement enharnachés, comme des chevaux de carrosse. Leur harnais était de velours cramoisi, avec des boucles dorées. Lorsque l'on fut arrivé aux degrés de la salle destinée pour l'audience, M. l'ambassadeur s'arrêta avec M. Constance qui l'était venu trouver pour donner le temps à ses gentilshommes d'entrer avant lui dans cette salle. Ils y entrèrent à la française, et s'assirent sur de superbes tapis dont tout le plancher était couvert. Les mandarins et tous les gens de la garde se placèrent de l'autre côté, et pendant ce temps le barcalon, dont on n'avait point encore entendu parler, entretenait M. l'ambassadeur au bas du degré. Il lui dit qu'à la nouvelle de son arrivée à la barre de Siam, il avait eu envie de l'aller trouver, mais que les affaires de l'État ne lui en avaient point laissé le temps. Ce compliment était à peine fini qu'on entendit les trompettes et les tambours du dedans. Les trompettes du dehors répondirent à ce bruit, qui faisait connaître que le roi montait à son trône. En effet, il parut dans ce moment, et à même temps tous les mandarins se prosternèrent par terre les mains jointes, suivant leur coutume. Les Français le saluèrent, mais sans se lever de leurs places. Alors M. Constance et le barcalon entrèrent dans la salle les pieds nus, et en rampant sur les mains et sur les genoux. M. l'ambassadeur les suivit, ayant à sa droite M. l'évêque de Métellopolis et à sa gauche M. l'abbé de Choisy qui portait le vase où était la lettre du roi. On tient qu'il pesait du moins cent livres, et il l'avait toujours eu entre les mains depuis qu'on l'avait tiré du char de triomphe (30). Il était en habit long avec un rochet, et son manteau par-dessus. M. l'ambassadeur ôta son chapeau sur le dernier degré de la salle, et apercevant le roi dès qu'il fut entré, il fit une profonde révérence. M. l'abbé de Choisy ne salua pas, parce qu'il portait la lettre du roi. Ils marchèrent jusqu'au milieu de la salle, entre les Français assis sur les tapis du plancher, et deux rangs de grands mandarins prosternés, parmi lesquels il y avait deux fils du roi de Chiampa, et un frère du roi de Cambodge. M. l'ambassadeur fit une seconde révérence et s'avançant toujours vers le trône, lorsqu'il fut proche du lieu où était une chaise à bras qu'on lui avait préparée, il en fit une troisième, et commença sa harangue, ne s'asseyant et ne mettant son chapeau qu'après en avoir prononcé le premier mot. Il dit au roi de Siam que le roi son maître, fameux par tant de victoires, et par la paix qu'il avait accordée tant de fois à ses ennemis, lui avait commandé de venir trouver Sa Majesté aux extrémités de l'univers, pour lui présenter des marques de son estime et l'assurer de son amitié, mais que rien n'était plus capable d'unir deux si grands princes que de vivre dans les sentiments d'une même croyance ; que c'était particulièrement ce que le roi son maître lui avait recommandé de représenter à Sa Majesté ; que le roi le conjurait, par l'intérêt qu'il prenait à sa véritable gloire, de considérer que cette suprême majesté dont il était revêtu sur la terre ne pouvait venir que du vrai dieu, c'est-à-dire du dieu tout puissant, éternel, infini, tel que les chrétiens le reconnaissent, qui seul fait régner les rois, et règle la fortune de tous les peuples ; que c'était à ce Dieu du ciel et de la terre qu'il fallait soumettre toutes ses grandeurs, et non à ces divinités qu'on adore dans l'Orient, et dont Sa Majesté qui avait tant de lumières et de pénétration ne pouvait manquer de voir l'impuissance. Il finit en disant que la plus agréable nouvelle qu'il pourrait porter au roi son maître serait que Sa Majesté, persuadée de la vérité, se faisait instruire dans la religion chrétienne ; que cela cimenterait à jamais l'estime et l'amitié entre les deux rois ; que les Français viendraient dans son royaume avec plus d'empressement et de confiance, et qu'ainsi Sa Majesté s'attirerait un bonheur éternel dans le ciel, après avoir régné avec tant de prospérité sur la terre.

M. l'ambassadeur prononça cette harangue toujours assis, et sans ôter son chapeau que lorsqu'il nommait quelqu'un des deux rois. M. Constance en fut l'interprète, et se prosterna trois fois avant que de commencer. Après quoi M. le chevalier de Chaumont prit la lettre de Sa Majesté des mains de M. l'abbé de Choisy. Le vase où on l'avait enfermée était soutenu d'un grand manche d'or de plus de trois pieds de long. Il s'avança jusqu'au trône, qui était une manière de tribune assez élevée dans une fenêtre de la salle, et il présenta le vase sans hausser la main. M. Constance lui dit qu'il prît la coupe par le bâton, mais il n'en voulut rien faire. Le roi se mit à rire, et s'étant levé pour prendre le vase, il se baissa de manière qu'on lui vit plus de la moitié du corps. Il regarda la lettre qui était dans une autre boîte d'or que ce prince ouvrit. Il avait une couronne toute brillante de gros diamants, avec un bonnet comme celui d'un dragon, qui se tenait droit, attaché à la couronne. Son habit était une manière de justaucorps d'un brocart d'or dont le fond était un rouge enfoncé. Ce justaucorps lui serrait le col et les poignets, et aux bords il y avait de l'or et des diamants qui faisaient comme un collier et des bracelets. Il avait aux doigts quantité de diamants. La salle de l'audience était élevée de douze ou quinze degrés. Elle était carrée et assez grande, avec des fenêtres fort basses de chaque côté. Les murs étaient peints, et il y avait de grandes fleurs d'or depuis le haut jusqu'au bas. Le plafond était orné de quantité de festons dorés. Deux escaliers conduisaient dans une chambre où était le roi, et au milieu de ces escaliers était une fenêtre brisée, devant laquelle on voyait trois grands parasols par étages qui allaient jusqu'au plafond, l'étoffe était d'or, et une feuille d'or couvrait le bâton. L'un de ces trois parasols était au milieu de la fenêtre, et les deux autres aux côtés. Ce fut par cette fenêtre que le roi parla.

M. le chevalier de Chaumont étant retourné en sa place, après avoir donné la lettre de Sa Majesté, ce qui fut une grande marque de distinction pour l'ambassadeur du roi de France, les rois d'Orient ne prenant aucune lettre des mains des ambassadeurs, Sa Majesté siamoise lui dit qu'elle recevait avec grande joie des marques de l'estime et de l'amitié du roi, et qu'il lui serait fort agréable de lui faire voir en sa personne combien elles lui étaient chères. Après cela, M. l'ambassadeur lui montra quelques présents du nombre de ceux que le roi lui envoyait, et lui présenta M. l'abbé de Choisy et les gentilshommes. Ce prince lui parla des ambassadeurs qu'il avait envoyés dans le Soleil d'Orient, et demanda des nouvelles de la Maison royale, et ce qui se passait en Europe. M. l'ambassadeur répondit que Sa Majesté, après avoir pris la forte place de Luxembourg, avait obligé l'empereur, les Espagnols, les Hollandais et tous les princes d'Allemagne à signer avec lui une trêve de vingt ans (31). Il fit encore d'autres questions sur lesquelles M. l'évêque de Métellopolis servit d'interprète, et après que M. l'ambassadeur y eut répondu, on tira un rideau devant la fenêtre de la tribune. Ce fut par là que l'audience finit. Elle dura plus d'une heure, et les mandarins demeurèrent prosternés pendant tous ce temps. Ils avaient tous un bonnet mais sans couronne, et chacun d'eux tenait une boîte pleine de bétel et d'arec dont ils usent encore plus que nous ne faisons ici de tabac. C'est par la différence de ces boîtes qu'on peut distinguer leurs qualités.

Au sortir de l'audience, M. l'ambassadeur fut conduit dans le palais, où il vit l'éléphant blanc. On lui rend de grands honneurs, et on le regarde comme une divinité. Quatre mandarins sont toujours auprès de lui. Deux tiennent un éventail pour chasser les mouches, et les deux autres un parasol, afin d'empêcher qu'il ne soit incommodé du soleil. Il est servi en vaisselle d'or. On en élève un petit qui sera son successeur. Lorsqu'il a besoin de se laver, on le mène à la rivière, et alors les tambours et les trompettes marchent devant lui. Dans l'endroit où on le lave, il y a une espèce de salle couverte, destinée pour cet usage. Il y a eu autrefois de grandes guerres pour l'éléphant blanc, et il a coûté la vie à plus de 600 000 personnes. Le roi de Pégou ayant appris que cet animal était possédé par le roi de Siam, lui envoya une ambassade des plus solennelles pour le prier de le mettre à prix, s'offrant d'en payer ce qu'il voudrait. Ce fut en 1568. Le roi de Siam ayant refusé de s'en défaire, celui de Pégou leva une armée d'un million d'hommes bien aguerris, dans laquelle il y avait 200 000 chevaux, 5 000 éléphants, et 3 000 chameaux (32). Quoique Pégou soit éloigné de Siam de soixante-cinq journées de chameau, il ne laissa pas avec cette redoutable armée de venir assiéger son ennemi dans sa ville capitale. Il la prit et la ruina entièrement, s'étant rendu maître de ses trésors, de sa femme et de ses enfants, qu'il emmena à Pégou avec l'éléphant blanc. Le roi de Siam se défendit jusqu'à l'extrémité, et voyant sa ville prise, il se jeta du haut de son palais en bas, d'où il fut tiré en pièces. Quelques-uns écrivent que le siège dura vingt-deux mois, et que cette guerre coûta plus de 500 000 hommes au roi de Pégou. Jugez combien il en dut périr du côté des Siamois (33).

Les Indiens trouvent quelque chose de divin dans l'éléphant blanc. Ils disent que ce n'est pas seulement à cause de sa couleur qu'ils le respectent, mais que sa fierté leur fait connaître qu'il veut qu'on le traite en prince, et qu'ils ont remarqué plusieurs fois qu'il se fâche quand les autres éléphants manquent à lui rendre l'honneur qu'ils lui doivent.

Après que l'on eut fait voir cet éléphant à M. l'ambassadeur, il fut conduit à l'hôtel qu'on lui avait préparé. Partout où il passa, il trouva des éléphants avec les soldats qui bordaient les chemins en très bel ordre. Quelques troupes, et plusieurs mandarins montés sur des chevaux ou sur des éléphants magnifiquement enharnachés, marchaient devant lui, et grand nombre d'autres suivaient par honneur. Ainsi, il ne manqua rien à cette entrée pour la rendre très superbe. Tout Siam jouit de ce grand spectacle, et ce qu'il y eut de surprenant, c'est que tout le monde était prosterné, comme si le roi eût passé lui-même, et cela se fit avec un si grand respect que l'on n'entendait personne cracher, tousser, ni parler. Les ordres du roi avaient été donnés pour cela, ce qu'il n'avait jamais fait pour d'autres ambassadeurs. Il est remarquable que les Siamois n'apportent aucun défaut en naissant, et qu'on ne voit parmi eux ni boiteux, ni bossus, ni borgnes. S'il y a quelques aveugles, ils ne le sont que pour avoir été condamnés à cette peine pour quelque crime commis.

La ville de Siam, que quelques-uns appellent India, d'autres Iudia, est la capitale du royaume, et l'une des plus grandes et des plus peuplées de toutes les Indes (34). Ses remparts sont environ de trois toises de hauteur, et elle a des bastions de toutes le sortes, de plats, de coupés et de solides. La rivière de Ménam qui y coule en huit endroits y forme deux îles. Elle a plusieurs belles rues, et de canaux qui sont assez régulièrement tirés. La plus belle est celle des Mores. Ce qu'ils appellent le quartier de la Chine est aussi très beau. Les maisons ne sont pas laides, et il y en a fort peu où l'on ne puisse aller en bateau. Surtout, les temples et les monastères sont très bien bâtis. Ils ont tous des pyramides dorées, qui font un très bel effet de loin. Les faubourgs des deux côtés de la rivière sont pour le moins aussi grands et aussi ornés de mosquées et de palais que la ville même. Celui du roi est d'une si grande étendue, qu'on le pourrait prendre pour une seconde ville. Il a ses remparts séparés, et les tours qui l'environnent en grand nombre sont fort élevées, et très magnifiques.

M. le chevalier de Chaumont trouva au lieu où il fut conduit des mandarins qui étaient de garde, et que l'on avait chargés de faire fournir tout ce qui lui serait nécessaire pour sa dépense.

Le 19, M. Constance fit assembler tous les mandarins étrangers et leur déclara que le roi son maître voulait qu'ils se rendissent tous à l'hôtel de M. l'ambassadeur, afin qu'ils fussent témoins de la distinction avec laquelle il traitait le roi de France, comme étant un monarque tout puissant et qui savait reconnaître les honneurs qu'on lui faisait. Ces mandarins répondirent qu'ils n'avaient jamais vu d'ambassadeur de France, mais qu'ils étaient fort persuadés que cette distinction était due à un prince aussi grand, aussi puissant et aussi victorieux que celui qui régnait sur les Français, puisqu'il y avait longtemps que ses victoires étaient connues de tout l'Orient. Ils allèrent aussitôt saluer M. l'ambassadeur, et le même jour, M. l'évêque de Métellopolis se rendit au palais où le roi l'avait mandé pour interpréter la lettre que M. le chevalier de Chaumont lui avait donnée le jour précédent. En voici les termes :

Lettre du roi au roi de Siam.

Très haut, très puissant, très excellent et très magnanime prince, et notre cher et bon ami, Dieu veuille augmenter votre grandeur avec une fin heureuse.

Nous avons appris avec déplaisir la perte des ambassadeurs que vous nous envoyâtes en 1681, et nous avons été informés par les prêtres missionnaires qui sont venus de Siam, et par les lettres que nos ministres ont reçues de la part de celui à qui vous confiez vos principales affaire, l'empressement avec lequel vous souhaitez notre amitié royale. C'est pour y satisfaire que nous avons choisi le sieur chevalier de Chaumont pour notre ambassadeur, qui vous apprendra plus particulièrement nos intentions sur tout ce qui peut contribuer à établir pour toujours cette amitié solide entre nous. Cependant, nous serons très aises de trouver les occasions de vous témoigner la reconnaissance avec laquelle nous avons appris que vous continuez à donner votre protection aux évêques et aux autres missionnaires apostoliques qui travaillent à l'instruction de vos sujets dans la religion chrétienne, et notre estime particulière pour vous nous fait désirer ardemment que vous veuillez bien vous-même écouter et apprendre d'eux les véritables maximes et les mystères sacrés d'une si sainte foi, dans laquelle on a la connaissance du vrai Dieu, qui seul peut, après vous avoir fait régner longtemps et glorieusement sur vos sujets, vous combler d'un bonheur éternel. Nous avons chargé notre ambassadeur des choses les plus curieuses de notre royaume, qu'il vous présentera comme une marque de notre estime, et il vous expliquera aussi ce que nous pouvons désirer de vous pour l'avantage du commerce de nos sujets. Sur ce, nous prions Dieu qu'il veuille augmenter votre grandeur avec toute fin heureuse.

Écrit en notre château royal le 21 janvier 1685.

Votre très cher et bon ami,

et plus bas : Colbert.

Quelques jours après, le roi envoya des présents à M. l'ambassadeur, savoir plusieurs pièces de brocart, des robes du Japon, une garniture de boutons d'or, et diverses curiosités du pays. Il y en eut aussi pour M. l'abbé de Choisy et pour les gentilshommes français.

Le 25, il fut mené à une seconde audience dans une salle à côté d'une autre où était le roi. Le discours étant tombé sur la famille royale, M. l'ambassadeur dit au roi de Siam que l'union y était si grande, que Monsieur, frère unique de Sa Majesté, avait gagné une grande bataille pour le roi (35), son frère, contre ses ennemis ligués, et commandés par le général des Hollandais qui avaient le plus de troupes dans cette armée, à quoi le roi de Siam répondit à peu près en ces termes : Je ne m'étonne point que le roi de France ait réussi dans toutes ses entreprises, puisqu'il a un frère si bien uni avec lui. La désunion est ce qui renverse les États. Je sais les malheurs qu'elle a causés dans la famille royale de Mataram et dans celle de Banten, et sache le grand Dieu du ciel ce qui arrivera de la mienne. Ce roi a deux frères, dont l'aîné surtout est très remuant. Il a 37 ans, et est fort incommodé de sa personne. Peut-être l'a-t-on mis en cet état afin de tenir son ambition dans l'impuissance d'agir. Le plus jeune est moins âgé de dix ans. Il est muet, ou il fait semblant de l'être. Ils ont chacun leur palais, et leurs domestiques, et ne voient le roi leur frère que deux fois l'année (36). Le roi peut avoir 55 ans. Il est basané, de moyenne taille, et a les yeux noirs, petits, et fort vifs. Outre deux oncles qui sont fort vieux, et dont l'un lui a servi de tuteur, il a des tantes qui n'ont jamais été mariées. Cette seconde audience dont j'ai déjà commencé à vous parler, finit par une matière de religion qui n'eut point de suite. M. l'ambassadeur dit au roi que le roi son maître ne souhaitait rien avec plus d'ardeur que d'apprendre qu'il consentît à se faire instruire par les évêques et missionnaires qui étaient dans ses États. Il se leva, et ne fit point de réponse. Lorsqu'il se fut retiré, M. Constance mena M. le chevalier de Chaumont dans le jardin du palais, où le dîner était préparé. Son couvert était en vaisselle d'or ; tous les autres furent servis en vaisselle d'argent. Le grand trésorier, le capitaine des gardes, et d'autres grands mandarins servirent à table. Le repas dura trois heures, et l'on alla voir de là l'étang du jardin, où il se trouve plusieurs poissons curieux. Ils en virent un entre autres avec un visage d'homme.

Le 26, M. Constance rendit visite à M. l'ambassadeur. La conversion du roi fut le sujet de leur entretien. M. Constance y fit paraître de grandes difficultés, sur ce qu'il serait très dangereux de donner prétexte à une révolte, en voulant changer une religion établie et professée depuis tant de siècles. Il lui fit connaître que le roi avait un frère qui ne cherchait qu'à brouiller ; que c'était toujours beaucoup que Sa Majesté permît qu'on enseignât la religion chrétienne dans son royaume, qu'il la fallait laisser embrasser aux peuples et aux mandarins même, si quelqu'un d'entre eux voulait se faire chrétien, et qu'avec le temps, les choses pourraient prendre une autre face (37).

Le 29, M. le chevalier de Chaumont alla visiter le barcalon, qui dans les honneurs qu'il lui fit rendre le distingua des autres ambassadeurs, ainsi qu'avait fait le roi. M. l'évêque de Métellopolis l'accompagna dans cette visite, et leur servit d'interprète.

Le 30, on alla au palais pour voir la grande pagode. C'est ainsi que les Siamois appellent leurs temples, mais ils ne laissent pas de donner aussi le nom de pagodes à leurs idoles. En passant par la première cour, M. l'ambassadeur eut le divertissement d'un combat de deux éléphants. On les avait attachés ensemble par les jambes de derrière, et deux hommes étaient sur chacun de ces animaux, l'un sur le col, l'autre sur la croupe. Ils les animaient avec un croc, qui leur servant d'aiguillon, les faisait tourner comme ils voulaient. Ce combat ne consista qu'en des coups de dent et de trompe. On dit que le roi y était présent, mais il ne se laissa point voir. Les éléphants ont beaucoup d'intelligence, et on leur fait comprendre aisément tout ce qu'on leur dit. De cette cour, on passa dans plusieurs autres avant que de trouver la pagode. Le portail en est antique, et assez bien travaillé. C'est un très beau bâtiment, dont l'architecture est presque semblable à celle de nos églises. Les yeux furent frappés en entrant de plusieurs statues de cuivre doré, qui semblent offrir un sacrifice à une grande idole qui est toute d'or. Elle a 40 pieds de longueur, 12 de largeur, et 3 pouces d'épaisseur. Son poids est de plus de douze millions d'or. Dans une guerre où ceux de Pégou conquirent presque tout le royaume de Siam, ils coupèrent une main à cette idole. Elle a été remplacée depuis. Aux deux côtés de cette pagode, il y a plusieurs autres petites idoles, dont la plus grande partie est d'or. Des lampes allumées depuis le haut jusqu'au bas font voir dans quelle vénération elles sont. Au fond est une autre idole en forme de mausolée. Elle est d'un prix extraordinaire. Parmi ce grand nombre on en voit une qui bien qu'assise les jambes en croix, a 60 pieds de haut. De cette pagode, M. l'ambassadeur alla dans une autre qui en dépend, et pour y aller, il passa sous une voûte qui est en forme de cloître. D'un côté de cette voûte, il y avait de deux pieds en deux pieds des idoles toutes dorées, et devant chacune brûlait une lampe que les talapoins ont soin d'allumer tous les soirs. Dans cette seconde pagode, M. l'ambassadeur vit le mausolée de la reine décédée depuis quatre ans (38), et celui d'un roi de Siam, représenté par une grande statue couchée sur le côté. Il est habillé comme le sont les rois de ce pays-là aux jours de cérémonies. Cette statue qui est de cuivre doré, a 25 pieds de longueur. En d'autres endroits sont quantité de statues d'or et d'argent, avec des rubis et des diamants aux doigts. La principale beauté de tout cela consiste dans les richesses, la plus grande partie de ce qu'il y a de plus précieux dans le royaume étant renfermée dans les pagodes. Au sortir de là, M. l'ambassadeur vit les éléphants du roi, qu'il fait nourrir au nombre de plus de 10 000. Il vit aussi une pièce de canon de fonte fondue à Siam qui est de 24 pieds, et qui a 14 pouces de diamètre par l'embouchure.

Le 31, on fit de fort grandes réjouissances pour le couronnement du roi de Portugal (39). On tira quantité de coups de canon, et il y eut le soir un feu d'artifice. Ces réjouissances furent continuées le lendemain, premier jour de novembre, par M. Constance, qui donna un grand festin où M. l'ambassadeur fut invité. On s'y trouva avec tout ce qu'il y avait d'Européens dans la ville. On n'entendit que coups de canon jusqu'à la nuit, et on tira toujours sans discontinuer. Tous les bâtiments qui étaient sur la rivière tirèrent aussi après le repas, qui fut suivi d'une comédie de Chinois, et d'un autre divertissement, façon de marionnettes. Il y eut quelque chose d'assez surprenant et de singulier dans cette fête.

Le 4 novembre, M. Constance avertit M. l'ambassadeur que le roi devait sortir pour se rendre à une pagode où il a accoutumé d'aller tous les ans. Comme ce jour était un de ceux où il se montre à ses peuples, la cérémonie méritait qu'on s'empressât pour la voir. On le conduisit dans une salle que l'on avait préparée sur l'eau pour lui donner ce plaisir. D'abord, il passa un grand balon tout doré, dans lequel était un mandarin qui venait voir si tout était bien dans l'ordre. Il fut suivi de plusieurs balons remplis des plus qualifiés des mandarins, tous habillés de drap rouge. Ils doivent être tous de même couleur en pareils jours, et c'est le roi qui choisit cette couleur. Ils avaient des bonnets blancs dont la pointe était fort élevée. Les okyas étaient distingués par un bord d'or qu'ils avaient à leurs bonnets. Je ne parle point de leur écharpe, elle était telle que je l'ai déjà décrite. On vit paraître après eux quantité de mandarins du second ordre, des gardes du corps et plusieurs soldats qui occupèrent les ailes. Le roi était dans un balon magnifique, à chaque côté duquel il y en avait un autre qui n'était pas moins brillant. Ces trois balons étaient remplis de sculpture, et dorés jusque sous l'eau. Je vous en ai déjà tant parlé que vous ne serez pas fâchée d'en avoir quelques-uns dans cette planche, où j'en ai fait graver quatre (40). Vous vous souviendrez que je vous ai dit qu'ils étaient fort longs, et faits d'un seul arbre. Leur longueur est cause qu'il y a un grand nombre de rameurs, et qu'ils vont fort vite. Quand les rameurs chantent, ce qu'ils font souvent, il semble que leurs rames s'accordent avec leurs voix, et qu'ils battent la mesure dans l'eau. Le balon que vous voyez gravé le premier est celui dans lequel était la lettre de Sa Majesté. Il est ce qu'ils appellent à trois toits, et ceux-là sont les plus considérables. Je crois même qu'ils sont particuliers pour le roi, et qu'il n'est permis à personne d'en avoir. Vos yeux vous feront voir aisément la différence des autres, qui n'est que dans le plus ou moins d'élévation de l'espèce de petite loge qui est au milieu. Quand il pleut, on se met dans cet endroit qui approche beaucoup des balons avec quoi l'on joue ici. Les rameurs du balon où était le roi, et des deux autres qui lui servaient d'accompagnement, étaient habillés comme les soldats, à la réserve qu'ils avaient une manière de cuirasse et de casque en tête, que l'on disait être d'or. Ils étaient au nombre de 180 sur chacun de ces trois balons, avec des rames toutes dorée, et sur ceux des mandarins, il y en avait 100 ou 120. D'autres gardes du corps suivaient dans d'autres balons, et allaient devant d'autres mandarins qui faisaient l'arrière-garde, de sorte que le cortège était du moins de 200 balons. Toute la rivière en était couverte, et il y avait plus de 100 000 personnes prosternées et dans un profond silence, pour jouir de la permission qu'on avait de voir le roi ce jour-là, car en d'autres temps, il faut qu'on s'éloigne par respect, et ceux qui se trouveraient à sa passage seraient punis fort sévèrement. Il avait un habit très somptueux, et tout parsemé de pierreries, avec un bonnet rouge un peu élevé, et une aigrette enrichie aussi de pierreries. M. l'ambassadeur entra sur le soir dans ses balons pour voir revenir le roi. Il avait changé de balon, et promis un prix à celui qui arriverait au palais avant les autres. Ce fut le sien qui arriva le premier, il récompensa ses rameurs en roi, en leur donnant à chacun la valeur de cinquante écus. Ce même soir, il y eut un feu d'artifice, et l'on tira quantité de coups de canon pour le couronnement du roi d'Angleterre (41). Cette fête fut continuée le lendemain. M. Constance donna encore à dîner à M. l'ambassadeur avec beaucoup de magnificence, et tous les Européens furent invités à ce repas.

Le roi qui se montre aux peuples deux ou trois fois tous les ans, va aussi quelquefois par terre faire ses offrandes à quelque mosquée. 200 éléphants, ou environ, commencent la marche, portant chacun trois hommes armés. Après eux vient la musique. Elle est composée de timbales, de tambours, et de hautbois. Mille hommes de pieds armés paraissent ensuite, distribués en divers compagnies, qui ont leurs drapeaux et leurs bannières. Tout cela précède les grands mandarins qui sont à cheval. Il y en a qui ont une couronne d'or sur la tête, et une suite de 60, 80 et 100 personnes à pied. Entre les gardes du corps et ces mandarins marchent 200 soldats japonais, en équipage fort leste. Après eux on voit les chevaux et les éléphants qui ne servent que pour la personne du roi. Leurs harnais sont magnifiques. Ils sont chargés de boucles et de lames d'or, et les diamants et les pierreries y brillent de toutes parts. Ceux qui portent les présents choisis pour l'offrande marchent devant les plus qualifiés du royaume, parmi lesquels il y en a deux, dont l'un tient l'étendard du roi, et l'autre le sceptre de justice. Ils marchent tous deux à pied immédiatement devant le roi, qui est monté sur un éléphant magnifiquement enharnaché. Il est porté sur son dos, assis dans une chaise d'or. Cet éléphant marche gravement, tout fier de sa charge. Il semble connaître l'honneur qu'il reçoit, puisqu'il se met à genoux quand le roi s'apprête à monter sur lui, et qu'il ne souffrirait pas qu'un autre y montât. Lorsque le roi a un fils, ce prince le suit, et après lui la reine et ses autres femmes. Elles sont aussi sur des éléphants, mais enfermées dans des manières de guérites de bois doré, en sorte qu'il est impossible de les voir. La marche est fermée par d'autres gardes, environ au nombre de 600, et tout le cortège est composé de 15 000 ou 16 000 personnes.

La vie du roi est assez réglée. Il se lève à quatre heures tous les jours, et la première chose qu'il fait, c'est de donner l'aumône à des talapoins, qui ne manquent pas de se montrer devant lui sitôt qu'il paraît. Ces talapoins sont comme nos religieux mendiants. Après cela, il donne audience, dans l'intérieur de son palais, à ses concubines, aux esclaves et aux eunuques, et ensuite à un magistrat qui lui vient montrer tous les procès que l'on a jugés. Il les approuve ou infirme comme il lui plaît. Lorsque ce magistrat est sorti, l'audience est ouverte à tout le monde jusqu'à l'heure du dîner. Il dîne avec la princesse reine, et dont je vous parlerai dans un autre endroit. La reine qui est morte depuis peu d'années ne lui a laissé que cette fille. Le médecin qui est à la porte visite toutes les viandes, et renvoie celles qu'il lui croit nuisibles. Pendant ce repas, qui est le seul qu'il fait chaque jour, on lui lit les procès criminels, et il ordonne du sort du chacun. Après le dîner, il entre dans une salle où il se met sur quelque lit de repos. Il est suivi d'un lecteur qui lui lit ordinairement la vie de quelqu'un des rois qui ont régné avant lui, et lorsqu'il s'endort, le lecteur baisse la voix, et peu après se retire. Ce même lecteur entre dans la salle sur les quatre heures, et il recommence à lire d'un ton si aigu qu'il faut nécessairement que le roi s'éveille. Alors il donne audience à chacun de ses six grands officiers, et sur les dix heures le Conseil s'assemble. Il dure ordinairement jusqu'à minuit. M. Constance a aussi son audience particulière, et si tout cela va trop avant dans la nuit, le médecin lui vient dire qu'il faut qu'il se couche. Ce médecin est reçu dans le Conseil, mais il ne fait qu'écouter, et l'on n'y prend jamais son avis.

Je m'aperçois de la longueur de ma lettre, mais comment songer à la finir, ayant encore tant de choses curieuses à vous apprendre touchant le royaume de Siam ? Je n'ai pas encore conduit M. le chevalier de Chaumont à Louvo, qui est une maison de plaisance du roi, où il alla prendre son audience de congé, et ce qui s'y est passé pendant le séjour qu'il y a fait fournit la matière d'un très long article. Ainsi, Madame, en vous envoyant cette première partie de ma lettre, je vous en promets une seconde que vous aurez dans fort peu de jours. Je joindrai à ce qui me reste à vous dire du royaume de Siam les autres nouvelles que vous attendez de moi. Ce sont celles qui regardent les vénitiens et la Hongrie. Cette seconde partie finira par deux énigmes nouvelles, et par les noms de ceux qui ont expliqué les deux dernières.

On vient de m'apprendre que ce que je vous ai dit au commencement de cette relation touchant des ambassadeurs que le roi de Siam avait envoyés à Sa Majesté par le Portugal n'est point véritable. Ce sont des envoyés de Siam qui ne vont qu'en Portugal, et dont vous avez trouvé une liste dans ma lettre de mai. Ainsi cette liste est vraie, et ils ont ordre d'envoyer en France les présents qu'elle contient (42).

Je suis, Madame, votre, etc.

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NOTES

1 - L'ambassade partit du Siam le 21 décembre 1680. 

2 - Dans un premier temps, les ambassadeurs rallièrent Banten sur le navire de la Compagnie le Vautour. Il y arrivèrent en janvier 1681 et y restèrent jusqu'au mois d'août. Ce n'est qu'à cette date qu'ils s'embarquèrent sur le Soleil d'Orient qui venait de Surate et qui fera naufrage fin décembre 1680 ou début janvier 1681 au large des côtes de Madagascar. 

3 - Voir page précédente l'article du Mercure Galant de mai 1686, pp. 70 et suivantes

4 - Le Coche, navire de 500 tonneaux qui appartenait au roi, avait été loué pour ce voyage à la Compagnie des Indes orientales pour 1 500 livres par mois. Il était parti de Brest le 17 janvier 1684 sous le commandement du capitaine Barbot du Hautmesnil. (sources : Julien Sottas, Histoire de la Compagnie royale des Indes orientales, 1905, p. 75). 

5 - Ancien nom de l'île de la Réunion. 

6 - La flûte l'Heureuse confiée au capitaine Barbot du Hautmesnil, était partie du Port-Louis le 27 mars 1682 avec une cargaison de 149 tonneaux 1⁄ 3 de marchandises. (Sources : Julien Sottas, op. cit., p 72). 

7 - Aujourd'hui la baie de Boina, au nord-ouest de Madagascar.

ImageLa baie des Mazelages, dans l'île de Madagascar.

Baie des Mazelages ou Nouveau Menages, situé dans l'Isle de Madagascar par la latitude de 17 degrés sud. L'original de cette carte a été faite à Mozambique en l'année 1673 par le sieur Pierre Chevreuil. 

8 - Anjouan, île de l'archipel des Comores. 

9 - Sans doute Matatana, sur la côte est de l'île de Madagascar. 

10 - Chaumont écrit (Relation de l'ambassade de M. le chevalier de Chaumont, 1686, p. 6) : Les Hollandais ont dans cette place un petit fort à cinq bastions. 

11 - Chaumont confirme cette information (op. cit., p. 8-9) : Ce jardin est très bien entretenu et est fort utile aux Hollandais par la grande quantité d'herbages et de légumes qu'il fournit pour le rafraîchissement de leurs flottes, lorsqu'elles passent en ce lieu, allant aux Indes ou retournant dans leur pays. J'y trouvai un jardinier français qui avait autrefois appris son métier dans les jardins de Monsieur à Saint-Cloud. 

12 - Anecdote rapportée par l'abbé de Choisy dans son Journal du 5 juin 1685 : On vient de rapporter de deux lieues d'ici deux hommes blessés et un tigre mort. Ces deux hommes passaient leur chemin avec chacun un fusil chargé : le tigre s'est jeté sur l'un ; l'autre aussitôt l'a tiré et a blessé son camarade. L'animal furieux a couru à celui qui venait de tirer : l'autre débarrassé, et tout blessé qu'il était, lui a tiré entre les deux yeux et l'a tué. Je ne sais si cela est bien clair, cela est au moins bien vrai et par le père Tachard (Voyage de Siam des pères jésuites, 1686, p. 92) : Deux hommes se promenant loin des habitations aperçurent un tigre. L'un tira dessus et le manqua, aussitôt le tigre se lançant sur lui le terrassa : l'autre, voyant l'extrême danger de son camarade, tira sur le tigre et blessa son camarade à la cuisse ; cependant le tigre sans être blessé, quitta sa proie pour courir sur celui-ci ; le premier s'étant relevé, vint à temps pour secourir son ami et tua le tigre. On dit que ces animaux ont cet instinct d'aller attaquer entre cent personnes celui qui a tiré sur eux, et de laisser tous les autres pour s'attacher uniquement à lui. Il n'y a pas de tigres en Afrique, et la plus grande confusion régnait sur l'identification de ces animaux tachetés. Pierre Kolb écrivait en 1741 (Description du cap de Bonne-Espérance, 1741, III, p. 6) : Le léopard ne diffère en rien du tigre que dans la grosseur et dans la forme et la couleur de ses taches. Le tigre est beaucoup plus grand que le léopard et ses taches jaunes ont ceci de particulier qu'elles ont tout autour des poils noirs et qu'elles sont rondes, au lieu que les taches du léopard sont noires et ne sont point rondes : elles ont une échancrure ou une ouverture et ressemblent à un fer à cheval. Ces taches en fer à cheval désignent clairement le léopard. Quant aux taches noires et rondes de l'animal que Kolb appelle tigre, ce sont vraisemblablement celles du guépard.

ImageLéopard (Wikipédia).
ImageGuépard (Wikipédia). 

13 - Ce paragraphe sur les Hottentots du cap de Bonne-Espérance est repris quasiment mot à mot de la Relation de Johan Albrecht de Mandelslo aux Indes orientales, publiée dans la Suite de la relation du voyage en Moscovie, Tartarie et Perse d'Adam Olearius, traduit par Abraham de Wicquefort, Paris, 1659, p. 530. 

14 - Certainement quelques années plus tôt, vers 1487 ou 1488. Bartolomeu Dias appela d'abord le cap Cabo das Tormentas (Cap des Tempêtes). Ce n'est que plus tard que le roi de Portugal Jean II le rebaptisa cap de Bonne-Espérance. 

15 - C'est au mois d'août et non de juillet qu'eurent lieu ces événements. Voir notamment le Journal de l'abbé de Choisy des 5 et 16 août 1685. 

16 - Le détroit de Magellan se trouve en Patagonie, au sud du Chili. On voit donc là la confusion qui régnait encore à cette époque quant à certaines régions du globe. 

17 - Donneau de Visé orthographie Jacatra, ainsi qu'il était d'usage fréquent à l'époque. Nous avons rétabli l'orthographe moderne. De la même façon, nous avons utilisé l'orthographe Banten pour le sultanat alors communément appelé Bantam

18 - La flotte de l'East India Company commandée par sir Thomas Dale était venue assiéger Jakarta où les Hollandais avaient bâti un comptoir fortifié. Afin de défendre leur établissement, le gouverneur Jan Pieterszoon Coen engagea les vaisseaux de la VOC dans un combat naval contre les puissants navires anglais, supérieurs en nombre. Comprenant qu'ils n'auraient pas le dessus, les Hollandais allèrent chercher des renforts dans les Moluques, revinrent et chassèrent les Anglais. Cette même année 1619, ils entreprirent de bâtir Batavia sur les ruines de Jakarta. 

19 - C'est une sorte de petit vaisseau propre à aller faire des découvertes. Les Anglais ont appelé ainsi autrefois leurs plus grands vaisseaux de guerre. (Nicolas Aubin, Dictionnaire de marine, 1702, p. 656). 

20 - Le prince Rangsang, qui passera à la postérité sous le nom de sultan Agung, régna sur le royaume de Mataram entre 1613 et 1646. 

21 - Ce M. d'Hébouville (et non d'Herbouville) faisait partie des douze gentilshommes que le chevalier avait emmenés avec lui pour rehausser le prestige de son ambassade. Il voyageait sur la frégate la Maligne. Il mourut le 6 septembre 1685, selon le Journal de l'abbé de Choisy.

22 - La Ménam Chao Phraya n'a pas de source, puisqu'elle est constituée par la confluence de la Ménam Ping (แม่น้ำปิง) et de la Ménam Nan (แม่น้ำน่าน) à la hauteur de Nakhon Sawan (นครสวรรค์).

ImageLa Menam Chao Phraya et ses confluents. 

23 - Louis Laneau (1637-1696). On pourra consulter une notice biographique de ce missionnaire sur le site des Missions Étrangères de Paris : Louis Laneau

24 - François Pallu (1626-1684) qui fonda en 1660 avec Lambert de la Motte (1624-1679), et sous l’impulsion d’Alexandre de Rhodes, la Société des Missions-Étrangères de Paris (MEP). On pourra consulter une notice biographique de ce missionnaire sur le site des Missions Étrangères de Paris : François Pallu

25 - Constantin Phaulkon, aventurier grec qui devint favori du roi Naraï avec toute autorité sur les affaires de l'État. Voir sur ce site la page qui lui est consacrée : Phaulkon

26 - Ce barcalon, sorte de premier ministre, était le Phra Khlang Kosathibodi (พระคลังโกษาธิบดี), frère de lait du roi Naraï et frère de Kosapan (โกษาปาน), futur ambassadeur siamois en France. Kosathibodi mourut en juillet 1683, après être tombé en disgrâce et avoir reçu des coups de rotin sur l'ordre de Naraï, châtiment et déshonneur qui précipitèrent peut-être sa mort. Selon La Loubère (Du Royaume de Siam, I, 1691, pp. 286-287), la disgrâce du barcalon aurait été due à une liaison sentimentale qu'il entretenait avec l'épouse du roi. Selon le père de Bèze (Drans et Bernard, Mémoire du père de Bèze sur la vie de Constance Phaulkon, 1947, pp. 9-10), c'est une accusation de corruption qui motiva cette rude punition. 

27 - Ce nouveau barcalon [Phra Khlang] était nommé Okya Phra Sedet (ออกญาพระเสด็จ). La Loubère (op. cit, I, pp.339-340) lui attribue le titre de gouverneur de la ville de Siam et indique que : Son nom qui est pali est composé du mot prà, dont j'ai parlé plusieurs fois, et du mot Sedet qui signifie, dit-on, Le roi est sorti ; et en effet, ils ne disent pas autrement pour dire que le roi est sorti. Mais cela ne fait point entendre ce que c'est que l'office du Prà Sedet ; et il paraît en plusieurs choses qu'ils ont fort perdu l'exacte intelligence du pali. Le père Tachard indique pour sa part (op. cit., p. 224) : Oya Prassedet était le chef et le protecteur de tous les talapoins du royaume, avec droit de les juger et de les faire punir quand ils le méritent, qui est une des premières et des plus importantes charges de l'État. Il semble que Phaulkon, qui était alors au faîte de son pouvoir, ait supporté avec patience la – faible – autorité du nouveau premier ministre. 

28 - Aujourd'hui Phetchaburi, ou simplement Phetburi (เพชรบุรี - La cité des diamants) à environ 160 km au sud de Bangkok, à l'extrémité nord de la péninsule Malaise. 

29 - Il n'y avait en fait que deux maisons qui étaient démontées et reconstruites tout le long de la route, comme le révèle le chevalier de Forbin (Mémoires du comte de Forbin, 1729, I, p. 102) : Les maisons de cannes qu'on avait bâties sur la route étaient mouvantes. Dès que l'ambassadeur et sa suite en étaient sortis, on les démontait ; celles de la dînée servaient pour la dînée du lendemain, et celles de la couchée pour la couchée du jour d'après. 

30 - C'est l'abbé de Choisy lui-même qui avait demandé à porter la lettre du roi, ainsi qu'il l'explique dans son Journal du 15 octobre : M. Constance voulait faire porter la lettre du roi en triomphe dans un balon toute seule, et qu'ensuite on la mît entre les mains d'un des grands mandarins du royaume pour la porter encore en triomphe dans la ville et dans les cours du palais. M. l'ambassadeur ne voulut point lâcher sa lettre et se tenait raide sur les coutumes d'Europe. Je n'ai pas manqué mon coup. J'ai dit qu'il fallait s'accommoder aux coutumes de l'Orient dans les choses qui, bien loin d'être honteuses, étaient beaucoup plus honorables ; qu'on ne pouvait rendre de trop grands honneurs à la lettre du roi, et là-dessus, j'ai proposé à M. l'ambassadeur, au lieu de mettre la lettre entre les mains des mandarins siamois, de me la remettre à moi pour la montrer au peuple et la porter à l'audience. Il y a consenti, et cela a été bien aise de me faire plaisir, et M. Constance aussi qui voulait seulement que la lettre fût exposée à la vue de tout le monde. Par-là, je me suis donné un rang fort honorable, au lieu qu'auparavant j'étais assez embarrassé de ma personne, n'ayant qu'une maigre coadjuterie et un caractère en idée. Il faudra bien honorer celui qui touchera la lettre du plus grand roi du monde. On me donnera à moi seul un balon du roi, j'irai à l'audience à côté de M. l'ambassadeur et j'y aurai une place réglée et honorable. On le croit sans peine lorsqu'il écrit un peu plus loin : … je l'ai portée plus de trois cents pas dans un vase d'or qui pesait cent livres et j'en suis sur les dents. 

31 - La trêve de Ratisbonne, signée en 1684 entre Louis XIV et l’empereur Léopold Ier reconnaissait à la France pour une période de 20 ans ses acquisitions en Alsace et dans la Sarre, puis dans les Pays-Bas espagnols. Cet accord ne tiendra pas longtemps. En 1688, la guerre de la Ligue d'Augsbourg les remettra en question. 

32 - La présence de chameaux en Birmanie paraît hautement fantaisiste. Les sources birmanes font état d'une armée de 54 600 hommes, 5 300 chevaux et 530 éléphants. 

33 - Donneau de Visé évoque ici la troisième guerre entre le Siam et la Birmanie - une parmi la vingtaine qui opposèrent les deux pays entre le XVIe et le XIXe siècle. L'éléphant blanc n'était bien évidemment qu'un prétexte à un conflit qui avait principalement pour enjeu le contrôle des royaumes du nord, notamment Phitsanulok et Kamphaeng Phet, qui étaient alors sous la domination de Bayinnaung Kyawhtin Nawrahta, roi de Taungoo (l'actuelle Birmanie). Chakraphat (จักรพรรดิ), le roi d'Ayutthaya, allié au roi Setthathirath de Lan Xang (le Royaume du Million d'éléphants, une partie de l'actuel Laos), mena un raid sur Phitsanulok et captura la fille du roi et ses enfants, qu'il emmena otages à Ayutthaya. En riposte, les Birmans levèrent une armée et vinrent assiéger la capitale du royaume de Siam. Le 2 août 1669, la ville tomba après neuf mois de siège et fut mise à sac. Les Birmans emmenèrent en otages le fils de Chakraphat, Mahinthrathirat (มหินทราธิราช) qui mourut sur la route de Taungoo. Le roi Chakraphat mourut pendant le siège de la ville, mais plus probablement de maladie que par suicide. Il avait 62 ans. 

34 - Le chevalier de Forbin avait fort bien relevé la mauvaise utilisation de ce nom de Siam appliqué à la ville d'Ayutthaya (op. cit., I, p. 102) : Je ne saurais m'empêcher de relever encore ici une bévue de nos faiseurs de relations. Ils parlent à tout bout de champ d'une prétendue ville de Siam, qu'ils appellent la capitale du royaume, qu'ils ne disent guère moins grande que Paris et qu'ils embellissent comme il leur plaît. Ce qu'il y a de bien certain, c'est que cette ville n'a jamais subsisté que dans leur imagination, que le royaume de Siam n'a d'autre capitale que Odia ou Joudia, et que celle-ci est à peine comparable pour la grandeur à ce que nous avons en France de villes du quatrième et du cinquième ordre.

ImageAyutthaya vers 1662-1663. Attribué à Johannes Vinckboons.
ImageAyutthaya vers 1662-1663. Détail. 

35 - La bataille de la Peene (bataille de Cassel) en 1677, qui fut d'ailleurs le seul fait d'armes de Philippe d'Orléans, frère du roi. 

36 - Sur les frères du roi Naraï, voir sur ce site le Mémoire du père de Bèze sur la vie de Constance Phaulkon

37 - Phaulkon n'avait aucune illusion sur une éventuelle conversion du roi Naraï au catholicisme et désapprouvait fortement l'insistance du chevalier de Chaumont sur ce sujet. La Bibliothèque nationale conserve un épais dossier manuscrit (BN ms fr 15476) intitulé : Relations de la France avec le Siam, sous Louis XIV ; mission du P. Tachard, dans laquelle on trouve, sans doute de la main du père Tachard, un Mémoire de M. Constance, Premier ministre du roi de Siam, sur l'ambassade que le roi lui a envoyée pour l'inviter à se faire chrétien, duquel nous extrayons ces lignes : Le lendemain matin, Mgr l'évêque de Métellopolis se rendit dans le logis du seigneur Constance ; celui-ci lui demanda dès qu'il l'eut aperçu s'il ne savait point ce qu'était venu traiter l'ambassadeur de France en cette Cour. Il lui répondit qu'il savait seulement que cet ambassadeur avait de grands pouvoirs pour traiter et conclure les plus grandes affaires, et qu'il avait en même temps un ordre exprès du roi son maître d'offrir la foi chrétienne au roi de Siam. Alors le seigneur Constance, extrêmement surpris de cette nouvelle : Eh qui donc est celui, lui dit-il, qui a ainsi trompé le roi de France ? M. l'évêque lui répondit en levant les épaules qu'il n'en savait rien et qu'il en était fort marri. Le seigneur Constance lui répartit qu'il prît garde avec beaucoup d'attention de ne se point charger d'une maison qui menaçait de ruine et qui l'accablerait en tombant, que cette affaire était de la dernière conséquence et qu'il répondrait à Dieu du malheureux succès qu'elle aurait. Car, ajouta-t-il, depuis que votre seigneurie est ici, avez vous vu la moindre apparence de la part du roi mon maître, si vous en exceptez les bonnes œuvres, d'où l'on puisse inférer la moindre possibilité de sa conversion ? Je n'en sache nulle, répondit M. l'évêque, et je suis fort étonné qu'il se soit trouvé des gens qui aient été en donner quelque assurance à Sa Majesté très chrétienne. 

38 - La princesse Suriyong Ratsami (สุริยงรัศมี), concubine du roi Naraï et mère de la princesse Yothathep, sa fille unique. 

39 - Pierre II de Portugal était monté sur le trône le 12 septembre 1683. 

40 - Nous reproduisons ci-après les quatre illustrations du Mercure Galant.

ImageBalon de Siam. Illustration du Mercure Galant de Juillet 1686.
ImageBalon de Siam. Illustration du Mercure Galant de Juillet 1686.
ImageBalon de Siam. Illustration du Mercure Galant de Juillet 1686.
ImageBalon de Siam. Illustration du Mercure Galant de Juillet 1686. 

41 - Jacques II d'Angleterre avait été couronné le 6 février 1685. Il sera renversé trois ans plus tard lors de la Glorieuse Révolution

42 - Donneau de Visé, sans doute contrit d'avoir donné de fausses informations, revient une fois encore sur la liste des présents qu'il avait publiée dans le Mercure Galant de mai 1686, pp. 70 et suivantes. Ces présents étaient vraisemblablement destinés au roi du Portugal, et rien ne justifie qu'ils auraient dû être envoyés à Louis XIV. Aucun document à notre connaissance ne mentionne d'ailleurs l'arrivée de ces objets en France. 

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23 mars 2019