Écrite en hollandais l'année 1636.
1ère partie.

Page de la relation de Joos Schouten

Le royaume de Siam est dans le continent de l'Asie ; il s'étend jusque sous le dix-huitième degré de latitude septentrionale et est frontière de ce côté-là aux royaumes de Pegu et d'Ava (1). Du côté de l'ouest, il est borné par le golfe de Bengale : la côte s'étend depuis Martavan (2) jusque sous le septième degré, où il confine du côté du sud avec les royaume de Patan et de Queda (3). Depuis Patan, la côte court vers le nord, jusqu'à treize degrés trente minutes, où elle se courbe en arc, et fait le fond du golfe de Siam. La côte descend après vers le sud, jusque sous le douzième degré ; et de ce côté-là, le royaume de Siam a à l'est les déserts de Cambodge et au sud les royaumes de Iongoma, Tangou et Langs-langh (4) ; si bien que ce royaume a la forme d'une demi-lune de quatre cent cinquante lieues de circuit ; il est presque partout couvert de montagnes et de bois, si ce n'est le long du bord de la mer où il est plat, marécageux et a un fond de glaise. Je ne dirai rien de ses côtes, de ses havres, de l'entrée de ses rivières, puisque toutes ces particularités ont été marquées fort exactement dans les cartes qui en ont été faites.

La rivière Me-Nam, c'est-à-dire la Mère des Eaux (5), est fort large : ceux du pays n'ont point de connaissance de sa source, qui doit être bien avant dans la terre ferme ; elle est fort rapide et a son cours du nord au sud ; elle traverse les royaumes d'Ava, de Pegu, et beaucoup de provinces du royaume de Siam ; elle se rend par trois embouchures dans le golfe de Siam, du reste fort semblable aux rivières du Gange et du Nil, car elle déborde tous les ans une fois et couvre tout le plat pays pendant quatre ou cinq mois de temps : la terre en devient extrêmement fertile. La plus grande des embouchures de cette rivière est celle qui est la plus avancée vers l'est, sous le treizième degré trente minutes de latitude septentrionale. C'est par cette embouchure que les vaisseaux et les jonques ont coutume d'entrer ; il y a au fond du golfe de Siam à l'entrée de cette rivière un banc plat de sable (6), il a pour le moins une lieue d'étendue, il s'y trouve ordinairement cinq ou six pieds d'eau quand la mer est basse et quinze ou seize quand elle est haute, mais lorsque la mer est débordée, c'est-à-dire au mois de septembre, d'octobre et de novembre, il y a dix-sept ou dix-huit pieds d'eau ; au-dehors de ce banc, environ à deux lieues loin de terre, il y a bon ancrage pour les grands vaisseaux et pour ceux qui ne voudraient point entrer dans la rivière, car il s'y trouve toujours quatre, cinq à six brasses d'eau, fonds de glaise et bonne tenue. Pour ce qui est de ceux qui veulent entrer dans la rivière, ils attendent que l'eau soit haute pour passer sur ce banc, ils peuvent après faire voile, et là remonter jusque devant une petite ville appelée Bancoq, à six lieues de l'embouchure. Au-dessus de cette ville, la rivière est moins large et son fond est fort inégal. Un bâtiment qui ne prendrait que onze à douze pieds d'eau peut passer et remonter vingt-quatre lieues avant dans le pays, jusqu'à la ville d'India, et cela en cinq ou six jours de temps ; mais quand l'eau est fort haute, comme j'ai dit qu'elle était aux mois de septembre, d'octobre et de novembre, on met bien trois ou quatre semaines à faire cette navigation.

Ce pays en général est fort peuplé, toutefois il y a des provinces qui le sont les unes plus que les autres, principalement celles qui sont le long des rivières dans le plat pays et où il y a peu de montagnes ; car dans celle-là on y voit tant de villes, de bourgs et des villages, qu'il serait difficile d'en rapporter le nombre. Les principales villes sont India, Picelouck, Sourckelouk, Caphengh, Soucethay, Kephinpet, Confeyvvan, Pijtsyay, Pitfidi, Lydure, Tenou, Mormelon, Martenayo, Ligor, Bordelong, Tannassary, Bangkok, Pijpry, Rapry, Mergy et autres (7). Ces villes sont les capitales des gouvernements des provinces où elles sont situées : ce n'est pas qu'il n'y en ait un grand nombre d'autres qui sont fort peuplées, mais il serait inutile d'en mettre ici les noms.

La ville d'India, capitale du royaume de Siam, où le roi fait sa résidence, est située sur la rivière de Me-Nam au milieu d'une belle plaine fort fertile ; elle est bâtie dans une île dont la figure est ronde de deux bonnes lieues de circuit. Les faubourgs sont bâtis sur les bords de la rivière qui regarde cette île, et à proportion sont aussi peuplés que la ville même.

On voit dans ces faubourgs quantité d'édifices publics, plusieurs temples et lieux où les sacrificateurs vivent en commun, semblables à des cloîtres de religieux. Il y a des quartiers de la ville qui sont fort bien bâtis ; les rues en sont larges, fort droites, avec des canaux au milieu ; il y en a d'autres où les maisons sont mal bâties, les rues fort étroites : il y a partout des canaux, si bien que lorsque la rivière est débordée, on peut entrer en bateau dans toutes les maisons.

Les maisons sont bâties à la manière ordinaire des Indes et couvertes pour la plupart de lassers de pierre en forme de tuiles. Les lieux où les sacrificateurs vivent en commun, et leurs temples, sont la plus belle partie de cette ville : il y a bien trois cents de ces bâtiments ornés de tours, de pyramides et d'une incroyable quantité d'idoles et de figures de toutes sortes de matières. Le palais du roi est à une des extrémités de l'île, et de loin on le prendrait pour une seconde ville, tant il est grand et magnifique. Je ne connais point de séjour plus agréable en toutes les Indes, de lieu où l'on vive à meilleur marché, ni où il se trouve une plus grand diversité de peuples. La situation et les fortes murailles qui font une ville de cette île la rendent imprenable, outre qu'une armée ne pourrait pas demeurer devant plus de six mois ; car l'inondation qui revient toujours dans ce temps obligerait les ennemis à lever le siège.

Le roi de Siam est fort absolu dans ses États ; il est d'une maison fort ancienne et fort noble, qui règne depuis longtemps en ce pays-là (8). Seulement dans les occasions les plus importantes de l'État, la coutume du pays est qu'il communique ses desseins à quelques-uns des plus grands seigneurs, qu'ils appellent mandorins (9) : ces mandorins assemblent d'autres officiers qui sont au-dessous d'eux, auxquels ils communiquent les propositions que le roi leur a faites, et tous ensemble concertent leur réponse ou remontrance. Il y a tel égard qu'il lui plaît ; il dispose de toutes les charges de son État, sans considérer le plus souvent la naissance de ceux à qui il les donne ; il les ôte aussi sur la moindre faute qu'on leur puisse reprocher ; ses sujets par cette raison le servent avec une soumission d'esclaves.

Son train est magnifique, il ne se montre presque jamais au peuple ; les grands seigneurs même le voient peu souvent, et cela à certains jours de l'année qui y sont destinés. Ces jours d'audience, son palais se voit paré de meubles fort riches ; le roi est assis sur un trône, tous les grands du pays à genoux à ses pieds, les mains croisées et la tête baissée. Sa garde est composée de trois cents hommes ; ses réponses sont reçues comme des oracles et ses ordres soigneusement exécutés. Outre la reine, il a un grand nombre de concubines qu'on choisit entre toutes les plus belles filles de tout le pays : sa table est bien couverte, mais sa religion lui défend le vin avec les eaux-de-vie et les boissons fortes ; ainsi il ne boit ordinairement que de l'eau pure ou de l'eau de coco, et ce serait un grand scandale pour son peuple si le roi ou ses principaux officiers avaient manqué à l'observance de cette loi.

Quelquefois il se promène sur la rivière dans de petites galères sur chacune desquelles il y a ordinairement quatre-vingts ou cent rameurs ; outre les praos du roi (10), qui sont ordinairement sept ou huit, il est encore suivi de trois ou quatre cents autres où sont les plus grands seigneurs du pays ; ces petits bâtiments ont au milieu un pavillon tout doré sous lequel on s'assied et ordinairement il y a dans ce [...] rencontre quatorze ou quinze cents personnes qui suivent le roi. Quand il va par terre, des hommes le portent sur leurs épaules dans une chaise dorée. Sa garde et ceux de sa cour le suivent en grand silence et en bon ordre et tous ceux qui se rencontrent sur le chemin sont obligés de se jeter le ventre contre terre. Il se montre tous les ans vers le mois d'octobre à ses peuples, un jour sur l'eau, une autre fois il sort du côté de la terre et va aux principaux temples de ses dieux, suivi d'une grande cour ; deux cents éléphants paraissent à la tête, ils portent chacun trois hommes armés ; ces éléphants sont suivis de joueurs d'instruments, de trompettes, et d'un millier de soldats à pied bien armés. Les grands seigneurs du pays viennent après, entre lesquels il y en a qui ont quatre-vingts et cent hommes à leur suite ; après ces seigneurs, on voit deux cents soldats du Japon, les soldats qui composent la garde du roi, puis ses chevaux de main et ses éléphants, et après eux les officiers de sa cour, qui portent tous des fruits ou quelque autre chose qui doit être présentée en sacrifice aux idoles ; après ces officiers, quelques-uns des grands seigneurs du pays, entre lesquels il y en a même qui ont des couronnes sur leur tête. L'un d'eux porte l'étendard du roi, l'autre une épée qui représente la justice. Sa Majesté paraît après eux sur un petit trône mis sur un éléphant, tout entouré de gens qui lui portent des parasols et suivi du prince qui lui doit succéder : ses femmes suivent aussi sur des éléphants, mais dans des petits cabinets fermés, tellement qu'on ne les voit point. Six cents hommes armés ferment ce cortège, qui ordinairement est de quinze ou seize mille hommes. Quand il se met sur l'eau, deux cents seigneurs du pays paraissent à la tête, chacun dans son prao ou galiote, avec soixante ou quatre-vingts rameurs : quatre bateaux des musiciens les suivent, et cinquante autres praos du roi fort dorés. Après ceux-là, il en paraît dix autres plus magnifiques que les premiers, tous couverts d'or, les rames même en sont dorées. Le roi est assis sur un trône dans le plus beau de ces praos ; sur le devant du prao est un des grands du pays qui porte son étendard : le prince suit après et les femmes du roi, avec leur suite, si bien que j'y comptais jusqu'à quatre cent cinquante prauws ou praos. Le peuple se rend en ce temps sur les bords de la rivière, les mains jointes et la tête baissée, témoignant un grand respect et vénération à son prince.

Son revenu est de plusieurs millions d'or, il se tire principalement sur le riz que ce pays produit en grande abondance, sur le sappang (11), ou bois qui sert à teindre en rouge, sur l'étain, sur le salpêtre, sur le plomb, n'y ayant que les facteurs du roi qui puissent vendre ces marchandises aux étrangers, non plus que l'or de lavage qu'ils tirent du sable, et celui qu'ils travaillent dans les mines. Il y a encore des impositions sur les marchandises étrangères, les taxes des gouverneurs et le tribut des princes ses vassaux. Il tire aussi de grands profits du commerce que ses facteurs font dans la Chine et à la côte de Coromandel, d'où il tire bien deux mille cattis (12) d'argent tous les ans. Il a beaucoup d'officiers qui manient ses deniers, et les profits qui viennent de ce trafic sont ordinairement appliqués à bâtir quelque temple à leurs idoles, et le surplus de la dépense est mis dans le trésor du prince, que l'on tient être fort riche. Quand le roi est mort, le plus âgé de ses frères lui succède ; lorsqu'il n'a point de frère, c'est l'aîné de ses fils ; et quand il a plusieurs frères, ils se succèdent les uns aux autres, selon l'ordre de la naissance. Les filles ne succèdent point à la Couronne ; mais cet ordre est souvent interrompu, et les princes qui ont plus de crédit parmi le peuple se rendent maîtres de l'État.

Le roi qui règne maintenant l'a usurpé de la sorte et a fait mourir tous ses compétiteurs pour s'assurer mieux la possession de son empire. Ils ont des lois écrites, et un conseil de douze juges présidé par un treizième règle toutes les affaires civiles et criminelles. Il y a encore d'autres juridictions subalternes à ce conseil, où les affaires se traitent par le moyen de procureurs et d'avocats, avec la même longueur qui se pratique en Hollande. Quand l'affaire a été bien instruite, on en dresse un procès-verbal ou relation, on le cachette pour être ouvert dans ce conseil des douze. Dans les affaires criminelles, lorsque les délits ne sont pas bien prouvés, ils ont diverses manières d'en rechercher la vérité ; quelquefois on oblige le dénonciateur à se plonger dans l'eau et y demeurer quelque temps, on oblige les autres à marcher les pieds nus sur des charbons ardents, à se laver les mains dans de l'huile bouillante, ou à manger du riz charmé. L'on plante dans l'eau deux perches, les deux parties se plongent dedans, et celui qui demeure plus longtemps entre ces deux perches gagne son procès. Lorsqu'on les fait marcher sur des charbons ardents, un homme leur presse sur les épaules, afin qu'ils appuient davantage en marchant ; s'ils en sortent sans se brûler, on tient leur innocence bien prouvée. Pour le riz charmé (13), ce sont les docteurs de leur loi qui le préparent et qui le leur donnent ; celui qui le peut avaler est déclaré innocent, et ses amis le ramènent comme victorieux et en triomphe chez lui, et l'on punit sévèrement son dénonciateur ; cette dernière preuve est la plus ordinaire de toutes. Ce prince a des mahométans et des soldats de Malacca à son service ; mais ceux du Japon y sont estimés pour leur bravoure plus que les autres, et les rois de Siam en ont toujours fait leurs principales forces.

Le roi d'à présent en avait pris quelque jalousie, et avait fait mourir tous ceux de cette nation qui se trouvèrent dans ses États (14) ; mais ils y sont retournés depuis quelque temps. Ceux de Siam servent leur prince dans ses troupes, sans aucun salaire : on y loue quelquefois le vingtième, quelquefois le centième des habitants, selon le besoin qu'on en a ; le roi leur donne des officiers pour les commander ; outre cela, les seigneurs du pays entretiennent grand nombre de soldats qui leur servent dans les occasions de la guerre. Ce roi peut mettre sur pied des armées de cent mille hommes, avec deux ou trois mille éléphants qui servent, partie pour le combat, et partie pour le bagage et munitions ; néanmoins ses armées ne passent guère cinquante mille hommes. Ces troupes gardent assez bien leurs rangs et la discipline militaire mais elles sont mal armées, ne portant la plupart que l'arc, la pique, ayant peu de pratique à se servir du mousquet. La cavalerie n'est pas mieux armée ; elle porte le bouclier, l'arc, et la lance. La principale force de leurs armées consiste en un grand nombre d'éléphants de guerre, chacun monté par trois hommes armés ; ils ont une assez belle artillerie, mais ils ne s'en savent pas servir et encore moins de celle qu'ils mettent sur leurs galères et sur leurs vaisseaux ; car ils ne sont pas des meilleurs mariniers. Ils ont un nombre infini de praos ou petites galiotes dans leurs rivières, mal armées, et qui ne pourraient pas résister aux vaisseaux ni aux galères de l'Europe. Ils ne laissent pas d'être fort redoutés des peuples voisins, les rois de Siam ayant souvent avec ces mauvais soldats fait de grandes conquêtes, et formé un grand État dans cette partie de l'Asie dont ils sont considérés comme les empereurs.

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2ème partie

NOTES

1 - Le Pégou était un royaume de basse Birmanie qui dépend aujourd'hui pour partie de la Thaïlande. Le royaume d'Ava était au nord du Pégou, et constitue à présent la haute Birmanie. 

2 - ou Martaban : Petit port à quelques kilomètres de Moulmein, aujourd'hui en Birmanie. 

3 - Pattani (ปัตตานี), port et petit royaume malais, tributaire du Siam. Aujourd'hui, province et ville portuaire au sud de la Thaïlande, sur le golfe de Siam. Kedah était un petit royaume sur la côte ouest de la péninsule malaise, tributaire de Siam. C'est aujourd'hui un État de Malaisie. Ce nom viendrait du malais Kadàh : piège à éléphant

4 - Iangoma était un des noms qu'on donnait à Chiang Mai (เชียงใหม่). On rencontre aussi Zangomay, Iamayhey, Xiengmai, Kiang-mai, etc. Les Birmans l'appelaient Zimmé. Tangou désignait Taungoo, ville du centre de la Birmanie. Langs-langh était le nom du Laos, Lan Chang (ล้านช้าง), le Pays des millions d'éléphants. On trouve de nombreuses variantes : Lanjang, Lanchan, Langianne, Lan John, etc. 

ImageLe Siam et les royaumes voisins vers 1540. (Wikipédia). 

5 - Mae Nam (แม่น้ำ) signifie effectivement littéralement Mère des eaux. C'est le titre qu'on donne à toutes les rivières. Le fleuve qui traverse Ayutthaya s'appelle très précisément la Menam Chao Phraya (แม่น้ำเจ้าพระยา).  

6 - C'est ce banc de sable que les relations françaises nomment la barre de Siam

7 - Nous donnons ci-dessous les transcriptions modernes des villes citées par Joos Schouten :

8 - Rien n'est plus sujet à caution que cette affirmation. Le roi qui régnait alors était l'usurpateur Prasat Thong (ปราสาททอง). La mort du roi Song Tham (ทรงธรรม) en 1628 fut le point de départ d'une sanglante conquête du trône. Ainsi que le note Xavier Galland dans son Histoire de la Thaïlande (éditions Que Sais-Je ?) : son fils Chettarat a 15 ans et ses prétentions au trône sont contestées par Si Sin, son oncle, frère cadet du roi disparu et qui semblait devoir lui succéder. Un cousin de Son Tham, Si Worawong, élimine cependant Si Sin, installe Chettarat sur le trône, puis se défait de lui quelque neuf mois plus tard pour le remplacer par son jeune frère Atthitayawong (10 ans) qu'il tue pour s'octroyer la couronne. Il prend alors le nom de Prasat Thong (le Roi du Palais d'Or). W.A.R. Wood note que c'est la première fois dans l'histoire du royaume d'Ayutthaya (à l'exeption de Khun Worawongsa (วรวงศาธิราช) qui ne régna que quelques mois en 1548) qu'un monarque peut être qualifié d'usurpateur, ne possédant aucun droit héréditaire à la Couronne. Néanmoins, selon la bonne vieille tradition thaïlandaise qui consiste à falsifier sans vergogne l'histoire pour la rendre présentable, les historiens se sont efforcés de justifier son titre royal de Somdet Phrachao en lui attribuant coûte que coûte des ascendances royales. 

9 - Une des nombreuses variante de ce mot qui désigne un officier chinois et vient du portugais mandar : détenir l'autorité, commander, gouverner, etc. Les relations françaises ont généralisé le mot mandarin mais on trouve aussi mandarim, manderym, mandarijs, manderenn, mandarino, menteries, mantri, etc.

ImageMandarin siamois. Illustration du Royaume de Siam de La Loubère. 

10 - On trouve de nombreuses variantes de ce mot (paráo, prauwe, paro, etc.) qui, selon Yule et Burnell Hobson-Jobson : A Glossary of Colloquial Anglo-Indian Words and Phrases) aurait pour double origine le malais puru (bateau) et le mot prau ou prahu usité dans beaucoup de langues de l'archipel indonésien. Ce terme désigne une sorte de petite galère, embarcation qui sera également appelée balon notamment dans les relations française. 

11 - ou sapan : bois utilisé pour la teinture. 

12 - Le catti (ou catty) était une mesure de poids d'origine chinoise et utilisée dans toute l'Asie de sud-est. Elle était égale à environ 625 grammes. 

13 - Affecté d'un charme. Il s'agissait en fait de vomitifs. 

14 - De nombreux Japonais s'établirent au Siam sous le règne d'Ekhathotsarot (เอกาทศรถ), (1605-1620), souvent des chrétiens qui fuyaient les persécutions organisées dans leur pays. Ils furent bien reçus, et le roi, qui appréciait fort leurs qualités d'organisation militaire, constitua même un corps de garde japonais, le Krom asa yipun (กรมอาสาญี่ปุ่น : Régiment des volontaires japonais) dont il confia le commandement à l'aventurier samouraï Yamada Nagamasa. C'est sur les conseils de ce dernier que se développèrent les relations diplomatiques et commerciales entre les deux nations. Vers la fin de son règne, Ekhathotsarot désigna comme vice-roi son fils aîné, le prince Suthat (สุทัศน์). Ce dernier était à peine nommé qu'il fut accusé par Phra Naï Waï, un mandarin ligué à une puissante faction japonaise, de comploter pour accéder au trône. Le roi Ekhathotsarot, qui n'avait sans doute plus toute sa raison à ce moment, fit exécuter son fils avant de mourir lui-même, en proie au remords. Le prince Intharacha (อินทราชา), un autre fils qu'il avait eu avec une concubine, lui succéda en 1610 ou 1611. Ce roi est généralement connu sous le nom de Song Tham (ทรงธรรม), le Roi Juste. Il régna jusqu'à sa mort en 1628. Une des premières mesures prises par Song Tham fut de faire exécuter Phra Naï Waï, considéré comme responsable de la mort du prince Suthat. C'était oublier que Phra Naï Waï avait de très nombreux partisans japonais. Deux cent quatre-vingts d'entre eux se révoltèrent, forcèrent le passage jusque dans les appartements privés du roi et l'obligèrent à signer de son propre sang un traité dégradant par lequel il acceptait toutes les conditions qu'on crut bon de lui imposer. Parmi celles-ci figuraient la remise de quatre importants mandarins qui s'étaient rendus odieux aux Japonais, l'octroi de divers privilèges résidentiels et commerciaux, et la livraison aux insurgés de moines importants, qui, en tant qu'otages, garantissaient l'exécution des promesses signées par le roi. Les quatre mandarins, ayant été livrés, furent immédiatement massacrés, puis les Japonais mirent à sac la ville d'Ayutthaya et s'en retirèrent après de grandes violences et en possession d'un important trésor. Ils se replièrent à Phetchaburi (เพชรบุรี), où leur chef s'établit presque comme un roi indépendant. Peu de temps après, le roi Song Tham leva une armée et les chassa de leur position. Il semble toutefois que le Roi Juste ne renia pas tout à fait les promesses qu'il avait consenties par la force. Les Japonais ne furent pas tous expulsés du royaume, et nous trouvons plus tard dans le règne de Song Tham un corps de garde japonais encore employé dans le palais royal sous le commandement de Yamada, qui était alors en grande faveur et portait le titre de Ok-ya Senaphimuk (ออกญาเสนาภิมุข). Ce même Yamada deviendra gouverneur de Nakhon Sri Thammarat (นครศรีธรรมราช) et, après la mort de Song Tham, jouera un rôle déterminant dans l'accession au trône de Prasat Thong en 1628. Il mourra empoisonné peu de temps après. C'est à cette époque que de nombreux Japonais qui avaient été expulsés auparavant revinrent s'installer à Ayutthaya. W.A.R Wood note : Prasat Tong, l'usurpateur, n'approuvait pas du tout la présence de ces Japonais, pensant avec raison que ceux qui l'avaient aidé à accéder au trône pourraient facilement l'en faire descendre. Il chercha alors un moyen de se débarrasser une bonne fois pour toutes de ces étrangers turbulents. Le quartier japonais d'Ayutthaya fut soudainement attaqué de nuit, pendant la saison des pluies de 1632. Beaucoup de Japonais furent massacrés, mais un grand nombre d'entre eux s'échappèrent en bateaux. Ils furent poursuivis par les Siamois et un combat acharné se déroula depuis Ayutthaya jusqu'à la mer, avec de lourdes pertes des deux côtés. La majorité des Japonais put se réfugier au Cambodge. Le ressentiment de l'usurpateur contre les Japonais était peut-être également attisé par le fait que le Shogun du Japon avait refusé de le reconnaître, et de recevoir ses envoyés. Il est de tradition pour les empereurs du Japon de vivre dans l'isolement, cependant que d'autres règnent en leur nom. Un grand respect est cependant attaché à leur personne. Un homme qui avait impitoyablement massacré les légitimes héritiers au trône, et qui avait usurpé le titre et le pouvoir de roi, était regardé au Japon comme un bandit dépourvu de toute respectabilité.

ImageBuste de Yamada Nagasama à l'emplacement de l'ancien quartier japonais à Ayutthaya. 
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28 février 2019