PRÉSENTATION
Marcel Le Blanc (parfois orthographié Leblanc) naquit à Dijon le 12 août 1653 et entra très jeune dans la Compagnie de Jésus. Il fut choisi en 1687 pour être l'un des quatorze jésuites mathématiciens envoyés au Siam par Louis XIV à la demande du roi Naraï. Lors de ce séjour, il passa notamment plusieurs mois dans un monastère pour y apprendre le siamois. Chassé du royaume avec les troupes françaises par le coup d'État de Phetracha en 1688, il rejoignit Pondichéry sur le navire l'Oriflamme, puis s'embarqua pour la France sur le Coche. Les Français, qui ignoraient que la guerre avait éclaté entre la France et les Provinces-Unies, firent escale au cap de Bonne-Espérance, tenu par les Hollandais, et y furent capturés, puis envoyés prisonniers à Middelbourg, en Hollande. Le père Le Blanc fut relâché à la fin de l'année 1689, à la faveur d'un échange de prisonniers. De retour en France, il rédigea son Histoire de la révolution du royaume de Siam arrivée en l'année 1688, et de l'état présent des Indes qui fut publiée en deux volumes chez Horace Molin, à Lyon, en 1692, puis il s'embarqua pour la Chine avec un groupe de seize jésuites, dont le père Philippe Couplet. Il n'y arriva jamais, il mourut en 1693 au large du Mozambique.
Composé de sept livres publiés en deux volumes, l'ouvrage de Marcel Leblanc est un document assez disparate, qu'on pourrait diviser en quatre sections : les 4 premiers livres constituent un document très intéressant et très précieux sur les prémices, le déroulement et les conséquences du coup d'État de 1688, comportant de nombreuses dates et une multitude d'informations de première main. On pourra bâiller à la lecture édifiante, dans le livre III, des persécutions subies par les chrétiens, toujours, bien évidemment, avec un courage admirable. Curieusement, le livre V vient interrompre le fil de cette narration pour développer un long et fastidieux chapitre didactique sur le royaume de Siam, sa géographie, son climat, ses mœurs, sa flore et sa faune, passage obligé peut-être, mais qui ne nous apprend pas grand-chose qu'on ne trouve dans les autres relations antérieures, notamment chez Gervaise ou La Loubère. Le livre VI est consacré à la débâcle et aux pérégrinations de la garnison de Mergui, document d'autant plus intéressant que cet épisode est moins documenté que celui de la garnison de Bangkok. Enfin le livre VII relate le retour vers la France, la capture des vaisseaux au cap de Bonne-Espérance et la captivité.
En bon jésuite, Marcel Le Blanc ne pouvait évidemment pas s'empêcher de décocher des pointes contre les prêtres des Missions Étrangère. S'il faut en croire le père Oudin, ses attaques furent un peu tempérées par sa hiérarchie, qui le censura en quelques passages jugés trop explicites : Le père Marcel Leblanc, jésuite, avait cultivé son esprit par l'étude des Belles-Lettres, des mathématiques et de la théologie. Sa Révolution de Siam est, ce me semble, bien écrite, et ne peut venir que d'un homme d'esprit. Avez-vous ouï dire que nos supérieurs firent retrancher de cet ouvrage un endroit qui aurait pu donner quelques idées peu avantageuses de messieurs des Missions Étrangères ? Je ne prétends pas que le père Leblanc fût excellent mathématicien. Quant à la théologie, il y avait réussi, non pas tout à fait comme un Suarez ni un Maldonat. Il fut choisi pour apprendre la langue de la Cour, comme il le dit lui-même dans sa lettre à ses sœurs, d'où j'ai tiré qu'il avait été à l'école de sancra environ quatre mois. (Le père Oudin, dans Michault, Mélanges historiques et philologiques, 1754, II, pp. 371-372).
Nous avons transcrit ce texte en français moderne, nous en avons revu la ponctuation et nous nous sommes appliqués à rédiger quelques notes pour l'éclairer. Afin de faciliter le chargement des pages, nous avons divisé chaque livre en deux parties. Nous avons volontairement omis, dans le livre VII, de retranscrire une série d'observations et de relevés astronomiques sans grand intérêt (pages 395 à 400 du volume II dans l'édition de 1692).
21 février 2019