Les extraits qui suivent proviennent d'un recueil manuscrit conservé à la Bibliothèque Nationale, et intitulé Lettres historiques et anecdotiques, 1682 à 1687. Ce recueil a été compilé par le chanoine Eugène Griselle sous le titre Mélanges – Avant et après la révocation de l'Édit de Nantes – Chroniques des évènements relatifs au protestantisme de 1682 à 1687 et publié dans le Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français - Documents historiques inédits et originaux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, à partir de 1907 et au rythme d'un numéro tous les deux mois. Nous en avons extrait les passages relatifs à l'ambassade siamoise de 1686.
Le chanoine Griselle décrit ainsi ce journal anonyme : Cette correspondance rédigée au jour le jour et assez fréquente (il y a en moyenne trois lettres par semaine) relate les nouvelles apprises à Paris dès qu'elles se produisent, recueillant tous les bruits qui circulent, au risque d'être amenée à les démentir, ce que fait sans embarras l'auteur anonyme lorsque l'occasion l'y engage. Ce ne sont donc point là des pièces officielles ni des notes d'histoire à proprement parler. Ces documents ont néanmoins leur portée et leur intérêt : ils sont des témoignages et des indices de l'esprit public. (…) On saisira sur le vif et tel qu'il se manifeste, l'état d'âme, ou comme on dirait aujourd'hui, la mentalité générale de l'époque. Car notre nouvelliste anonyme, sans autre préoccupation que de transmettre le plus tôt et le plus abondamment qu'il peut les nouvelles et les faits divers, nous semble traduire, sans originalité, mais comme un écho fidèle, la manière de voir de ses lecteurs et abonnés.
Il est fort intéressant de connaître la façon dont le peuple de Paris percevait l'ambassade siamoise de 1686. Informations réelles ou fantaisistes, rumeurs, ragots, bruits de couloir, les Siamois ont de toute façon défrayé la chronique entre juin 1686 et février 1687. Nous avons largement comparé dans les notes les faits consignés dans ce journal avec la relation bien informée que Donneau de Visé a rédigée pour le Mercure Galant. On pourra également comparer ces informations avec celles du marquis de Dangeau.
À Paris le 27 avril 1686 [samedi].
L'on a nouvelles qu'il est arrivé au port de Lisbonne deux ambassadeurs du roi de Siam qui doivent venir en France, afin de faire une alliance perpétuelle avec le roi, et pour lui demander son assistance contre les Hollandais qui avec leurs vaisseaux bouchent la rivière d'Odia, qui est celle de ce royaume-là, et qui en interrompent tout le trafic. Ces ambassadeurs sont chargés de riches présents que ce prince envoie à Sa Majesté (1).
À Paris le 15 mai 1686 [mercredi].
Les ambassadeurs de Sian [sic] qui avaient débarqué à Lisbonne en sont partis pour venir en France (2).
À Paris le 26 juin 1686 [mercredi].
Le chevalier de Chaumont est revenu de son voyage de Siam et a laissé à Brest les ambassadeurs. Il n'a été que 18 mois pour son voyage et a déjà rendu compte au roi (3).
À Paris le 20 juillet 1686 [samedi].
Les Siamois doivent arriver jeudi (4).
À Paris le 27 juillet 1686 [samedi].
On attend de moment en moment les ambassadeurs de Siam, qui sont venus le long de la Loire, et par toutes les villes on leur fera des espèces d'entrées. D'Orléans ils sont allés à Fontainebleau et leur dernière station sera Vincennes ; et ils doivent faire leur entrée par la porte et rue Saint-Antoine, et iront à la Croix du Tiroir (5) et de là à l'Hôtel des Ambassadeurs Extraordinaires (6).
À Paris le 31 juillet 1686 [mercredi].
Les ambassadeurs de Siam arrivèrent lundi au soir à Vincennes (7). L'on ne sait pas le jour qu'ils feront leur entrée. Leurs présents sont arrivés à Rouen ; on les fait monter ici par la rivière (8).
À Paris le 3 août 1686 [samedi].
En attendant qu'on se soit préparé, les ambassadeurs de Siam étant logés fort incommodément à Vincennes (9), on les a menés à Sceaux où M. de Seignelay les a fait régaler. L'abbé de Lionne les mènera à Berny (10). Les présents sont arrivés ici. Il y a 333 ballots, mais il y en a qui appartiennent à des particuliers (11).
À Paris le 10 août 1686 [samedi].
Les jésuites ont fait un magnifique régal aux ambassadeurs de Siam, qui, comme dit la Gazette, virent leur tragédie incognito (12).
À Paris le 17 août 1686 [samedi].
Les ambassadeurs de Siam furent, au jour de l'Assomption, dans une maison au cloître Notre-Dame, pour voir passer la procession, M. l'archevêque officiant. Ensuite ils montèrent sur les tours Notre-Dame (13). Leur audience est retardée de quelques jours à cause de l'indisposition du roi (14).
À Paris le 28 août 1686 [mercredi].
On ne sait encore quand les ambassadeurs de Siam auront leurs audiences. Les ballots de présent sont allés devant ; or il en manque quatre qu'ils trouvent égarés, entre lesquels est celui qui était destiné pour Mme la Dauphine. Le roi en fait faire une exacte perquisition (15).
À Paris le 4 septembre 1686 [mercredi].
Les ambassadeurs de Siam eurent dimanche audience de Sa Majesté à Versailles. Cela se fit avec beaucoup de magnificences et de leur part avec beaucoup de respect et de soumission. Le détail serait trop long à décrire. Le Mercure Galant et la Gazette ne manqueront pas d'en parler amplement (16).
Le roi sera trois jours à Marly. Monseigneur partit hier pour la fête d'Anet. Il donna lundi au soir à souper à onze dames à Clagny, et leur donna en loterie tous les présents du roi du Siam.
À Paris le 7 septembre 1686 [samedi].
Les Siamois après être revenus de Maintenon, doivent aller visiter les conquêtes du roi, dont ils sont chargés par leur instruction.
À Paris le 14 septembre 1686 [samedi].
Les ambassadeurs de Siam sont revenus de voir les travaux que font les troupes du roi à la rivière d'Eure, qu'ils ont trouvés admirables (17). Pendant qu'ils y ont séjourné, il y a eu un corps de garde devant leur maison, et le soir on leur allait demander l'ordre. Ils furent très satisfaits des honneurs qu'on leur a rendus. Ils furent jeudi à la Comédie Française (18).
À Paris le 21 septembre 1686 [samedi].
Les ambassadeurs de Siam furent vendredi à l'audience de M. de Croissy, où ils furent régalés de café, de senteurs, d'eaux et de fruits (19).
À Paris le 25 septembre 1686 [mercredi].
Le roi reviendra de Marly à Versailles jeudi prochain.
Les Siamois y doivent aller ce jour-là, où ils feront quelque séjour, d'où ils commenceront leur voyage pour aller visiter toutes les nouvelles conquêtes qu'a faites Sa Majesté.
À Paris le 2 octobre 1686 [mercredi].
Les ambassadeurs de Siam furent dimanche à Versailles, où ils présentèrent au roi les présents du sieur Constance, favori du roi de Siam, qui sont des pièces fort rares et précieuses (20). Ils virent dîner Sa Majesté et furent toujours dans un respect approchant de l'adoration. Ensuite ils eurent une fort longue audience de Sa Majesté qui dura plus de demi-heure, leur faisant plusieurs questions de choses dont il voulait être informé. Le roi avait son justaucorps de pierreries. Ils doivent voir toutes les beautés de Versailles. Le roi a expressément défendu que l'on ne laissât entrer personne avec eux afin qu'ils pussent considérer à leur loisir et avec commodité toutes les choses ; ils doivent revenir ici, ensuite aller à Dunkerque ; on ne sait pas s'ils iront plus loin à cause de la rigueur de la saison qui est déjà extrême pour eux, ils demandent déjà si l'hiver sera bientôt passé (21).
À Paris le 5 octobre 1686 [samedi].
Les Siamois ont eu leur audience de Mme la Dauphine qui était sur son lit (22). Dans le discours qu'ils ont tenu, ils lui ont dit qu'ils avaient ordre du roi leur maître de la supplier d'élever les princes ses enfants dans le dessein de continuer l'alliance qu'ils venaient de faire avec le roi leur aïeul.
À Paris le 12 octobre 1686 [samedi].
L'audience que le roi a donné aux Siamois fut longue et particulière. Il n'y eût que le seul abbé de Lionne qui y était nécessaire. Ils sont partis aujourd'hui pour aller visiter la force des places de Flandres et commenceront par Dunkerque. On a donné ordre de les habiller magnifiquement des plus belles étoffes or et argent qu'on trouvera chez Gautier (23) et doublés de très belles martres zibelines (24). On a changé celui qui avait soin de faire cette dépense.
À Paris le 16 ctobre 1686 [mercredi].
Les Siamois ne sont partis que lundi. M. le marquis de Seignelay les a régalés à Sceaux samedi (25). Ils allèrent coucher lundi à Chantilly et virent le trésor de Saint-Denis en passant et la sépulture de nos rois, et admirèrent les pièces rares et antiques qui sont dans ce trésor (26).
À Paris le 23 novembre 1686 [samedi].
M. de la Moignon, avocat général (27), fit mardi dernier la harangue qui se fait tous les ans à l'ouverture du parlement avec toute l'éloquence qui se peut. Le sujet fut l'éloge du roi, sur sa grande prudence, sagesse et clémence sur les conquêtes qu'il a faites non seulement sur les ennemis dans l'Europe, mais aussi dans l'Asie et l'Afrique sur les ennemis de la chrétienté qu'il a obligé de venir par députés faire satisfaction et dont le bruit et la renommée ayant été portés non seulement au milieu de l'Afrique, mais aussi au centre de l'Asie, ce qui avait fait que le roi de Siam avait envoyé exprès ses ambassadeurs pour en savoir la vérité et en apprendre davantage que la renommée ne lui en a pu apporter. Il fit voir à la fin de son discours que la plus grande gloire du roi n'était pas tant d'avoir vaincu tous ses ennemis que d'avoir vaincu son propre cœur au milieu de toutes ces victoires, et le tout pour pouvoir donner la paix à l'Église catholique en terrassant l'hérésie de son royaume en une seule année, ce que les rois ses prédécesseurs n'avaient pu faire dans toute la suite d'un siècle entier.
(…)
La fête de Saint-Cloud, que Son Altesse Royale a donnée à Monseigneur et à Mme la Dauphine, a été des plus magnifiques que l'on ait encore vu depuis longtemps. Tout le château de Saint-Cloud était illuminé ; presque toute la cour par ordre du roi s'y rendit, ainsi que grand nombre de personnes de qualité de Paris. Il y avait 4 tables magnifiquement servies, l'une pour Monseigneur et Mme la Dauphine, l'autre pour Monsieur et Madame, la 3ème pour les seigneurs et dames de la cour et la quatrième pour les ambassadeurs de Siam et mandarins avec leur suite, les personnes de qualité de Paris qui étaient en grand nombre étant en d'autres tables à part ou parmi les deux dernières tables (28).
Ces mandarins font faire en cette ville des sabres d'une façon extraordinaire et très riche. Le corps de ces sabres est large et rempli de figures de différentes espèces, et la poignée d'or massif ciselée et garnie d'émail.
À Paris le 19 janvier 1687 [dimanche].
Les ambassadeurs de Siam sont sur leur départ pour Brest. Le roi a nommé le lieutenant de Brissac (29) pour les accompagner et les escorter avec 500 hommes choisis tant cavalerie qu'infanterie, outre plusieurs volontaires, lesquels s'embarqueront sur deux vaisseaux qui sont tout prêts et qui seront escortés de deux autres vaisseaux de guerre et autres bâtiments (30) et ces gens-là serviront pour la guerre ordinaire sous cet officier qui aura la qualité de général des armées de Sa Majesté Très-Chrétienne en Orient, et l'on croit même qu'il sera gouverneur d'une place que l'on doit bâtir à l'embouchure d'une rivière pour la liberté du commerce (31), afin que ceux qui se trouveront en ces quartiers-là plus forts que les Français, ne puissent entreprendre d'interrompre le négoce, comme ils ont fait aux Anglais et Portugais (32) : et à cette fin on envoie aussi des ouvriers de maçonnerie et charpenterie et quelques autres métiers que l'on a jugé les plus nécessaires (33).
Il part aussi des femmes capables de faire valoir le négoce, comme des brodeuses, tireuses d'or et de soie, coutures et autres choses semblables. Il y va aussi six jésuites et quelques autres ecclésiastiques (34). Il y avait quantité de filles qui avaient dessein de faire le voyage ; mais on les a rebutées, parce qu'on a connaissance qu'il y a une île proche de cet endroit qui est toute remplie de femmes et de filles très belles, bien taillées, nez aquilin, de grands yeux noirs et des cheveux qui leur couvrent le corps tout entier jusqu'aux talons, desquelles on pourra se servir en cas que l'on veuille faire croître cette colonie, étant naturellement fort chastes et modestes ; mais pour en pouvoir jouir, il les faut acheter de leurs parents à force de bijoux et de présents et les élever hors du lieu, ne souffrant point de commerce avec les étrangers ni même avec leurs voisins (35).
À Paris le 23 janvier 1687 [jeudi].
Le roi a fait délivrer quatre années par avance au lieutenant de roi de Brisach, à cause du voyage de Siam qu'il entreprend, à raison de vingt mille livres par an, sans le tour du bâton (36) et autres appointements. On dit qu'après qu'il sera arrivé en ce pays là qu'il passera encore plus outre vers le Japon et la Chine (37).
À Paris le 29 janvier 1687 [mercredi].
Les ambassadeurs de Siam sont partis. Il y avait six carrosses, six fourgons et trente-six charrettes. Ils vont par Orléans droit à Brest et la plupart du monde qui se doit embarquer avec eux ont pris la route de Rouen. M. Madelay, conseiller au parlement de Toulouse, va en qualité d'ambassadeur vers le roi de Siam (38). Il mène avec lui une suite de près de trois cents personnes ; entre autres il y a plusieurs jeunes gens qui feront belle dépense et doivent revenir sur les mêmes vaisseaux. M. Damourette y va aussi et restera en qualité d'envoyé ordinaire (39). Il y demeurera encore un directeur du commerce pour la compagnie des Indes orientales (40).
NOTES
1 - Cette information - erronée – avait été diffusée par le Mercure Galant dans son numéro de mai 1686, pp. 70 et suivantes. Donneau de Visé, qui disait la tenir d'un lieu si sûr, qu'il ne doit pas vous être suspect, dressait même une liste de présents apportés à Louis XIV par un certain Sumdes Bamabarafat Traticaicpar. On pourra consulter cet article à la page : Mercure Galant de mai 1686. Peut-être s'agissait-il de présents destinés à Pierre II, roi du Portugal, auquel le roi Naraï avait envoyé une ambassade en mars 1684, expédition qui fit naufrage au cap des Aiguilles en avril 1687 et dont les survivants retournèrent au Siam sans avoir pu accomplir leur mission. Quoi qu'il en soit, le mandarin au nom très exotiques (et fantaisiste) mentionné par le Mercure n'arriva jamais en France. Le Gazette, plus prudente, ou mieux informée, ne soufflait mot sur nouvelle, mais le marquis de Sourches notait dans son Journal, à la fin d'avril 1686 : … on sut qu'il venait encore de nouveaux ambassadeurs de Siam, mais on n'avait point encore de nouvelles de ceux que le roi y avait envoyés. Et en note du marquis lui-même : On ne pouvait pas encore en avoir depuis qu'ils étaient partis. (Mémoires du marquis de Sourches sur le règne de Louis XIV, 1882, I, p. 380). ⇑
2 - Bien entendu, cette ambassade fantôme n'arriva jamais en France, et le Mercure Galant ne publia pas de démenti. Au demeurant, le retour du chevalier de Chaumont le 18 juin suivant allait détourner toutes les attentions. ⇑
3 - Partie le samedi 3 mars 1685, l'ambassade du chevalier de Chaumont revint à Brest le mardi 18 juin 1686, soit un périple de quinze mois et 15 jours. ⇑
4 - Les ambassadeurs siamois se trouvaient le 20 juillet 1686 à la Chapelle-Blanche entre Saumur et Tours. Voici, selon le Mercure Galant, le détail de leur trajet entre Brest et Paris :
- Mardi 9 juillet - Brest - Landrinot (Landerneau) - Foux (Le Faou)
- Mercredi 10 juillet - Chatolin (Châteaulin) - Quimper
- Vendredi 12 juillet - Ennebon (Hennebont) - Auray
- Samedi 13 juillet - Rennes
- Dimanche 14 juillet - La Roche-Bernard - Pont-Château
- Lundi 15 juillet - Temple (Le Temple de Bretagne) - Nantes
- Mercredi 17 juillet - Ancenis
- Jeudi 18 juillet - Ingrandes - Angers
- Vendredi 19 juillet - Aurosiès (Les Rosiers-sur-Loire) - Saumur
- Samedi 20 juillet - La Chapelle Blanche (La Chapelle-Blanche-Saint-Martin) - Langeais
- Dimanche 21 juillet - Tours
- Lundi 22 juillet - Blois
- Mercredi 24 juillet - Chambord - Saint Laurent des Eaux
- Jeudi 25 juillet - Orléans
- Vendredi 26 juillet - Ardonnay (Artenay) - Toury
- Samedi 27 juillet - Marville (Outarville ?) - Malerbe (Malesherbes)
- Dimanche 28 juillet - Fontainebleau
- Lundi 29 juillet - Melun - Vincennes. ⇑
5 - Nous citons le Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs de Hurtaud et Magny (1779, II, pp. 613 et suiv.) : La Croix du Tiroir est le nom d'une croix et d'un carrefour de la rue de l'Arbre-sec, à l'endroit où elle a aboutit à la rue Saint-Honoré. Elle est nommée dans les anciens titres, la croix du Traïhouer, ou Traihoir, ou Trahoir, du Trihouer, du Tiraver, du Tiroer, du Tiroir. On s'est bien donné de la peine pour trouver l'origine de ce nom. Les uns l'ont fait venir de trahere, tirer ; et les autres de trier, parce qu'autrefois, disent-ils, ce carrefour était une espèce de marché, où l'on triait et tirait les bêtes qu'on achetait, ou même parce qu'on s'y amusait à tirer de l'arbalète. D'autres enfin l'ont fait venir de ce que c'était un lieu patibulaire du temps de Clotaire II, et ce fait peut être vrai, mais ce qu'ils ajoutent, que c'est ici que la reine Brunehault fut tirée à quatre chevaux, ou traînée à la queue d'une jument indomptée, est détruit par Frégédaire, Abbon et Aimon, historiens contemporains, qui disent tous que cette princesse finit ses jours en Bourgogne, auprès d'un village nommé Rionne, sur la rivière de Vigenne, à quelque distance de Châlons. Sanval croit que le nom de cette croix pourrait bien venir du nom d'un fief appelé le fief de Thérouenne, qui s'étendait jusqu'à la rue Saint-Honoré, et qu'au lieu de dire la Croix de Thérouenne, on avait dit la Croix du Tiroye et du Tiroir ; mais cette conjecture n'est guère plus certaine que les autres.
Ce qu'il y a de constant, c'est que cette croix était autrefois au milieu de la rue, et que François Ier y fit faire une fontaine. Elle fut depuis entourée de bouchers, et les degrés de son perron étaient occupés par des fruitiers et par des vendeurs d'herbes. Quoique cette croix et cette fontaine fussent situées de manière qu'elles causaient bien de l'embarras, et que les habitants du voisinage, et même le prévôt des marchands, en eussent porté leurs plaintes au Conseil, ce ne fut cependant qu'en 1636 qu'elles furent ôtées et mises à un pavillon qui avait été bâti en 1606, par les soins de M. Miron, Prévôt des Marchands, pour servir de réservoir aux eaux d'Arcueil, qui s'y rendent par des canaux qui passent sous le pavé du Pont-Neuf, et sont distribuées ensuite en plusieurs endroits de la ville. Cette fontaine a été réédifiée en 1776, et la croix n'a point été rétablie. Au reste, depuis un temps immémorial, cet endroit est un lieu patibulaire ; peut-être était-ce pour cette raison qu'on y avait planté une croix, afin que les patients l'eussent devant les yeux, et qu'elle leur servît de consolation dans leur dernier moment. C'est ici que se font les exécutions pour crime de fausse monnaie, ou pour des crimes commis dans ce quartier. ⇑
6 - C'est encore au Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs de Hurtaud et Magny (1779, III, p. 280) que nous empruntons ces informations : Cet hôtel ne subsiste plus. Il était situé rue de Tournon, près du palais du Luxembourg, et avait appartenu à Concino Concini, connu sous le nom de maréchal d'Ancre. Aujourd'hui il appartient à M. le duc de Nivernois, qui l'a réédifié, embelli et décoré. L'hôtel connu maintenant sous le nom de Palais de Bourbon, et qu'habite M. le prince de Condé, avait été désigné pour y loger les ambassadeurs ; ensuite celui de Pontchartrain, rue neuve des Petits-Champs, puis l'Hôtel d'Evreux, que sa Majesté avait acquis du marquis de Marigni, après la mort de la marquise de Pompadour, sa sœur ; et aujourd'hui il n'y a point encore d'hôtel décidé pour leur demeure. Le roi Louis XIII, à son retour de Savoie, alla loger dans l'Hôtel des Ambassadeurs, rue de Tournon, parce qu'il était près du Luxembourg, où la reine, sa mère, qu'il visitait souvent, faisait son séjour. ⇑
7 - Cette date est confirmée par le Mercure Galant (supplément de septembre 1686, pp. 79 et suiv.) : Le 29, il allérent dîner à Melun, où ils furent reçus avec tous les honneurs qu'ils pouvaient attendre du Corps de Ville, du Présidial et des ordres religieux. (...) On alla le soir coucher à Vincennes. ⇑
8 - Donneau de Visé confirme ce détail dans le Mercure Galant (supplément de septembre 1686, pp. 88-89) : Comme les ballots qui renfermaient leurs présents ne pouvaient sitôt arriver ici, parce qu'après avoir été débarqués il avait fallu les mettre à Rouen dans des bateaux qui sont obligés de remonter la rivière de Seine pour venir à Paris, ce qui demande beaucoup de temps, les ambassadeurs, voyant qu'ils ne pourraient avoir si promptement audience de sa Majesté, à cause que ces présent devaient être conduits à Versailles et exposés dans le lieu de l'audience suivant l'usage de leur pays, furent bien aises de différer leur entrée publique à Paris. Ainsi on chosit Berny pour leur demeure jusqu'au jour de cette entrée. ⇑
9 - La Loubère indique que les ambassadeurs couchèrent dans une auberge proche de Vincennes, à la Piçote. C'est à Vincennes qu'eut lieu l'incident de la lettre du roi de Siam, rapportée par Donneau de Visé (supplément au Mercure Galant de septembre 1686, pp. 80 et suiv.) : On alla le soir coucher à Vincennes. Les ambassadeurs auraient couché dans le château voisin s'il n'eût point été rempli d'ouvriers qui y travaillaient à quelques accommodements. On les logea dans la maison du lieu qu'on trouva la plus commode. On avait marqué une chambre pour le troisième ambassadeurs au-dessus de celle du premier. M. Storf le mena voir cette chambre qui lui plut beaucoup à cause de la vue. Après qu'il l'eut bien considérée et qu'il eut aussi regardé Paris et l'arc de triomphe qui est hors la porte de Saint-Antoine, il s'avisa de demander qui était celui qui devait coucher au-dessous de cette chambre. On lui répondit que c'était le premier ambassadeur, et aussitôt, changeant de visage et ne pouvant déguiser le trouble qui l'agitait, il sortit avec précipitation comme s'il lui fût arrivé quelque malheur extraordinaire. On lui en demanda la cause et il dit que la lettre du roi de Siam devait être dans la chambre qui était au-dessous de celle que l'on voulait lui donner, et que devant être toujours plus bas que la lettre, il n'avait garde de coucher au-dessus d'un lieu où il savait bien qu'on la mettrait. Quoiqu'il ne fût pas aisé de trouver une autre chambre dans tout ce logis qui convînt à la dignité d'ambassadeur, il aima mieux être incommodé et mal logé que de ne pas satisfaire à un respect qu'il regardait comme un devoir indispensable et auquel il ne pouvait manquer sans commettre un crime capital. ⇑
10 - Berny est un beau château à trois lieues de Paris, sur le chemin d'Orléans. Il a appartenu autrefois au chancelier de Bellièvre, puis à M. de Lionne, ministre et secrétaire d'Etat. Il appartient aujourd'hui aux abbées de Saint-Germain-des-Prés de Paris. Cette maison est distinguée, tant pour ses ornements, que pour les beautés singulières de ses canaux et fontaines, et la rareté et l'excellence des fruits qui croissent dans ses jardins. (Hurtaud et Magny, op. cit., I, p. 590). ⇑
11 - Il semble que ce journal exagère quelque peu le nombre de ballots, nettement supérieur à celui qu'indique le Mercure Galant (supplément de septembre 1686, pp. 39 et suiv.) : Comme ces ambassadeurs s'étaient chargés d'un grand nombre de ballots et qu'avec ceux de M. le chevalier de Chaumont, de M. l'Abbé de Choisy et de leur suite, il y en avait cent trente-deux, dont plusieurs étaient extrêmement gros, on résolut de les faire venir par mer jusqu'à Rouen, pendant que les ambassadeurs viendraient par terre et prendraient une autre route. M. Desbrosses, secrétaire de M. le chevalier de Chaumont, fut chargé de cette conduite avec quelques domestiques des ambassadeurs qui l'accompagnèrent. On débarqua tous ces ballots à Rouen, et ils furent mis dans des bateaux qui les amenèrent à Paris. ⇑
12 - D'après le Mercure Galant, les ambassadeurs vinrent en effet à Paris dans les premiers jours du mois d'août, vraisemblablement le 7, afin d'assister à une représentation de Clovis, tragédie du jésuite Joseph de Jouvancy (ou peut-être de Jacques de la Baune), donnée au collège de Louis-le-Grand. Ils étaient encore à Berny lorsqu'ils furent priés par le père de La Chaize de venir à la tragédie du collège de Louis-le-Grand, intitulée Clovis. Ils lui répondirent qu'ils ne croyaient pas qu'ils dussent voir personne, ni aller en quelque maison que ce fût avant que d'avoir rendu leurs respects au roi, mais que puisqu'une personne aussi sage les assurait que cela se pouvait, ils y assisteraient avec plaisir, ne doutant point qu'allant au collège, ils ne nous fissent une chose agréable aux deux grands rois. Le jour que la tragédie se devait représenter, ils partirent de Berny dès six heures du matin dans des carrosses dont les rideaux étaient tirés, et vinrent incognito se reposer à l'hôtel des ambassadeurs, qui était tout meublé pour les recevoir le jour de leur entrée. (Supplément du Mercure Galant de septembre 1688, pp. 102 et suiv.) ⇑
13 - Donneau de Visé évoque longuement cette cérémonie à Notre-Dame mais n'indique nulle part que les ambassadeurs soient montés sur les tours de la cathédrale (supplément au Mercure Galant de septembre 1686, pp. 145 et suiv.) : Comme les ambassadeurs n'avaient encore eu audience, ils crurent ne devoir point paraître en public avant que d'avoir salué Sa Majesté, et ainsi il demandèrent qu'on ne laissât entrer personne pour les voir manger. L'ordre en fut donné, et la connaissance qu'on en eût empêcha les curieux de se présenter à la porte de leur hôtel. Mais quoiqu'ils eussent résolu de n'en point sortir jusqu'au jour de l'audience, on jugea néanmoins à propos de leur faire voir la procession qu'on fait tous les ans à Notre-Dame le jour de l'Assomption, parce qu'elle édifie beaucoup, et que ne se faisant qu'une fois l'année, ils s'en retourneraient sans la voir s'ils ne prenaient pas cette occasion. On laissa à M. l'abbé de la Mothe, archidiacre, le soin de faire les honneurs du Chapitre. Il résolut qu'avant que de faire entrer les ambassadeurs dans l'église, ils viendraient se reposer chez lui et qu'ils y feraient collation en attendant que l'office fût prêt à commencer. Il fit tout préparer pour cela, mais inutilement, car la foule se trouva si grande dans le cloître qu'il fut impossible d'approcher de son logis, de sorte qu'il fallut aller droit à l'église. On les conduisit d'abord dans le grand autel, où voyant que M. l'abbé de la Mothe et M. Storf s'agenouillaient, ils se mirent aussi à genoux. On monta ensuite au jubé que M. l'abbé de la Mothe avait fait préparer pour eux et où l'on n'avait laissé entrer personne. Ils considèrent toute l'église avec une application que je ne puis vous représenter. Ils en demandèrent la hauteur et la largeur, et témoignèrent même qu'on leur ferait un fort grand plaisir si on leur en donnait le plan. La musique leur parut très belle et ils firent par leur interprète plusieurs question à M. l'abbé de la Mothe, qui est éclairci de ce qu'ils souhaitaient savoir là-dessus. Ils demandèrent aussi qu'on leur expliquât quelques cérémonies qui regardaient l'office, et l'on satisfit leur curiosité, aussi bien que celle qu'ils eurent de vouloir apprendre ce que c'est que l'orgue qu'ils écoutèrent avec une grande attention et sur laquelle ils firent des demandes pleines d'esprit. ⇑
14 - Cette audience initialement prévue le 12 août 1686 fut retardée par une attaque de « fièvre quarte » dont fut victime Louis XIV. ⇑
15 - Le Mercure Galant ne mentionne pas ces ballots égarés. Il faut croire qu'ils ont été retrouvés, puisque Dangeau note, dans son journal du 3 octobre 1686 : Le roi a trouvé les présents que les Siamois ont faits à Mme la Dauphine fort jolis, et il est fort content aussi des présents que lui a faits M. Constance, favori du roi de Siam ; ils sont agréables et magnifiques. (Feuillet de Conches, Journal du marquis de Dangeau, 1854, I, p. 396). ⇑
16 - Le Mercure Galant relate effectivement très longuement cette audience. On en trouvera également mention dans les Mémoires du baron du Breteuil. ⇑
17 - Ce chantier considérable mobilisa 30 000 ouvriers pour la construction d'un aqueduc destiné à emmener l'eau de l'Eure jusqu'à Versailles. ⇑
18 - C'est en 1680, après la mort de Molière, que Louis XIV créa la Comédie-Française en réunissant la troupe de Molière et celle de l'Hôtel de Bourgogne. Le Mercure Galant relate cette soirée du 12 septembre 1686, au cours de laquelle Kosapan montra son esprit et reçut un compliment de La Grange, comédien, administrateur sans titre et doyen de la jeune compagnie (supplément au Mercure Galant de septembre 1686, pp. 175 et suiv.) : Ayant vu jouer la comédie du Bourgeois Gentilhomme, il (Kosapan) comprit tout le sujet de la pièce sur ce qu'on lui en expliqua, et dit à la fin qu'il aurait souhaité qu'il y eût eu dans le dénouement de certaines choses qu'il marqua. M. de la Grange dit dans son compliment qu'ils avaient été souvent honorés de la présence de plusieurs ambassadeurs, qui poussés par leur curiosité étaient venus admirer leurs spectacles, mais qu'ils n'avaient jamais eu l'avantage de voir chez eux des personnes dont la qualité de l'ambassade dans toutes ses circonstances eut plus attiré d'admiration, et que c'était acquis, il arrivait ce jour-là par leur présence que toute la salle était pleinement informée de l'estime particulière que notre auguste monarque faisait de leur mérite, et qu'aussi s'empressait-on à leur rendre de toutes parts les honneurs dûs à leur caractère, chacun allant au devant de ce qui leur pouvait être agréable, qu'il aurait été à souhaiter pour la troupe qu'un peu d'habitude de la langue française leur eût rendu la pièce intelligible, afin qu'ils en eussent pu sentir la beauté, ce qui leur aurait fait mieux comprendre le zèle avec lequel ils s'étaient portés à leur donner quelque plaisir, qu'ils priaient leurs interprètes de le leur faire entendre, aussi bien que le désir qu'ils auront de contribuer encore à leur divertissement pendant leur séjour à Paris. ⇑
19 - La visite des ambassadeurs au marquis de Croissy le 20 septembre 1686 est ainsi relatée par Donneau de Visé (supplément au Mercure Galant de septembre 1686, pp. 313 et suiv.) : Lorsqu'ils allèrent rendre visite à M. le marquis de Croissy, ministre et secrétaire d'État, ils avaient leurs bonnets de cérémonie. Ils furent conduits par M. de Bonneuil. M. de Croissy les reçut en haut de son escalier. Ils traversèrent une fort grande salle, une chambre magnifiquement parée, et entrèrent de là dans une fort belle galerie, au bout de laquelle les fauteuils étaient préparés sur un tapis. Ils furent placés à la droite, et M. de Croissy vis-à-vis. Comme les louanges du roi sont toujours mêlées dans leurs compliments, ils parlèrent du sujet de leur voyage, qui était pour le venir admirer, et dire ensuite à M. de Croissy qu'ils avaient eu beaucoup d'impatience de le voir, le roi leur maître leur ayant dit qu'ils trouveraient en lui un sage ministre, fameux par un grand nombre de négociations, où son esprit et son intelligence dans les affaires avaient paru, et dont le nom étant à la tête de plusieurs traités glorieux au roi, était comme par toute la terre. M. de Croissy répondit modestement à ces louanges, et leur dit qu'il avait appris que le roi de Siam avait déjà envoyé d'autres ambassadeurs en France, de la perte desquels on ne devait presque plus douter, mais que cette perte était réparée par le choix que le roi leur maître avait fait de si sages, et de si judicieux ministres. On entra ensuite en conversation, et M. de Croissy leur demanda s'ils n'avaient point été incommodés d'un voyage aussi long que celui qu'ils avaient fait, et si le changement d'air n'avait point altéré leur santé. Ils répondirent que d'abord, ils s'étaient sentis un peu incommodés, mais que cela n'avait pas eu de suite, et que d'ailleurs quand ils souffriraient quelque chose, le bon traitement qu'on leur faisait les empêcherait de le sentir. On servit ensuite une collation de confitures sèches dans des bassins de vermeil doré, qui furent accompagnés de liqueurs. Ils sortirent après avoir remercié M. de Croissy de l'obligeante manière dont il les avait reçus, et firent à différentes reprises tout ce qu'il leur fut possible pour l'empêcher de les reconduire, mais il voulut descendre jusqu'au bas du degré. Ils le remercièrent de nouveau de toutes les honnêtetés avec les termes les plus remplis de reconnaissance, après quoi ils montèrent en carrosse, sans que ce ministre les y vît monter. ⇑
20 - Sur les présents du Roi Naraï à Louis XIV, voir sur ce site la page Le mémoire des présents. ⇑
21 - Le marquis de Dangeau note la même chose dans son Journal du 2 octobre 1686 (op. cit. p. 396) : Ils vont en Flandre voir les conquêtes du roi ; mais ils n'iront point en Alsace et sur le Rhin, parce que le voyage serait trop long et qu'ils pâtiraient trop du froid ; ils en souffrent déjà beaucoup ici, et demandent si l'hiver durera encore longtemps. Le Mercure Galant souligne également la frilosité des ambassadeurs : Il (le marquis de Seignelay) parla ensuite du voyage qu'ils avaient souhaité de faire pour voir les conquêtes du roi, et leur dit que Sa Majesté l'avait diminué et ne les faisait aller qu'en Flandre de peur que les fatigues de ce voyage dans une saison fâcheuse ne les incommodassent. L'ambassadeur répondit qu'il aurait eu une consolation particulière de pouvoir voir toutes les conquêtes du roi, qu'à la vérité ils ne fussent pas accoutumés aux grands froids, mais qu'ayant vu les places de Flandres, ils pourraient en voir davantage, si le froid n'était pas trop violent, et la saison trop incommode. (Supplément au Mercure Galant de novembre 1686, pp. 324-325). ⇑
22 - Madame la Dauphine désignait Marie Anne de Bavière (1660-1690), qui épousa Louis de Bourbon, fils unique de Louis IV, le 7 mars 1680. Elle eut trois fils : Louis de Bourbon, duc de Bourgogne, puis dauphin de France (1682-1712) - Philippe V de Bourbon, duc d'Anjou, puis roi d'Espagne (1683-1746) et Charles de Bourbon, duc de Berry, né le 31 août 1686 à Versailles, et mort en 1714.
Cette audience avec Marie Anne de Bavière est ainsi rapportée par le Mercure Galant : Mme la Dauphine étant en couche lorsqu'ils eurent leur première audience du roi, celle qu'elle devait leur donner fut remise jusqu'au temps qu'ils reviendraient à Versailles. Le jour qu'ils eurent l'honneur d'aller chez cette princesse, ils la trouvèrent dans son lit avec un déshabillé magnifique. Ce lit était presque tout couvert d'un très beau point de France, sur lequel on avait mis de riches carreaux. Plusieurs princesses et duchesses avec un grand nombre des principales dames de la Cour, toutes magnifiquement parées et avec des habits garnis de pierreries, faisaient un cercle autour de ce lit. Les ambassadeurs et leur suite s'étant approchés de Mme la Dauphine, de la même manière et avec le même respect qu'ils s'étaient approchés du roi le jour qu'ils eurent leur première audience de Sa Majesté, le premier ambassadeur commença son compliment, dont voici le sujet : il dit que la princesse reine de Siam s'étant faite informer de tout ce qui regardait la Maison royale, et de tous les princes et princesses de cette auguste Maison, avait su que Mme la Dauphine goûtait une joie parfaite avec le fils unique du roi : qu'on lui avait appris le grand mérite qui la faisait distinguer par elle-même, autant qu'elle était déjà distinguée par sa naissance, qu'elle avait un royal plaisir d'apprendre que le ciel lui avait donné des princes qui faisaient l'espérance de la France, et qu'elle la priait de les faire élever, dans le désir d'entretenir toujours une parfaite correspondance entre les deux royaumes, afin que cette royale amitié fût éternelle. Il ajouta que les présents qu'il avait apportés de la part de la princesse reine n'étaient que des échantillons, et qu'il avait déjà prié M. Storf de le dire à Mme la Dauphine, afin que cette princesse ayant marqué ceux qui lui plairaient le plus, la princesse reine eût lieu de lui envoyer des choses qui lui seraient agréables. Mme la Dauphine répondit d'un air et d'une manière qui charma les ambassadeurs. Elle fit d'abord un éloge de la princesse reine et dit après qu'elle la remerciait de ses présents, qu'elle les avait vus, et qu'elle les trouvait fort beaux, qu'elle ne manquerait pas d'instruire les princes ses enfants suivant les intentions de cette princesse ; et ayant ensuite regardé Mgr le duc de Bourgogne, elle dit qu'il y en avait un qui était déjà en âge de répondre par lui-même. Ce prince fit alors un signe de tête, et confirma par là ce que Mme la Dauphine venait de dire. Cette princesse continua, et dit que pour les deux autres, il fallait que la princesse reine les reçût elle-même pour caution. Mme la Dauphine, après avoir répondu au compliment qu'on lui venait de faire de la part de la princesse reine, fit des honnêtetés aux ambassadeurs et leur dit des choses fort obligeantes. (Supplément au Mercure Galant de novembre 1686, pp. 295 et suiv.).
23 - Gautier, rue des Bourdonnais, était spécialisé dans le commerce des étoffes de soie, d'or et d'argent. Dans une note du Livre commode des adresses de Paris pour 1692 de Nicolas de Blégny (1878, II, p. 14), Édouard Fournier écrit à son propos : C'était le plus en vogue. On se ruinait surtout chez lui – du moins pour les étoffes – en corbeilles, ou comme on disait alors, en « carreaux » de mariage : « l'utile et louable pratique, dit La Bruyère, de perdre en frais de noces le tiers de la dot qu'une femme apporte ! de commencer par s'appauvrir, de concert, par l'amas et l'entassement de choses superflues, et de prendre déjà sur son fonds de quoi payer Gautier, les meubles et la toilette. » (…) Les gros gains de Gautier étaient les noces de rois et de princes qu'il fournissait tous. À la fin de 1679 et au commencement de 1680, il eut, par exemple, après le mariage du roi d'Espagne, celui du prince de Conti. Mme de Sévigné écrivit alors à sa fille : « Gautier ne peut plus se plaindre, il aura touché en noces, cette année, plus d'un million. » Ce dont il se plaignait peut-être, c'était des lenteurs à payer que se permettait la marquise. Elle et sa fille achetaient beaucoup chez lui, et payaient rarement. ⇑
24 - Le Mercure Galant nous fournit davantage de précisions sur l'équipement des ambassadeurs siamois (supplément de décembre 1686, pp. 89-90) : Le lendemain, qui était la veille de leur départ pour Flandres, M. de Lagny, le fils dont le soin et l'habileté sont si utiles à MM. de la Compagnie d'Orient, porta de la part du roi aux trois ambassadeurs six longues vestes, les unes de brocart d'or, et les autres d'argent, avec autant de bonnets, de manière que chaque ambassadeur avait deux bonnets et deux vestes, l'une doublée d'hermine, et l'autre de martre. Il y avait aussi des manchons, et même des rubans pour les pendre. Ce présent était pour les garantir du froid pendant le voyage qu'ils allaient faire. ⇑
25 - Les ambassadeurs allèrent effectivement à Sceaux avant de partir pour la Flandre. Toutefois, s'il faut en croire Donneau de Visé, ils n'y furent pas reçus par M.de Seignelay : M. de Seignelay était alors à Fontainebleau, et personne n'avait été averti à Sceaux que les ambassadeurs y dussent aller, cependant on les y reçut très bien, et l'on fit jouer toutes les eaux, auxquelles ils prirent beaucoup de plaisir, quoiqu'ils les eussent déjà vues. Cela leur donna occasion de parler des beautés de la France. (Supplément au Mercure Galant de décembre 1686, pp. 86-87). ⇑
26 - Le Mercure Galant relate cette visite de l'abbaye de Saint-Denis (supplément de décembre 1686, pp. 93 et suiv.) : Quoique les ambassadeurs ne dussent s'arrêter à Saint-Denis que pour y dîner, ils ne laissèrent pas de voir le trésor et les tombeaux de ceux de nos rois dont les corps sont dans l'église de l'abbaye. Je ne vous répète point ce que c'est que le trésor ; il y a peu de personnes en France qui ne l'aient vu, et d'ailleurs on a fait imprimer plusieurs livres, qui ne sont remplis que de ce qu'il contient. Les ambassadeurs s'attachèrent particulièrement à regarder les pierreries. Ils en examinèrent plusieurs, et mirent même de la lumière derrière quelques-unes, qui étaient enchâssées de manière qu'elles pouvaient être vues des deux côtés, et ils en trouvèrent une que la lumière ainsi mise faisait paraître d'une autre couleur. Il y a quantité de choses dans ce trésor que nous sommes obligés de révérer, et que la religion nous rend précieuses, mais comme elles ne devaient pas les toucher, on peut dire qu'ils en virent quantité auxquelles ils ne s'arrêtèrent pas. On remarqua même qu'encore que le beau travail, l'or et les pierreries les attachassent beaucoup, ils sont tellement frappés de tout ce qui a du rapport au roi, qu'ils regardèrent avec beaucoup plus d'attention et de plaisir les ornements royaux qui sont conservés dans le même lieu qui enferme le trésor. Les figures qui ornent les tombeaux des rois leur parurent merveilleuses. Ils en trouvèrent les bas-reliefs fort beaux, mais surtout ceux qui sont autour du tombeau de François Ier où l'on voit plusieurs batailles. Cet ouvrage qui a des beautés pour toutes les personnes qui le voient, en a beaucoup davantage pour ceux qui ont une parfaite connaissance des Beaux-Arts. Ils considérèrent attentivement le tombeau de feu M. de Turenne, à quoi qu'il leur parût par lui-même très digne de leur curiosité. Il en admirèrent encore moins la magnificence qu'ils ne firent la reconnaissance du roi qui paraissait avec tant d'éclat pour un illustre sujet dans ce monument que Sa Majesté avait fait élever à ses dépens. Ils dirent que ce monarque prenait tant de plaisir à faire du bien et à honorer le vrai mérite, qu'il n'épargnait rien pour faire vivre la mémoire de ceux qui n'avaient point épargné leur sang pour lui, et que cette manière d'agir, en étant l'ardeur de tous ses braves sujets, il était impossible qu'ils ne fût toujours vainqueur. Ils examinèrent la hauteur, la longueur, et la largeur de l'église et sortirent après avoir remercié les pères bénédictins qui avaient pris soin de leur faire voir toutes ces choses. ⇑
27 - Fils aîné de Guillaume de Lamoignon et de Magdeleine Potier, il s'agit ici de Chrétien-François de Lamoignon, qui fut avocat, conseiller au Parlement en 1666, maître des requêtes, avocat général et Président à mortier au parlement en 1690. Il mourut en 1709. ⇑
28 - Donneau de Visé nous relate avec force détails cette somptueuse réception de Saint-Cloud (supplément au Mercure Galant de janvier 1687, pp. 162 et suiv.) : Deux jours après que les ambassadeurs furent de retour de leur voyage de Flandre, ils furent invités à une fête que Monsieur donnait dans sa maison de Saint-Cloud. Comme cette fête se faisait au-dedans du château, le premier gentilhomme de la chambre y commandait, de même que le capitaine des gardes à tout ce qui se fait hors des appartements, et même aux comédies et aux ballets qui se font dans les salons destinés pour ces sortes de spectacles, car lorsqu'on en donne dans les appartements, c'est toujours du premier gentilhomme de la chambre qu'on reçoit les ordres. Ainsi, M. le comte de Tonnerre, l'un des premiers gentilhommes de la chambre de Monsieur, et servant alors auprès de ce prince, les donnait dans cette fête, pour empêcher la confusion qui est inséparable des divertissements de cette nature. Ils commençèrent à trois heures après midi, et M. le Dauphin, Mme la Dauphine, Monsieur et Madame qui en faisaient les honneurs, et les personnes de la première qualité qui en avaient été conviées, ayant traversé toutes les salles des gardes, antichambres et cabinets qui étaient magnifiquement meublés de très belles tapisseries et autres meubles nouvellement arrivés d'Allemagne, et dont Madame a hérité de feue Mme l'Électrice Palatine sa mère, ils passèrent par le salon, et par la galerie, l'un et l'autre peints par M. Mignard, et allèrent dans le petit salon de Diane qui est à l'autre bout de la galerie, où il y avait un fort beau concert composé de clavecins, violons, téorbes et dessus de violon. On y demeura plus d'une heure, et pendant ce temps on servit une collation magnifique des plus beaux fruits de la saison, parmi lesquels il y en avait de fort rares, parce que leur saison était passée. Le jour commençant à finir, on éclaira les appartements par lesquels on venait de passer. Ils étaient tous garnis de lustres, girandoles, chandeliers, et flambeaux d'argent, dont le nombre était fort grand. Au sortir du concert, toute l'assemblée se rendit dans le salon où tout avait été disposé pour le bal. Mgr le Dauphin et Mme la Dauphine, Monsieur et Madame le commencèrent. Toutes les princesses et duchesses formaient un cercle, dans lequel on dansait. Il y avait aussi beaucoup de personnes de la première qualité. MM. les ambassadeurs de Siam étaient auprès des duchesses, à main droite de Mgr le Dauphin. Ce prince leur parla, et comme pour lui marquer une plus profonde vénération, ils avaient les mains jointes. Monseigneur eut la bonté de leur dire qu'ils pouvaient ne se point gêner en les tenant à cet état, et que dans un temps de divertissement, ils pouvaient prendre un air plus libre. Ils répondirent par de profondes inclinations, puis ils dirent que quoiqu'ils n'eussent pas apporté leurs bonnets de cérémonie, ce qu'ils n'osent jamais et qui sont même attachés, ceux qu'ils avaient apportés pouvaient leur en tenir lieu, et même qu'ils leur étaient tout à fait précieux, puisque c'était un présent du roi.
Il y eut beaucoup de personnes de distinction qui vinrent de Paris pour voir le divertissement. M. l'envoyé de Bavière, qui était venu en cette cour pour faire les compliments sur l'heureux accouchement de Mme la Dauphine, était aussi placé derrière les duchesses. On dansa au son des violons et des hautbois. Il y avait environ deux heures que le bal était commencé lorsqu'on servit une collation sèche dans cinquante corbeilles remplies de toutes sortes de fruits, de limes douces, d'oranges de la Chine, de confitures sèches, de massepains et de toute sorte de petite pâtisserie. Quand toute cette collation eut passé devant Mgr le Dauphin et Mme la Dauphine, elle fut présentée aux duchesses, et fit le tour du cercle ; après quoi chacun de ceux qui composaient l'assemblée eut liberté d'en prendre. On apporta ensuite plus de trente petites tables de la Chine, que l'on appelle cabarets, chargées de huit ou dix porcelaines chacune, les unes remplies de chocolat, et les autres de thé et de café dont chacun choisit selon son goût. Toute cette collation fut portée par les officiers de la Chambre, et par ceux de la garde-robe de Monsieur. Après que chacun eut pris ce qu'il souhaitait, on recommença à danser. Tant que le bal dura, les officiers du gobelet et d'échançonnerie de Monsieur se tinrent dans un vestibule qui est proche du salon, et donnèrent à boire à tous ceux qui en voulurent. Dans la salle qui est au-dessus de ce vestibule, du côté de l'Orangerie, il y avait des tables pour toutes sortes de jeux, et des personnes de la première qualité, qui ne voulaient pas danser, s'y divertirent, ainsi que Monseigneur qui prit ce divertissement quelque temps avant la fin du bal et y joua au reversi. À côté du lieu où l'on jouait, était une chambre où l'on alla boire toutes sortes de liqueurs, ainsi que du chocalot, du thé et du café que l'on offrait même à tout le monde, de sorte que ceux qui n'étaient venus que pour voir la fête, aussi bien que ceux qui en étaient, purent autant qu'ils voulurent satisfaire leur soif et leur goût.
Le bal finit à sept heures et demie, et l'on passa du salon où l'on avait dansé et de la chambre où l'on avait joué dans l'Orangerie, qui était éclairée par une infinité de lustres et de girandoles garnies de bougies, et ces lustres et ces girandoles étant suspendus entre les orangers formaient une grande allée toute brillante de cristaux de lumières, qui donnant un vif éclat à la verdure, produisait un très agréable effet. Cependant, cela, quoique si bien orné et si magnifique, ne servait que de passage pour aller à la salle de la comédie, qui était encore toute éclairée de lumière. On y représenta Bajazet, de M. Racine, Trésorier de France. Les ambassadeurs eurent le même rang qu'ils avaient eu au bal, et toujours à la droite de Mgr le Dauphin. Ils comprirent si bien les mœurs de la pièce, par les choses qu'on leur expliqua, qu'ils entrèrent dans la beauté du sujet, dont ils parlèrent juste aussi bien que du jeu des acteurs, ce qui fut plusieurs fois rapporté à Mgr le Dauphin et à Mme la Dauphine, à Monsieur et Madame, pendant la comédie. Cela leur fit donner beaucoup de louanges et admirer la justesse de leur goût, et la pénétration de leur esprit. La comédie étant finie à dix heures et demie, on traversa l'orangerie, le grand salon et les appartements par où l'on était venu, et ensuite l'on entra dans le petit appartement de Madame et dans l'ancien salon peint par feu M. Noiret. Le buffet qui était dressé en face frappa d'abord les yeux. Il avait vingt-cinq pieds de haut sur trente de large, et était tout rempli de très beaux ouvrages d'argenterie et de vermeil doré, et il y en avait même quelques-uns d'or. Parmi cette argenterie, on remarquait beaucoup de grandes cuvettes, de vases, d'urnes, de girandoles et de flambeaux d'argent, le tout d'un très beau travail et très bien ciselé. Il y avait quatre tables de pareille grandeur dans les petits coins du salon. Elle étaient de vingt-cinq couverts chaque et furent toute quatre servies à quatre services également beaux, et en même temps. Mgr le Dauphin mangea à la première, Mme la Dauphine à la seconde, Monsieur à la troisième et Madame à la quatrième, de manière que tous ceux qui furent placés à ces quatre tables eurent l'honneur de manger avec l'un des princes ou l'une de ces princesses. Les dames étaient magnifiquement parées, et elles avaient toutes ensemble pour plusieurs millions de pierreries. Les violons jouèrent pendant le repas. Les ambassadeurs de Siam, après avoir vu la disposition du lieu et le souper, furent conduits par le premier maître d'hôtel de Madame dans un lieu où ils trouvèrent une table servie aussi avec beaucoup de magnificence. On en servit en même temps dix ou douze autres, pour tous les seigneurs de la Cour, pour les personnes les plus qualifiées et pour les officiers de la Maison royale. Ainsi, tous ceux qui étaient de la fête, et ceux qui n'en étaient que spectateurs, furent tous splendidement régalés, quoique l'assemblée fût très nombreuse. Mgr le Dauphin, Mme la Dauphine, Monsieur et Madame, avec toute la Cour, retournèrent à Versailles un peu avant minuit, et trouvèrent en sortant tous les dehors du château éclairés par un nombre infini de lumières, qui avaient été postées en divers endroits, et particulièrement sur les balustrades, sur les grilles et sur tous les lieux élevés. Les ambassadeurs, après avoir considéré cette illumination, prirent le chemin de Paris, pleins de la magnificence, des bontés et de la grandeur de Monsieur, qui soutient avec tout l'éclat possible, le rang glorieux où la naissance l'a mis. ⇑
29 - Il s'agit du général Desfarges, qui était lieutenant de roi de Brisach. On appelait lieutenant de roi, ou commandant d'armes, celui qui commandait en l'absence de gouverneur dans une place de guerre. Brisach, en Brisgaw (grand duché de Bade), avait été cédé à la France par le traité de Westphalie. Cette ville avait connu, au mois de mars 1652, une révolte de la garnison, à la tête de laquelle était Charlevoix, lieutenant de roi dans cette ville. Charlevoix avait chassé le gouverneur et fut pendant quelque temps maître de la place. ⇑
30 - L'ambassade Céberet-La Loubère s'embarqua sur une escadre de six vaisseaux commandée par M. de Vaudricourt. Le Gaillard et l'Oiseau (qui avait déjà fait l'aller-retour avec le chevalier de Chaumont) constituaient les deux plus grands vaisseaux, jaugeant chacun 600 tonneaux. Trois flûtes complétaient l'escadre : la Loire, le Dromadaire (500 tonneaux), et la Normande (300 tonneaux). Au dernier moment, devant l'abondance des ballots à embarquer, on décida d'adjoindre à la flotille la frégate la Maligne (250 tonneaux), qui n'accompagna l'escadre que jusqu'au cap de Bonne-Espérance. Toutefois, l'ambassade restait fort à l'étroit. Dans son ouvrage Louis XIV et le Siam, Dirk van der Cruysse nous donne des précisions sur la composition de l'ambassade : L'escadre transportait au total 1 361 personnes : 307 sur le Gaillard, 310 sur l'Oiseau, 707 sur les trois flûtes et 37 sur la Maligne. Un état dressé par Desclouzeaux fournit de plus amples détails. Regardons à titre d'exemple, les 307 personnes entassées sur le vaisseau amiral le Gaillard. Le document distingue entre l'équipage, les soldats et les passagers. Avec ses 158 hommes, l'équipage constituait le groupe le plus important. Outre M. de Vaudricourt, neuf officiers majors et 37 officiers mariniers, il y avait 87 matelots, 12 valets d'officiers et 12 mousses. Chez les militaires, trois sergents et neufs caporaux commandaient 62 soldats et un tambour. Les 600 hommes de troupe étaient répartis inégalement sur les deux vaisseaux et les trois flûtes : 75 sur le Gaillard et la Normande, 100 sur l'Oiseau, 150 sur la Loire, 200 sur le Dromadaire. (Louis XIV et le Siam, 1991, p. 409). ⇑
31 - Il s'agit de Bangkok, à l'embouchure du Ménam. ⇑
32 - L'auteur du journal évoque ici les Hollandais. ⇑
33 - Les passagers de l'escadre Vaudricourt représentaient en effet une compagnie des plus hétéroclites. Outre les artisans cités dans le journal, des menuisiers, des charpentiers, des maçons, on y trouve également des chirurgiens, un jardinier, un tailleur, des peintres, et même trois musiciens. Le père Tachard avait également emmené le tout jeune André-Cardinal Destouches, élève du collège Louis-le-Grand, qui deviendra surintendant de la musique et inspirera une page grinçante à Voltaire. ⇑
34 - L'ambassade du chevalier de Chaumont avait emmené six jésuites au Siam. Celle de La Loubère et Céberet en amène quatorze : Abraham le Royer, Jean Richaud, Louis Rochette (qui mourra en mer avant d'arriver au Siam), François Thionville, Claude de Bèze, Patrice Comilh, Jean Collusson, Vénance Bouchet, Jacques Duchatz, Henri Dolu, Marcel Le Blanc, Pierre de Saint-Martin, Pierre d'Espagnac et Charles de la Breuille. ⇑
35 - L'existence de cette île paradisiaque n'est confirmée par aucune des relations de l'époque que nous avons lues. Quoi qu'il en soit, ce passage démontre à l'évidence que la France était alors entrée dans une logique de colonisation. ⇑
36 - Le tour du bâton, selon Littré, désignait un profit secret et illicite. Pots-de-vin et dessous de table étaient (déjà) de règle au XVIIe siècle, comme le dénonce Boursault dans sa comédie héroïque Ésope à la Cour représentée pour la première fois le 16 décembre 1701 :
C'est par tout l'univers ce qu'on entend le mieux.
Que l'on aille d'un grand implorer une grâce,
Sans le tour du bâton je doute qu'il la fasse ;
Pour avoir un emploi de quelque financier,
C'est le tour du bâton qui marche le premier ;
On ne veut rien prêter, quelque gage qu'on offre,
Si le tour du bâton ne fait ouvrir le coffre ;
Il n'est point de coupable un peu riche et puissant,
Dont le tour du bâton ne fasse un innocent ;
Point de femme qui joue, et s'en fasse une affaire,
Que le tour du bâton ne dispose à pis faire ;
Ministres de Thémis et prêtres d'Apollon
Ne font quoi que ce soit sans le tour du bâton ;
Et tel paraît du roi le serviteur fidèle
Dont le tour du bâton fait les trois quarts du zèle.
L'expression était encore en usage dans le courant du XIXe siècle. On la retrouve sous la plume de Baudelaire dans le Spleen de Paris (XLII - Portraits de maîtresses) : ... Quelque chose d'approchant, une espèce d'employé dans l'intendance qui, par quelque tour de bâton à lui connu, fournit peut-être à cette pauvre enfant la ration de plusieurs soldats. ⇑
37 - Dirk van der Cruysse note dans Louis XIV et le Siam (1991, p. 407) : Les instructions de Desfarges précisaient que, avec les moyens mis à sa disposition, il serait capable de tout entreprendre et de porter la terreur dans tous les endroits de l'Asie. Comme si 600 hommes pouvaient terroriser un continent comme l'Asie. ⇑
38 - Nous n'avons rien trouvé sur ce M. Madelay, qui désigne peut-être La Loubère, envoyé extraordinaire au Siam. La Laloubère, né à Toulouse, n'a cependant jamais été conseiller au Parlement de cette ville. ⇑
39 - Ici encore, nulle trace d'un quelconque M. Damourette dans l'ambassade La Loubère. S'agirait-il de Céberet ? ⇑
40 - Selon le Mercure Galant, il s'agissait de M. Sebiel, envoyé comme Directeur général de la Compagnie des Indes. ⇑
15 février 2019