Deux ans après l'ambassade du chevalier de Chaumont, Louis XIV envoya une seconde délégation au Siam. Il ne s'agissait pas seulement de ramener chez eux les trois ambassadeurs siamois qui avaient fait si forte impression en France, ni même d'aller signer des traités et saluer un monarque ami. Les 600 hommes de troupe qui s'entassaient sur les vaisseaux de l'escadre Vaudricourt avec leurs armes et leurs officiers allaient prendre possession de Bangkok et de Mergui, les deux « clé du royaume » qui avaient été offertes – oralement – par Phaulkon, le tout puissant favori du roi de Siam. Et si, par aventure, le monarque se montrait réticent à tenir la promesse de son ministre, ou si quelque changement de gouvernement la remettait en cause, les instructions données à Desfarges, le général des troupes, étaient sans ambiguïté : Si le changement de gouvernement qui peut être arrivé depuis le départ des ambassadeurs, ou celui de la volonté du roi de Siam, leur ôtait toute espérance de réussir dans leur négociation, Sa Majesté a résolu en ce cas de faire attaquer Bangkok et de s'en rendre maître à force ouverte (Archives Nationales, Colonies, C1 27, f° 12r°). Claude Céberet et Simon de La Loubère, les deux émissaires de Louis XIV, n'avaient pas le titre d'ambassadeurs. Ils n'en avaient pas non plus l'autorité, n'étant que des envoyés extraordinaires. Dès lors, se posa le problème de la hiérarchie, encore aggravé par le manque de préparation de l'expédition. Les instructions officielles, assez vagues, chargeaient La Loubère de l'établissement dans Bangkok et Mergui, et Céberet des intérêts commerciaux de la Compagnie des Indes, pour la plus grande gloire de Sa Majesté très chrétiennes. D'autres instructions – secrètes, comme les affectionnait le jésuite – donnaient au père Tachard on ne sait quel pouvoir occulte, évidemment pour la plus grande gloire de Dieu. Desfarges, le général matamore et borné, avait lui aussi ses directives, pour la plus grande gloire de lui-même. Mésententes, inimitiés, querelles et conflits allaient empoisonner cette ambassade qui ne déboucha sur rien de profitable, ni pour la France, ni pour le Siam. Nous présentons dans ce chapitre quelques textes rédigés par des acteurs de cette ambassade. |
5 mars 2019