PRÉSENTATION
La Relation de l'ambassade de M. le chevalier de Chaumont à la cour du roi de Siam, avec ce qui s'est passé de plus remarquable durant son voyage a été publiée en 1686 chez Seneuze et Hortemels à Paris et, cette même année, chez Pierre Mortier à Amsterdam, puis en 1733 chez Isaac Beauregard à la Haye. C'est cette dernière édition que nous reproduisons ici, elle ne diffère de l'édition française que par quelques mots. Nous l'avons divisée en sections, nous en avons modernisé l'écriture et la ponctuation et nous avons tâché de l'éclairer par quelques notes.
L'ouvrage est construit en deux parties curieusement imbriquées. D'une part, la relation du voyage aller et retour et les détails de l'ambassade, d'autre part, inséré vers les trois quarts du livre, un long chapitre intitulé État du Gouvernement, des mœurs, de la religion et du commerce du royaume de Siam, dans les pays voisins, et plusieurs autres particularités qui vient interrompre la relation et se propose d'apporter quelques informations et précisions sur le royaume de Siam, dans l'esprit de ce qui était à la mode à l'époque. Afin de conserver une cohérence chronologique, nous avons rejeté cette partie didactique après la relation de voyage proprement dite.
Le chevalier de Chaumont est un homme peu attachant. Il se distingue par sa bigoterie, son caractère hautain, renfermé, dit l'abbé de Choisy, ses principes étroits, son absence d'humour et de fantaisie, et disons-le, son intelligence limitée. Il juge, mais ne cherche guère à comprendre. À l'exemple du Persan de Montesquieu, il semble ne se poser toujours qu'une même question : C’est une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être Siamois ? Question pour le moins regrettable de la part d'un ambassadeur… Observateur superficiel, fort de ses convictions, Chaumont ne cherche jamais à aller au fond des choses. Imbu de lui-même, il est détenteur de la seule vérité, s'empêtre dans des détails de protocole qui lui font manquer l'essentiel, et sa harangue au roi Naraï pourrait être citée comme l'exemple de ce qu'il ne faut pas dire lorsqu'on veut s'attirer les bonnes grâces d'un monarque étranger.
Lorsque le chevalier de Chaumont revient en France en 1686, force est de constater que son ambassade n'a pas porté les fruits que Louis XIV en attendait. Le roi Naraï ne s'est pas converti au christianisme, et n'a pas même donné d'espérance qu'il y songeât un jour, et les traités signés sont jugés faibles et de peu d'intérêt par le roi et ses conseillers. Il est vrai que le chevalier semblait s'intéresser davantage au nombre de coups de canon nécessaires pour saluer une forteresse qu'au contenu des transactions. Les négociations politiques ont été confisquées par le père Tachard, et l'ambassadeur, accueilli sans grand éclat par la France, va rédiger promptement une relation de voyage bâclée et disparaître de la scène politique. Il se mariera en 1689, aura un fils, Alexandre IIIe du nom, Charles de Chaumont, et mourra en 1710.
Sa relation de voyage n'apporte guère d'éléments qui ne se trouvent aussi dans le Journal de l'abbé de Choisy ou la relation du père Tachard. Quant à la partie didactique, elle frappe par son manque d'organisation. On éprouve l'impression d'un constant coq-à-l'âne, passant de la justice à l'armée, de l'armée au commerce, du commerce à la religion, puis de la religion à nouveau au commerce. Tout cela n'a pas vraiment de structure, et pis encore, on y trouve à plusieurs reprises des phrases entières du Journal de l'abbé de Choisy. Il est vraisemblable que le charitable abbé a donné quelques coups de main au laborieux ambassadeur, pendant les longues journées en mer du voyage de retour. Cette relation s'apparente à une succession de notes jetées en hâte sur le papier, dans le souci d'en finir vite. C'est davantage une punition qu'une relation ; elle apporte toutefois quelques précisions, notamment sur les relations commerciales du Siam avec les royaumes voisin, et à ce titre, mérite d'être connue.
24 janvier 2019