III. La faune (suite). Lézards – Serpents – Sangsues – Insectes.

Page de la relation de Barthélemy Bruguière

À Siam, comme dans les autres parties de l'Inde, les lézards sont très nombreux. Les plus remarquables sont :

Il y a plusieurs espèces de serpents dont quelques-uns sont très venimeux. Tels sont :

Bien des personnes m'ont parlé d'un serpent qui a des ailes, mais je n'ai pas voulu en faire mention ici, parce qu'aucun de ceux qui m'en ont parlé ne l'a vu. Si le fait était vrai, le dragon dont les anciens ont donné tant de fois la description n'est donc pas un animal fabuleux ; il me semble que la Bible vengée (22) parle de ce serpent ailé.

Les Birmans sont à Bangkok ce que les Payles étaient autrefois en Égypte (23). Ils paraissent en public avec des serpents à leurs mains ou entortillés à leur cou. Ils les font battre entre eux, ils se font mordre, ils les mettent dans leur bouche, ils vont les prendre jusque dans leur trou avec leurs mains mêmes. Ils connaissent plusieurs herbes dont le suc arrête l'effet du venin. Il est vrai qu'ils sont quelquefois victimes de leur témérité. Souvent, le venin a plus de force que l'herbe n'a de vertu, et le médecin meurt malgré toute sa science. C'est pendant l'inondation qu'on en voit un plus grand nombre ; il y en a qui montent sur les arbres. C'est un spectacle affreux que la vue d'un arbre hérissé de serpents. Cela arrive rarement, parce qu'il y a presque toujours des endroits qui ne sont pas inondés. On m'a rapporté bien d'autres faits touchant les serpents, mais ils ne m'ont pas paru suffisamment prouvés, c'est pour cela que je n'en parle pas. Les Birmans et quelques Siamois mangent les serpents. Pour les rendre gros et plus gras, ils mettent du limon dans le trou où se trouve le reptile. Le serpent n'aime pas l'odeur du limon, il se retire autant qu'il peut au fond de la caverne, il se rétrécit, mais il gagne en grosseur ce qu'il perd en longueur. Après quelques jours, ils ouvrent la caverne et tuent le serpent.

Je placerai ici tout ce qu'il y a de plus remarquable parmi les insectes venimeux et non venimeux.

On distingue dans toute cette partie de l'Inde deux espèces de scorpions, les noirs et les jaunes. Les scorpions noirs sont absolument comme ceux que vous avez en France ; ils parviennent quelquefois à la longueur de 4 à 5 pouces. Alors, leur piqûre est incurable, le malade meurt dans les 24 heures au milieu des plus cruelles douleurs. Les scorpions jaunes sont longs ; ils ont plusieurs pattes, ils ont depuis 4 jusqu'à 10 pouces de longueur (24). Les plus gros sont dans les forêts près des montagnes. Leur piqûre produit le même effet que celle des scorpions noirs ; si elle n'est pas mortelle, la douleur cesse au bout de 24 heures.

Il y a aussi trois espèces de sangsues : celles de mer ; elles sont de la grosseur de la jambe. Les Siamois les mangent, ils disent que c'est un mets délicieux. On en vend tous les jours au bazar de Bangkok. La deuxième est la sangsue d'eau douce ; elle ne diffère de la vôtre que parce qu'elle est quelquefois de la grosseur de trois doigts, et qu'elle a jusqu'à un pied de long. La troisième espèce vit dans la terre, elle n'a pas besoin d'eau ; elle est petite.

Parmi les insectes qui n'ont pas de venin, on peut remarquer :

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NOTES

1 - Peut-être le chinglen (จิ้งเหลน), nom générique de nombreux lézards de la famille des Scincidae (scinques), tels que l'Eutropis multifasciata (chinglen ban : จิ้งเหลนบ้าน), le Lipinia vittigera (chinglen laï indochin : จิ้งเหลนลายอินโดจีน), l'Ophioscincus anguinoide (Chinglen duong : จิ้งเหลนด้วง), etc. Outre le chinglen, Jean-Baptiste Pallegoix mentionne un changlen (จังเหลน), que nous n'avons pas pu identifier (Dictionarium linguæ thai, 1854, p. 82).

Chinglen laï Indochin (Lipinia vittigera) 

2 - Aujourd'hui Nakhon Si Thammarat (นครศรีธรรมราช), sur le golfe de Siam, au sud de l'isthme de Kra. 

3 - Le tukkae (ตุ๊กแก), nom vernaculaire du Gekko gecko, lézard très répandu en Thaïlande dont le cri sonore et discordant intrigue toujours fortement les étrangers.

ImageGekko tokay. 

4 - Hia (เหี้ย), nom siamois du varan malais (Varanus salvator.

ImageVaran malais (Varanus salvator). 

5 - Thalang (ถลาง), province du nord de Phuket. 

6 - Sans doute le takuat (ตะกวด), nom siamois du varan du Bengale (Varanus bengalensis).

ImageVaran du Bengale (Varanus bengalensis). 

7 - Ngu lueam (งูเหลือม), python réticulé (Malayopython reticulatus).

ImagePython réticulé (Malayopython reticulatus). 

8 - Le serpent devin était l'ancien nom du boa constrictor, qui ne se trouve que sur le continent américain. 

9 - Le Ngu nguang chang (งูงวงช้าง), Serpent à la trompe d'éléphant (Acrochordus javanicus). Ce reptile aquatique non venimeux peut atteindre 2,40 mètres de longueur.

ImageSerpent à trompe d'éléphant (Acrochordus javanicus). 

10 - Ngu kon khop (งูก้นขบ), nom siamois du Cylindrophis ruffus. Contrairement à ce que dit Barthélemy Bruguière, ce serpent, qui peut atteindre un mètre de long, n'est pas venimeux.

ImageCylindrophis ruffus. 

11 - Nous n'avons pu identifier ce serpent de feu. Breazeale et Smithies (Journal of the Siam Society, vol. 96, 2008, p. 86) suggèrent qu'il pourrait s'agir du ngu tong faï (งูต้องไฟ), nom siamois du Boiga nigriceps. Quoi qu'il en soit, l'affirmation que ce serpent possèderait un venin assez puissant pour enflammer les végétaux sur son passage relève bien évidemment de la pure fantaisie. 

12 - Livre des Nombres, 21: 6 : Alors l'Éternel envoya contre le peuple des serpents brûlants ; ils mordirent le peuple, et il mourut beaucoup de gens en Israël. (Traduction Louis Segond). 

13 - Ngu sam lian (งูสามเหลี่ยม), littéralement serpent triangulaire, nom siamois du Bungarus fasciatus. Sa morsure peut être mortelle.

ImageBongare fascié (Bongarus fasciatus). 

14 - Ngu hao (งูเห่า), nom siamois du naja, nom générique de l'espèce qui comprend le légendaire cobra royal (Ngu chongang : จงอาง, Ophiophagus hannah) qui peuple les forêts d'Asie du Sud-est. Sa morsure peut être mortelle.

ImageCobra royal (Ophiophagus hannah). 

15 - Ngu nkon kai (งูหงอนไก่). Nous n'avons pu identifier ce serpent. 

16 - Ésaïe, 11: 8 : Le nourrisson s'ébattra sur l'antre de la vipère, Et l'enfant sevré mettra sa main dans la caverne du basilic. (Traduction Louis Segond). La Vulgate de saint Jérôme traduit par "regulus les mots hébreux zipphoni, qui désigne le légendaire basilic de l'antiquité, parfois traduit par aspic ou céraste, et saraph, qui désigne un serpent volant.

ImageLe basilic, tel qu'on se le représentait durant l'Antiquité (Wikipédia). 

17 - Ngu saeng tawan (งูแสงตะวัน), également appelé Ngu saeng athit (งูแสงอาทิตย์), nom siamois du Xenopeltis unicolor, le serpent rayon de soleil. Contrairement à ce qu'affirme Barthélemy Bruguière, il n'est pas venimeux.

ImageXenopeltis unicolor. 

18 - Ngu pling (งูปลิง), nom siamois de l'Enhydris plumbea, le serpent des rizières. Toutefois, ce serpent est beaucoup plus long qu'un doigt, il peut atteindre 70 cm. 

19 - Ngu khwang khon (งูขว้างค้อน), également appelé Ngu kapa (งูกะปะ), nom siamois du Calloselasma rhodostoma, le crotale malaisien.

ImageCalloselasma rhodostoma (Wikipédia). 

20 - Ngu sing (งูสิง), ce terme désigne une famille de couleuvres appelée ptyas, qui compte de nombreux représentants.

ImagePtyas korros (Wikipédia). 

21 - Ngu samarang (งูแสมรัง), nom générique d'une variété de serpents de mer du genre Hydrophis. 46 espèces auraient été recensées dans l'est de l'océan Indien et dans l'ouest de l'océan Pacifique (Wikipédia).

ImageHydrophis belcheri (Wikipédia). 

22 - La Sainte Bible vengée des attaques de l'incrédulité était un ouvrage de Joseph François Du Clot de La Vorze (1745-1821), publié pour la première fois en 6 volumes en 1816. Il connut de nombreuses rééditions, notamment en 1824, 1830, et 1834. 

23 - Les Psylles, ancienne tribu berbère de Lybie antique, réputée pour sa témérité avec les serpents : Il y a parmi les Marmarides un peuple qu'on nomme les Psylles. C'est le seul dans toute la Lybie pour qui les serpents ne soient point à craindre. Il joint contre eux la vertu des herbes à la force des enchantements, et il semble avoir fait un pacte avec la mort. Ce peuple est si persuadé que son sang est incorruptible au venin, qu'aussitôt que ses enfants viennent au jour, il les expose à la morsure de l'aspic pour éprouver si en eux ce sang n'a point souffert de mélange adultère. (…) Ils ne reconnaissent pour leur enfant que celui qui, sans être effrayé, joue avec les serpents qu'on lui met dans les mains. (Lucain, La Pharsale, traduction Marmontel, Paris : Merlin, 1766, II, pp. 287-288). 

24 - Cet insecte qui possède plusieurs pieds et peut mesurer jusqu'à 28 centimètres ressemble plus à une scolopendre qu'à un scorpion. Il s'agit sans doute du takhap (ตะขาบ), nom siamois d'un chilopode venimeux particulièrement redouté en Thaïlande.

ImageScolopendre takhap (ตะขาบ). 

25 - Hingoï (หิงห้อย). Ces lucioles avaient charmé le père Tachard lors de son premier voyage au Siam en 1685 : Nous continuâmes à monter la rivière toute la nuit, pendant laquelle nous vîmes une chose très agréable : c'était une multitude innombrable de mouches luisantes dont tous les arbres qui bordaient la rivière étaient tellement couverts qu'ils paraissaient comme autant de grands lustres chargés d'une infinité de lumières, que la réflexion de l'eau, unie alors comme une glace, multipliait à l'infini. (Voyage de Siam des pères jésuites […], 1686, p. 200). 

26 - Barthélemy Bruguière utilise le féminin, mais le genre du mot n'était pas tout à fait fixé à cette époque. La 5ème édition du Dictionnaire de l'Académie française (1798) l'indique au féminin. Il apparaît masculin dans la 6ème édition (1835). 

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12 septembre 2019