VI. La religion des Siamois.

Page de la relation de Barthélemy Bruguière

Avant de parler des mœurs et des usages des Siamois, j'ai jugé convenable de vous donner une idée de leur religion, mais je dois vous exhorter d'avance à avoir du courage, car il faut en avoir pour soutenir la lecture de toutes les absurdités et de toutes les extravagances que je vais écrire.

Les talapoins (1), qui sont comme les prêtres et les docteurs de la religion, ne sont pas d'accord sur bien des points. Le plus grand nombre d'entre eux ne sait plus lire les anciens livres de religion, en sorte que chacun s'arroge le droit d'ajouter, de retrancher certains articles. Ils forgent des fables qu'ils débitent en public ; ils exigent qu'on les croie sur leur parole, mais ils trouvent des contradicteurs parmi leurs confrères, ce qui excite parmi eux des disputes et même des rixes. Cela fait rire les assistants à leurs dépens. Ils n'en conservent pas moins leur autorité et leur empire, non seulement sur le peuple, mais encore sur les princes. Je me bornerai donc à vous rapporter les articles de leur croyance qui sont généralement admis par les Siamois. Je vous donnerai d'abord un sommaire de leur doctrine, j'expliquerai ensuite chaque article en particulier.

La morale des Siamois se réduit à ces deux points-ci : faites l'aumône aux talapoins, ne tuez aucun animal ; plus un homme mange, plus il a de mérite devant Dieu (10).

Je ne vous parle pas de toutes les abominations qu'ils racontent de leurs dieux ; je ne les connais pas moi-même. Je sais seulement qu'un honnête homme ne peut écouter toutes ces histoires licencieuses sans éprouver un vif sentiment d'indignation, et sans imposer silence à l'impudent narrateur ; telle est cependant la matière des discours que les talapoins font sur les places publiques à un nombreux auditoire composé de personnes de tout âge et de tout sexe. C'est absolument le même fond de religion que chez les Grecs et les Romains ; c'est le même code d'immoralité dans tous les temps et dans tous les lieux. Le démon est toujours semblable à lui-même ; mais venons aux détails.

De toute éternité il a existé un dieu qui s'appelle Phra Hin. Ce dieu avait une poule ; il lui prit un jour envie d'essayer sa puissance ; il ramassa une partie des ordures que sa poule avait faites, en forma deux petites poupées qu'il anima ; c'est de ce premier homme et de cette première femme que le genre humain tire son origine. Le déluge arriva peu de temps après.

Les anges qui existent de toute éternité se chargèrent de gouverner le ciel et la terre ; ils ne sont point dieux ; ils ont une nature plus parfaite et ont beaucoup plus de pouvoir que les hommes. Ils gouvernent tout, et il ne paraît pas que personne leur ait confié cette administration. Le ciel est divisé en douze étages, de forme concave ; ces douze cieux sont soutenus par une haute montagne qui s'appelle Khau Soumeng (11). Les anges sont distribués dans ces douze cieux ; les uns sont blancs, les autres rouges ; il y en a aussi de verts, je ne crois pas qu'il y en ait d'une autre couleur. Ils sont en général d'une taille colossale. Les corbeaux et les vautours sont des anges, parce qu'ils mangent de la chair humaine ; d'autres prétendent que tous les anges sont blancs et fort beaux : choisissez entre ces deux opinions. Il y a au milieu du ciel un grand bassin ; les anges vont s'y baigner. Quand ils sont en trop grand nombre, le bassin ne peut plus contenir l'eau, elle se répand par les bords et produit la pluie. Les éclairs ont deux causes : la première cause est une vieille femme qui, pour se moquer de nous, agite un miroir dans les airs ; les anges sont la seconde cause : quelquefois ils tirent du feu avec leur briquet ; le feu qui en jaillit cause l'éclair. Le tonnerre est produit par un horrible géant qui s'est logé dans le firmament ; il a des dents semblables aux défenses d'un sanglier ; quand il gronde sa femme, il le fait d'un ton si haut qu'il fait trembler la terre, ce n'est là que le tonnerre, mais il ne se contente pas toujours de gronder ; si, dans l'accès de sa fureur, il laisse tomber sa hache, elle produit la foudre (12).

Phra Athit et Phra Chan, c'est le soleil et la lune. Ces deux dieux ont été des hommes ; ils étaient frères ; pendant qu'ils étaient sur la terre, ils faisaient l'aumône aux talapoins : l'aîné leur donnait tous les jours une grande somme en or, le second leur donnait de l'argent. Ils avaient un frère cadet qui faisait aussi l'aumône aux talapoins, mais il ne leur donnait que du riz dans un vase fort noir. Après leur mort, ils sont devenus dieux ; le premier est le soleil, le second est la lune. Le troisième n'a pas été aussi heureux ; en punition de son avarice, il a été métamorphosé en un monstre excessivement noir ; il n'a que des bras, des ongles et des oreilles ; il s'appelle Phra Rahu. Ce châtiment ne l'a pas rendu meilleur. Jaloux du bonheur de ses frères, il cherche depuis longtemps l'occasion de les tuer, il leur livre de fréquents combats : telle est la cause des éclipses (13). Les Siamois, qui ne sont pas bien aises de voir dévorer leur soleil et leur lune, font un vacarme épouvantable pour faire lâcher prise à Phra Rahu. Pendant tout le temps que dure l'éclipse, on n'entend que cris et que hurlements. On bat la caisse, on frappe à coups redoublés sur de grands bassins de bronze, on tire des coups de fusil, le roi fait tirer le canon de la forteresse, le désordre est à son comble (14). Il serait plus facile de faire cesser l'éclipse que de les guérir de ce préjugé. Ils en veulent beaucoup aux chrétiens, parce qu'ils restent tranquilles : Vous autres, Pharans (15), disent-ils, vous n'aimez pas des astres qui vous rendent de si grands services, puisque vous ne vous mettez point en peine de les secourir dans un si pressant danger. Ils disent que ce n'est point la terre qui marche, mais le soleil. À son lever, il monte sur un éléphant ; arrivé au plus haut de l'horizon, c'est-à-dire à midi, il change de monture et s'assied sur un buffle ou sur un cheval, car il me semble que j'ai entendu l'un et l'autre ; il descend donc monté sur un de ces animaux ; à six heures du soir, il va se cacher derrière la montagne Khau-Soumeng dont je vous ai déjà parlé. Il n'est pas nécessaire qu'il passe par-dessous la terre, parce qu'il n'y a point d'habitants, et il ne peut pas même y en avoir ; ils ne pourraient pas se soutenir sur leurs pieds. Il y a des étoiles qui sont des divinités ; les étoiles fixes sont enchâssées au firmament. Les docteurs siamois ne sont pas d'accord sur la cause de cette obscurité que l'on aperçoit dans la lune : les uns disent que c'est un grand arbre, d'autres que c'est une vieille femme qui pèle du riz ; quelques-uns plus instruits disent que c'est un homme occupé à faire une corbeille (16).

La terre, l'air, la mer, les rivières sont autant de dieux : la terre est plate, un gros buffle la soutient avec ses cornes, afin qu'elle ne tombe point dans le vide, mais comme on a oublié de donner un point d'appui au buffle, la terre n'est pas plus solide. Le flux et le reflux de la mer sont causés par un énorme cancre ; quand il sort de sa caverne, l'eau monte ; quand il y rentre, la marée descend. Ce n'est pas seulement le simple peuple qui croit toutes ces absurdités ; il y en a bien d'autres qui se disent instruits et qui les croient, aussi il ne serait pas toujours prudent de vouloir les détromper. Soutenir sérieusement à un Siamois qui n'a jamais eu de communication avec des Européens qu'on a passé par-dessous la terre et qu'on n'a trouvé ni buffle, ni éléphant, que le soleil n'est point un homme, encore moins un dieu, qu'il est un million de fois plus gros que la terre (17), qu'on peut se préserver de la foudre (18), qu'on peut voyager dans les airs sans être oiseau (19), etc., c'est prendre une peine plus qu'inutile ; le moindre désagrément qu'on pourrait éprouver, ce serait d'être traité d'imposteur. Un ambassadeur anglais et d'autres personnes dirent au roi de Siam que les Européens avaient trouvé le moyen de monter dans les airs, de naviguer sans voiles et sans rames, au moyen de la vapeur de l'eau (20), qu'ils avaient inventé des fusils à vent : le roi leur répondit qu'il ne les croyait pas.

Les dieux dont je viens de vous parler, sont les dieux visibles : restent les dieux invisibles. Le plus célèbre et le plus grand est Phra-Phu-Thi-Chau ou Phra-Chau. Il naquit, je ne sais en quel siècle, car il a un père et une mère. Tant qu'il resta homme, il commit toutes sortes de crimes ; il s'appelait Songmana-Caudom, c'est-à-dire, voleur de bœufs (21) : enfin rougissant de sa conduite, il lui prit envie de devenir dieu ; à cet effet, il s'habilla de jaune et se fit religieux ou solitaire. Il eut bientôt jusqu'à 500 disciples. Fatigué d'habiter toujours la même pagode, il se mit à voyager ; de l'île de Ceylan, où il était alors, il vint d'un seul pas sur une montagne qui est au-dessus de Juthia (il y a entre ces deux contrées une distance de 500 lieues). Il fut surpris par la pluie ; il se réfugia dans une grotte qui existe encore aujourd'hui ; il y laissa l'empreinte de son corps. Il institua les talapoins. Ayant été quêter, il mangea une si grande quantité de porc que son estomac creva, et le dieu fut étouffé par une hémorragie avant d'avoir changé de robe, ce qui, aux yeux des talapoins, est un signe certain de réprobation. Ils ajoutent que leur dieu voulut revenir dans l'île de Ceylan avant de mourir ; il laissa à ses disciples son habit jaune. Celui qui prend cet habit devient dieu, et redevient homme dès qu'il le quitte. Dès que Phra-Phu-Thi-Chau fut mort, il fut anéanti, et cependant il fut dieu et l'est encore ; il est même le plus puissant de tous les dieux, et Phra-Hin, qui existe par lui-même de toute éternité, qui a créé le père et la mère de Phra-Phu-Thi-Chau, a été obligé de lui céder la place. Phra-Phu-Thi-Chau, qui n'est pas éternel, a créé le ciel et la terre qui sont éternels : quand il vint au monde, la terre existait, et cependant il l'a créée. Phra-Phu-Thi-Chau est en enfer, puisqu'il est mort avec sa robe jaune ; il n'est pas en enfer, puisqu'il est dieu ; il n'est même nulle part, puisqu'il est anéanti. Toutefois les talapoins ont son corps ; ce corps fut d'abord déposé dans un cercueil ; un indiscret ayant osé s'approcher un peu trop près de la bière, le dieu déjà mort et anéanti eut assez de force pour le tuer d'un coup de pied (22). Croirez-vous que les talapoins conviennent de toutes ces contradictions ? le fait est cependant certain. Un roi siamois fut si choqué de cet article de leur croyance, qu'il le fit effacer de leur livre de religion, mais il ne paraît pas qu'ils se soient fort mis en peine de se conformer aux ordres du prince. Quand ils se sentent pressés par les chrétiens, ils changent de batterie. Phra-Phu-Thi-Chau, disent-ils, est né avant que le ciel ou la terre existassent. Où étaient donc son père et sa mère, leur demande-t-on, et où était-il lui-même, puisqu'il n'avait rien où il pût se placer ? car selon leurs principes rien ne peut exister dans l'espace sans un point d'appui ; alors ils ne savent que répondre : — Cela est ainsi dans nos livres, ou bien ils se mettent à rire et passent aussitôt à une autre question. Ceux qui ont un peu d'instruction sentent le faible de leur religion ; ils se font un devoir de ne point entrer en dispute avec les chrétiens. Ne disputez point avec les Pharans, c'est-à-dire chrétiens, disent-ils, car ils vous feront tant d'objections, ils vous demanderont tant de fois le pourquoi et le comment, que vous serez bientôt réduit à garder le silence.

Tout ce qui a appartenu à Phra-Phu-Thi-Chau est un objet de vénération pour les Siamois. De temps en temps, le roi de Siam envoie à Ceylan un vaisseau richement orné, pour rapporter quelques reliques de ce prétendu dieu. Il n'y a pas encore trois ans que le dernier voyage a eu lieu. La caverne où il se retira, la fontaine qui en découle, l'empreinte de son pied, sont devenus un objet de pèlerinage pour les Siamois : le vestige de ce pied a environ cinq pieds en longueur, il est parsemé de pierres précieuses et couvert d'un drap de grand prix ; on a planté tout autour de petites baguettes de fer, dans lesquelles les pèlerins enfilent les bagues et les anneaux d'or qu'ils offrent au dieu. Le roi a placé des gardes afin que personne n'enlève ces offrandes (23). Sur une autre montagne voisine de celle-ci, on montre aux curieux le lit et quelques petits meubles qui appartenaient au dieu Phra-Phu-Thi-Chau : on sait d'ailleurs à quoi s'en tenir sur ces prétendus objets de vénération. Longtemps après la mort de ce dieu, un imposteur grava sur la pierre toutes ces empreintes et du pied et du corps de Phra-Phu-thi-Chau, et publia cette merveille dans le pays ; les Siamois, qui sont si superstitieux, crurent tout sans examen. Les talapoins du voisinage en profitèrent pour se procurer d'abondantes aumônes. Ils publièrent alors qu'ils avaient le corps du dieu ; ils donnèrent aux pèlerins des dents de singes qu'ils firent passer pour être les dents de Phra-Phu-Thi-Chau. On dit qu'ils en distribuent encore aujourd'hui. Il n'est pas difficile aux talapoins de tromper les Siamois ; ils sont crus sur leur parole. Ils égorgèrent dans une occasion un enfant pour lui enlever ses bijoux, ils placèrent ensuite le corps auprès d'une idole dont ils ensanglantèrent la bouche avec le sang de cet infortuné ; ils allèrent trouver le roi pour accuser l'idole d'avoir dévoré cet enfant. Le roi les crut sans examen (les dieux ne peuvent pas mentir) : l'idole fut condamnée à avoir la bouche fermée avec un cadenas et à porter le nom infâme de mangeur d'hommes. La fourberie fut enfin découverte et les talapoins furent punis de mort ; le pauvre dieu n'en conserva pas moins son nom et son cadenas.

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VII. Les talapoins

NOTES

1 - Le mot désignait les moines bouddhistes siamois. L'étymologie est incertaine. Larousse indique une originaire portugaise, tala pão, de l'ancien birman tala poi : Monseigneur. Certains la font dériver du siamois talaphat (ตาลปัตร), nom du grand éventail que les moines tiennent pendant les cérémonies.

Talapoin allant par la ville. Illustration du Voyage des pères jésuites de Guy Tachard (1691).
Talapoins modernes. 

2 - L'abbé de Choisy, qui employait le mot au masculin, notait dans son Journal du 30 octobre 1685 : Vous savez que pagode est le nom du temple aussi bien que de l'idole. Le Dictionnaire de l'Académie française de 1762 le donne au féminin. Pagode : s.f. Terme qui vient des Indes orientales, où il signifie un temple d'idoles. Il y a dans cette ville une pagode magnifique. Il se prend aussi pour l'idole qu'on adore dans le temple. Une pagode d'or. Une petite pagode. On appelle encore pagodes, de petites figures ordinairement de porcelaine, et qui souvent ont la tête mobile, ce qui a donné lieu à ces façons de parler du style familier : Il remue la tête comme une pagode. Il fait la pagode. Ce n'est qu'une pagode.

Pagodes de Siam. 

3 - Note de l'auteur ou de l'éditeur : ph ne se prononce pas comme f, c'est un p aspiré ; u fait ou : ainsi Phra-phu-thi-chau ses prononce comme si on écrivait hpra hpour hti htchau. 

4 - Transcription très approximative de Phra Phuttha Chao (พระพุทธเจ้า), nom siamois de Siddhartha Gautama, le bouddha. 

5 - Phra In (พระอินทร์) est Indra, le seigneur du ciel dans la mythologie védique de l'Inde ancienne. Il a été absorbé par le bouddhisme sous le nom de Sakka (Tao Sakka : ท้าวสักกะ). C'est un divinité importante des Jatakas, (les histoires des vies antérieures de Bouddha) et du Ramakien (รามเกียรติ์,), l'épopée nationale thaïlandaise, variante du Ramayana indien.

Le dieu Indra sur Erawan, le dieu éléphant à 33 têtes et 231 défenses. 

6 - Les affirmations à l'emporte-pièce de Barthélemy Bruguière trahissent une méconnaissance complète du bouddhisme et le parti pris évident de tourner en dérision le peu qu'il en a compris. Elles ne sont souvent, comme ici, que des inepties. Le Bouddha n'a jamais créé la terre ni le ciel et refusa même de répondre à la question de savoir qui avait créé l'univers, ce qui fit dire à Jean-Baptiste Pallegoix que le bouddhisme était une religion d'athées

7 - Phra Phum (พระภูมิ) est une divinité tutélaire attachée à un lieu particulier. C'est pour l'apaiser et se concilier ses bonnes grâces que les Thaïlandais installent près de leur maison un san phra phum (ศาลพระภูมิ) que les étrangers traduisent par maison des esprits.

Maison thaïlandaise et sa san phra phum. 

8 - Dans l'eschatologie bouddhiste, Phra Si An (พระศรีอาริย์), – Maitreya en sanskrit, est un bodhisattva (un futur bouddha) qui sera appelé à remplacer Siddhartha Gautama, le bouddha actuel, lorsque son enseignement sera oublié, environ 5 000 ans après son illumination (vers l'an 4500 de notre ère).

Amulette thaïlandaise représentant Phra Si An, le futur bouddha. 

9 - Phra (พระ) peut avoir plusieurs sens différents. Le mot peut effectivement désigner un dieu ou une représentation de Bouddha, mais il s'applique également aux prêtres, aux moines, et d'une façon générale à toute personne hautement révérée. 

10 - Breazeale et Smithies (Journal of the Siam Society, vol. 96, 2008, note 76 p. 101) suggèrent que cette remarque aurait pu être inspirée par des marchands chinois. De fait, on pense à Pu Taï, le moine chinois ventru et hilare souvent confondu avec le bouddha. Toutefois, il existe un personnage un peu similaire dans la mythologie thaïlandaise, Phra Sangkachaï (พระสังกัจจายน์), un moine assimilé à Katyayana (กัจจายนะ), un disciple du bouddha.

Phra Sangkachaï (พระสังกัจจายน์). 

11 - Khao Sumen (เขาสุเมรุ) : le mont Meru, la montagne mythique considérée comme le centre du monde dans la mythologie hindoue et bouddhique. 

12 - Référence à la légende de Mekhala (เมขลา), la gardienne des océans, et de Ramasura (รามสูร), le géant dieu du tonnerre, armé d'une hache en diamant. Mekhala possédait un boule de cristal qui étincelait, provoquant les éclairs. Pour lui voler, Ramasura lui jetait sa hache, ce qui provoquait le tonnerre.

Ramasura poursuivant Mekhala pour lui dérober sa boule de cristal. 

13 - Voir sur ce site comment les Siamois expliquent les éclipses d'après Jean-Baptiste Pallegoix. 

14 - Cette tradition est toujours respectée en Thaïlande, mais ce sont aujourd'hui les enfants qui la perpétuent et qui s'amusent fort à frapper des casseroles ou des marmites les nuits d'éclipse, pour faire le plus de bruit possible. 

15 - Sans doute une transcription du mot farang (ฝรั่ง) qui désigne en Thaïlande les Européens en général, encore que Bruguière (ou son éditeur) ait indiqué que ph ne se prononçait pas f, mais comme un p aspiré (voir ci-dessus note 3). 

16 - La légende la plus populaire dans toute l'Asie est que la lune contient l'image d'un lièvre. On trouve notamment cette histoire dans le Jataka 316 : un lièvre vivait avec ses amis le singe, le chacal et la loutre. Il leur enseigna qu'il fallait faire l'aumône, et les animaux, chacun sur son territoire, se mirent en quête d'offrandes. La loutre trouva des poissons abandonnés par un pêcheur, le chacal vola un lézard et un pot de lait caillé, et le singe cueillit des mangues. Le lièvre, pour sa part, n'avait rien à offrir que de l'herbe, ce qu'il jugeait indigne d'une offrande. Shakra (Tao Sakka : ท้าวสักกะ), le seigneur des Trente-trois cieux, résolut de mettre les animaux à l'épreuve. Déguisé en mendiant, et se présenta auprès de chacun d'eux et recueillit leur offrande. Lorsqu'il arriva au lièvre, celui-ci, qui n'avait rien à offrir, lui dit : — Va, ami, et quand tu auras empilé des bûches de bois et allumé un feu, je me sacrifierai en tombant au milieu des flammes, et lorsque mon corps sera rôti, tu pourras manger ma chair. Mais lorsqu'il se fut jeté dans le feu, non seulement les flammes ne le brûlèrent pas, mais elles ne purent pas même roussir ses poils. Le mendiant révéla alors son identité et pour honorer la vertu du lièvre, il traça son image dans la lune. On dit que le halo qui l'entoure est la fumée qui s'éleva lorsque le vertueux lièvre se jeta dans le brasier.

Le lièvre dans la lune, sceau de la ville de Chantaburi (la Cité de la lune. 

17 - Les certitudes astronomiques de Barthélemy Bruguière ne sont guère plus rigoureuses scientifiquement que celles qu'il critique chez les Siamois. Le diamètre du soleil est « seulement » 109 fois plus grand que celui de la terre. 

18 - Le paratonnerre aurait été inventé par Benjamin Franklin à Philadelphie le 15 juin 1752. 

19 - Le premier vol habité enregistré a été fait dans un ballon à air chaud construit par les frères Montgolfier, le 21 novembre 1783 (Wikipédia).

Premier vol habité d'une montgolfière. Paris, été 1783. 

20 - La navigation à vapeur prit un grand essor au début du XIXe siècle. Premier navire à vapeur à sortir en mer, l'Experiment de Richard Wright rallia Leeds à Yarmouth en juillet 1813. Le premier vapeur de métal à prendre la mer fut le Aaron Manby qui traversa la Manche et atteignit Paris, le 22 juin 1822. (Wikipédia).

Le Aaron Manby, premier navire à vapeur en fer. 

21 - Il s'agit d'une corruption de Siddhārtha Gautama, le nom de Bouddha. On trouve plus fréquemment dans la littérature française Sommona Khodom ou Kodom. Bayle lui consacre un long article dans son Dictionnaire historique et critique (1696) et Diderot en rédige un pour l'Encyclopédie (1751), dans lequel il écrit : Le nom propre de cet homme est Kodom, et Sommona signifie le solitaire ou le religieux des bois, parce que ce législateur, devenu l'idole des Siamois, était un sarmane ou sammane [shaman] de la côte de Malabar ou de Coromandel, qui leur apporta la religion qu'ils suivent aujourd'hui. Cette traduction est aussi fausse que celle avancée par Bruguière. Siddhartha viendrait du sanskrit et signifierait : Homme qui a atteint son objectif. 

22 - Ce salmigondis incohérent et indigeste mélange des légendes, des bribes de jatakas et des épisodes du Ramakien, des propos mal compris et mal interprétés avec une évidente volonté de ridiculiser le bouddhisme. On peut aujourd'hui s'étonner de ce procès en irrationnalité, alors que la Bible elle-même regorge de contradictions et d'invraisemblances qui ne semblent pas choquer outre mesure le missionnaire. 

23 - Allusion au Phra Phutthabat (พระพุทธบาท), l'empreinte du pied de Bouddha. Dans son Histoire du Siam, W.A.R Wood écrivait en 1926 : Au Siam, le nom du roi Songtham est généralement associé au Phrabat (พระบาท) une empreinte supposée du Bouddha qui fut découverte sous son règne au pied d'une colline au nord-est d'Ayutthaya, aujourd'hui appelée Mont Phrabat. On ignore si cette gigantesque empreinte est un ancien Phrabat sculpté qui fut redécouvert à cette époque, où s'il s'agit tout simplement d'une excavation naturelle dans la roche qui fut quelque peu remodelée. Quoi qu'il en soit, et même si peu de bouddhistes modernes croient que le Bouddha était d'une stature surhumaine, cette relique mérite d'être respectée, c'est un objet vénéré par des générations de croyants. Aujourd'hui encore, chaque année au mois de février, des milliers de personnes viennent se recueillir sur le Mont Phrabat.

Le temple de l'empreinte de Bouddha près de Saraburi au XIXe siècle. 
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Page mise à jour le
12 septembre 2019