Mercure Galant de septembre 1686.
4ème partie. Meudon. Le garde-meuble de la Couronne. M. de Croissy. Monsieur le Duc. Le vieux Louvre. L'Académie de peinture. Les Gobelins.

Page du Mercure Galant

MM. les chevaliers de Nogent et de Chaumont, M. le comte d'Asfeld, et plusieurs autres les reçurent à la porte du vestibule. M. le chevalier de Nogent leur dit que M. de Louvois étant avec le roi à Maintenon, ils étaient venus pour leur faire compliment de sa part, et pour leur témoigner qu'il aurait bien voulu avoir l'honneur de les recevoir lui-même. Ils remercièrent M. de Louvois, et ces messieurs aussi en leur particulier, et passèrent ensuite dans le vestibule, où ils s'attachèrent à regarder les marbres. Ils firent de même dans la galerie, dont les tables, les bustes et les tableaux leur plurent fort. Ils allèrent se promener jusqu'aux Capucins (1) , et on leur dit que ce couvent était une fondation de la Maison de Meudon. Ils revinrent ensuite dans le salon où on leur servit un dîner fort magnifique. Après le repas on les mena dans un chambre, où ils trouvèrent du thé, du café, des pipes et des lits de repos. M. l'abbé de Louvois, qui n'est âgé que de dix ans, prit du thé avec eux et leur dit tant de choses spirituelles et obligeantes qu'ils en furent charmés. Ils retournèrent voir le cabinet de miroirs qu'ils ne se pouvaient lasser d'admirer, puis en passant ils s'attachèrent à regarder le portrait du roi, qu'ils avaient longtemps considéré le matin. Ils virent l'après-dîner le reste du jardin, les eaux, et le lieu appelé les Cloîtres, parce que les arbres y sont disposés d'une manière qui peut leur faire donner ce nom. Ils se reposèrent chez Monsieur Girardot, capitaine du château, où ils furent divertis par MMlles Girardot, ses filles, qui dansent et qui jouent fort bien du clavecin.

Ils retournèrent à la promenade, où on leur servit une superbe collation dans un lieu fort agréable et après qu'ils se furent encore promenés, l'heure les obligea de partir. Ils crurent encore partir trop tôt, car quoi qu'ils eussent passé la journée entière dans cette belle maison, ils y découvraient toujours quelques nouvelles beautés. Ils voulurent donner de l'argent à ceux qui avaient pris le soin de leur faire tout voir, mais on le refusa, parce qu'on n'y en a jamais pris de personne.

Ils allèrent le lendemain au garde-meuble de la couronne, proche le Louvre, dans le lieu appelé autrefois le Petit Bourbon, parce que c'est une aile du logis du Connétable de Bourbon qu'on a abattue, à cause qu'il était dans le grand dessein du Louvre (2). Ils virent d'abord les couvertures de mulets du roi (3). Il y en a vingt-huit dont le fond est de velours bleu. Les armes de France et de Navarre sont dans le milieu et d'une broderie fort relevée, ainsi que les ornements, qui sont aux quatre coins. Ils virent ensuite soixante lits très magnifique, car on ne voulut pas leur montrer ceux qui sont moins beaux, quoiqu'ils soient fort riches. Les premiers qu'on leur fit voir sont de Perse, de Turquie, de la Chine, de Portugal et de plusieurs autres nations où l'on travaille le mieux. Il y a le lit du Sacre à deux envers de broderie, estimé six cent mille livres. Le lit de l'Histoire et de Proserpine, et le lit appelé de la reine Marguerite, il y en a de petit point, que ceux qui voient de quatre pas prennent pour de la peinture, d'autres sur des fonds d'or, et sur des fonds d'argent, et d'autres brodés sur des velours de toutes sortes de couleurs. On leur montra l'équipage d'un vaisseau du roi qui est à Toulon, nommé Le Royal Louis (4). Il contient en 150 pièces 6 000 aunes de damas passé d'or, avec les cordages qui sont or, argent et soie. On leur fit voir aussi une pièce de chaque tenture de tapisserie. Ces tentures sont Scipion, Constantin, Coriolan, les Actes des Apôtres, Alexandre, Fructus belli, les Éléments, les Maisons Royales, les Chasses, les Grotesques, les Douze mois, le Triomphe de l'Amour, les Sept Âges, l'Histoire du Roi, son Sacre, l'Alliance des Suisses, les Prises de Villes. Ils virent aussi un tapis fait au lieu appelé la Savonnerie (5), de sept aunes et demie de long. Il y en a quatre-vingt treize de même, qui tous ensemble ne font qu'un tapis. Cet ouvrage a été fait pour la grande galerie du Louvre. Il y en a douze autres pour la galerie d'Apollon, qui est à côté de la grande galerie. Quoiqu'il y eût beaucoup d'argenterie, je n'ai fais point de détail, parce que la plus belle est à Versailles, mais il y a un service avec le buffet de vermeil doré à côtés, qui est très curieux. On l'appelle Service de Médailles, parce qu'il est tout rempli de petites médailles qui représentent les empereurs romains et d'autres têtes antiques. Ce qu'il y a de surprenant dans ce service, c'est que les médailles ne sont pas dorées, quoique tout le reste le soit.

Ils s'attachèrent fort à regarder un cabinet assez grand et tout d'acier, qui est un présent qu'on a fait au roi. Outre tous ces meubles, Sa Majesté en a encore une infinité d'autres dans toutes les maisons royales, afin qu'on ne soit pas obligé d'y en transporter lorsqu'elle y va faire quelque séjour. Il y en a grand nombre de beaux à Vincennes, et ceux qui sont dans le garde-meuble de Versailles sont si magnifiques qu'on peut dire qu'ils surpassent ceux de Paris. Non seulement le roi en fait faire tous les jours de nouveaux, mais Sa Majesté fait travailler à des étoffes extraordinaires pour en faire, on l'on montra aux ambassadeurs près de cent pièces de brocarts d'or et d'argent, faites sur des dessins nouveaux, et auxquels on n'a rien vu encore de pareil. Il y en a surtout d'une telle hauteur, qu'ils passent tous ceux qu'on a faits jusqu'à présent en quelque lieu du monde que ce soit, et même ceux du Levant. Ils sont de la manufacture que le roi à fait établir à Saint-Maur par Monsieur Charlier (6). Il y avait aussi des rideaux de damas blanc pour les fenêtres de Versailles, avec des couronnes, des chiffres et des lires d'or, mais seulement d'espace en espace, parce qu'on ne doit pas trop charger d'or un rideau qui doit être aisé à manier. Je ne vous parle de ces rideaux que parce qu'ils sont tout d'une pièce, quoiqu'ils soient d'environ sept aunes et demie de haut, et de quatre et demie de large. Le premier ambassadeur en fut si surpris qu'il mesura lui-même ce rideau. Quant aux brocarts, il y en a d'assez larges pour faire des pièces de tenture de tapisserie de cabinet, tout d'un morceau. Le roi s'en sert pour faire des meubles d'été. Il y en a dont on peut aussi faire des meubles d'hiver. Ils sont tous remplis de fleurs d'or frisé.

Dans le même logis où sont les meubles, il y a une fort grande chambre appelée le cabinet d'armes du roi. Elle en est toute remplie, et ce qui est surprenant, c'est qu'il n'y a rien que de rare, et que ce sont autant de chefs-d'œuvre de l'art. On y voit l'armure que François Ier porta au siège de Pavie, et sur laquelle ses conquêtes sont ciselées ; celle qu'Henri II avait lorsque l'éclat de la lance du comte Montgomery lui donna dans la visière, au tournois sur le pont Notre-Dame ; celle dont Louis XIII se servait, celle dont les Vénitiens ont fait présent à Sa Majesté, et où ses conquêtes sont gravées ; celle que le roi a portée en Flandre, et celle de Mgr le Dauphin. On voit aussi l'épée d'Henri IV sur la garde de laquelle est son portrait ; il s'est servi de cette épée en quatre-vingt batailles ou autres occasions remarquables. Il y a une armure du Japon, fort légère, qui garantit des flèches, et l'on trouve des sabres de la plupart des nations du monde, et entre autres de Turquie, du Japon, du Tonkin et de la Chine. Les ambassadeurs nommèrent d'abord tous les pays d'où ces sabres sont venus. Il y a aussi plusieurs arbalètes, et quantité de fusils très rares, parmi lesquels ils en virent un qui porte jusqu'à neuf cents pas ; on le peut encore tirer deux autres coups de suite, dont l'un porte six cents pas et l'autre trois cents. On leur en montra un autre qui tire quatre coups dans l'eau. Celui dont la ville a fait présent à Mgr le Dauphin, et qui est de M. Piraube (7), est très beau. Il y a aussi beaucoup de piques et de masses d'armes, et même de petites couleuvrines. Les ambassadeurs manièrent presque tout ce qu'il y a de plus curieux dans cabinet, et se firent expliquer beaucoup de choses.

Lorsqu'ils allèrent rendre visite à M. le marquis de Croissy, ministre et secrétaire d'État, ils avaient leurs bonnets de cérémonie. Ils furent conduits par M. de Bonneuil. M. de Croissy les reçut en haut de son escalier. Ils traversèrent une fort grande salle, une chambre magnifiquement parée, et entrèrent de là dans une fort belle galerie, au bout de laquelle les fauteuils étaient préparés sur un tapis. Ils furent placés à la droite, et M. de Croissy vis-à-vis. Comme les louanges du roi sont toujours mêlées dans leurs compliments, ils parlèrent du sujet de leur voyage, qui était pour le venir admirer, et dire ensuite à M. de Croissy qu'ils avaient eu beaucoup d'impatience de le voir, le roi leur maître leur ayant dit qu'ils trouveraient en lui un sage ministre, fameux par un grand nombre de négociations où son esprit et son intelligence dans les affaires avaient paru, et dont le nom étant à la tête de plusieurs traités glorieux au roi, était connu par toute la terre. M. de Croissy répondit modestement à ces louanges et leur dit qu'il avait appris que le roi de Siam avait déjà envoyé d'autres ambassadeurs en France, de la perte desquels on ne devait presque plus douter, mais que cette perte était réparée par le choix que le roi leur maître avait fait de si sages, et de si judicieux ministres.

On entra ensuite en conversation, et M. de Croissy leur demanda s'ils n'avaient point été incommodés d'un voyage aussi long que celui qu'ils avaient fait, et si le changement d'air n'avait point altéré leur santé. Ils répondirent que d'abord, ils s'étaient sentis un peu incommodés, mais que cela n'avait pas eu de suite, et que d'ailleurs quand ils souffriraient quelque chose, le bon traitement qu'on leur faisait les empêcherait de le sentir. On servit ensuite une collation de confitures sèches dans des bassins de vermeil doré, qui furent accompagnés de liqueurs. Ils sortirent après avoir remercié M. de Croissy de l'obligeante manière dont il les avait reçus, et firent à différentes reprises tout ce qu'il leur fut possible pour l'empêcher de les reconduire, mais il voulut descendre jusqu'au bas du degré. Ils le remercièrent de nouveau de toutes les honnêtetés avec les termes les plus remplis de reconnaissance, après quoi ils montèrent en carrosse, sans que ce ministre les y vît monter.

J'ai oublié à vous marquer que lorsqu'ils allèrent chez Mlle d'Orléans, ils demandèrent à voir Mme de Guise (8). Cette princesse, qui avait alors quelque indisposition, leur fit faire excuse de ce qu'elle ne pouvait les recevoir. Ils auraient été dès ce temps-là chez Monsieur le Duc (9), mais ce prince n'étant pas à Paris, ils attendirent son retour de Versailles. M. de Bonneuil les conduisit, et Son Altesse Sérénissime leur donna audience dans son appartement bas de l'Hôtel de Condé (10). On leur fit compliment de sa part lorsqu'ils descendirent de carrosse, et Monsieur le Duc les reçut à la seconde porte de l'appartement. Ils étaient revêtus de toutes les marques de leur dignité, et tous les mandarins avaient leurs bonnets de cérémonie. Sitôt qu'ils aperçurent ce prince, ils firent trois inclinations très profondes, les mains jointes et élevées jusqu'à leur front. Il traversa ensuite avec eux sept ou huit antichambres et chambres magnifiquement meublées, et ils trouvèrent dans un grand cabinet destiné pour l'audience, trois fauteuils d'un côté, et un autre vis-à-vis. Avant que de commencer leur compliment, ils firent encore trois inclinations comme ils avaient fait en entrant, et après un compliment rempli d'éloges de Monsieur le Duc, auquel Son Altesse répondit, ils commencèrent une conversation qui fut admirée et louée tout haut de tous ceux qui l'entendirent. J'en parle comme témoin, et vais vous rapporter en peu de paroles ce qui se dit pendant trois quarts d'heures qu'elle dura. Monsieur le Duc dit d'abord que ce que M. le chevalier de Chaumont avait rapporté à Sa Majesté du roi de Siam, joint aux honneurs et aux bons traitements qu'il lui avait faits, augmenterait l'amitié qui était entre les deux rois. Ils ne répondirent à cela que par de profondes inclinations, comme ils avait fait lorsque Monsieur le Duc avait parlé de chaque roi, ou des deux rois ensemble. Ce prince leur dit ensuite qu'ils avaient vu quelques troupes du roi à Maintenon, et leur demanda comment ils les trouvaient. Les premier ambassadeur répondit qu'il ne croyait pas qu'on en pût voir de plus belles, mais que cependant elles ne l'avaient point surpris, puisqu'on ne peut penser trop de bien des troupes à qui le roi a appris à vaincre.

Monsieur le Duc répliqua que puisqu'il trouvait ces troupes si belles, il serait à souhaiter que Siam ne fût pas si éloigné afin qu'elles s'y pussent plus facilement transporter en cas de besoin. L'ambassadeur répartit que Dieu ayant déjà fait un miracle en liant les deux rois d'une étroite amitié, malgré le grand éloignement de leurs États, il en pouvait faire encore un autre pour le transport de ces troupes. Son altesse lui demanda quel ordre de bataille observaient les Siamois, et s'il était à peu près le même qu'en ce pays-ci. L'ambassadeur fit alors avec sa canne la démonstration d'une armée siamoise en bataille. Monsieur le Duc lui fit des objections sur les défauts qu'il y trouva, et lui fit voir que les ailes d'une armée en manière de croissant, ainsi qu'il les lui avait marquées, étaient presque toujours battues en détail, parce que peu de soldats pouvaient combattre à la fois, au lieu que nos troupes étant de front ont beaucoup plus de force. L'ambassadeur donna quelques raisons par combattre celles de Monsieur le Duc. Cependant, comme il ne trouva pas lui-même ses raisons assez fortes, il se retrancha sur ce qu'il n'avait pas prétendu dire que leurs armées étaient tout à fait en croissant et dit qu'elles étaient bien en ovale. Monsieur le duc répartit que pour suivre cet ordre de bataille, il fallait que les armées eussent un front égal, puisque celle qui en aurait un plus grand envelopperait l'autre. L'ambassadeur répliqua que leur ordre de bataille n'était pas toujours le même, et qu'ils le changeaient selon qu'ils savaient que leurs ennemis avaient plus ou moins de troupes ; qu'ils avaient des ordres de bataille pour les montagnes, pour les vallées et pour les lieux étroits, et qu'il y avait en leur pays beaucoup de livres qui marquaient ces divers ordres.

Monsieur le Duc, avant que de pousser plus loin la matière, leur fit quelque excuse de toutes les questions qu'il faisait, et dit que c'était à cause de l'estime qu'il avait pour le roi leur maître, et pour les ambassadeurs, et par le plaisir qu'il prenait à les entendre. Ils firent une profonde inclination, et ce prince poursuivit, en demandant la manière d'armer les éléphants. L'ambassadeur la lui expliqua, et lui dit même qu'on y mettait du canon. Monsieur le Duc alla au-devant de ce qu'on lui dit là-dessus, et expliqua lui-même plusieurs choses. Ce prince demanda ensuite combien il y avait à peu près de chevaux dans Siam, et d'où ils venaient, ce qui les fit entrer dans le détail d'une guerre qui est présentement dans le royaume de Cambodge. Monsieur le Duc lui fit plusieurs questions qui firent paraître son esprit et la connaissance qu'il a de l'Histoire. Ce prince demanda ensuite s'ils faisaient des prisonniers dans le combat, ou s'ils ne donnaient point de quartier, et si quand ils avaient fait des prisonniers, en cas que ce fût leur manière, ils les échangeaient. L'ambassadeur répondit qu'ils faisaient des prisonniers, mais qu'ils attendaient que la guerre fût finie pour les rendre.

Monsieur le Duc eut la bonté de dire du bien de deux mandarins qu'il avait vus à Versailles, lorsqu'ils étaient allés y conduire les présents avant le jour de l'audience des ambassadeurs. Ils marquèrent que ces mandarins leur avaient témoigné l'honneur qu'il leur avait fait, dont ils le remerciaient très humblement. Monsieur le Duc leur dit ensuite qu'ils étaient sur le point de partir pour aller passer quelques jours à Versailles, et qu'il avait pris tant de plaisir dans leur conversation qu'il voulait les entretenir encore lorsqu'ils y seraient, et se promener avec eux. L'ambassadeur répondit qu'ils attendraient ses ordres là-dessus et que c'était à lui à leur faire savoir quand il lui plairait qu'ils eussent cet honneur.

La conversation finit là, sans que personne se levât, ce qui fut cause que M. l'abbé de Lionne, qui avait servi d'interprète, dit à Monsieur le Duc que les ambassadeurs ne se lèveraient pas qu'il ne se levât, et ils se levèrent tous en même temps. Ils firent encore trois profondes inclinations telles qu'ils les avaient faites en entrant, et avant que de s'asseoir, Monsieur le Duc voulut les reconduire jusqu'à la même porte où il les avait reçus, quelque instance qu'ils fissent pour l'en empêcher. Ils firent de pareilles inclinations en le quittant, et furent reconduits par les gentilshommes de la Maison qui les avaient reçus à la descente. Ils sortirent non seulement charmés de l'esprit de Monsieur le Duc, mais encore ravis de ce qu'il avait eu la bonté de les entretenir, et dirent que rien ne pouvait leur faire plus de plaisir que cet honneur.

Ils allèrent ensuite chez Monsieur le duc de Bourbon, qui répondit à leur compliment, qu'il contribuerait de tout son pouvoir à l'amitié que le roi de Siam lui témoignait. Comme il était déjà tard parce que l'audience avait été fort longue chez Monsieur le Duc, la conversation fut courte. Elle roula sur les fatigues de leur voyage. Ils furent reçus chez ce prince en entrant et en sortant, de même qu'ils l'avaient été chez Monsieur le Duc.

Lorsqu'ils allèrent au vieux Louvre, ils furent reçus à la descente du carrosse par M. Seguin (11), qui en est capitaine. Ils entrèrent d'abord dans la salle des Cent-Suisses, et traversèrent tout l'appartement de la reine-mère, dont la dorure est fort ancienne, mais fort belle. La dernière pièce qu'ils y virent fut le cabinet appelé des Bains. Il y a deux voûtes qui sont soutenues dans le milieu par plusieurs colonnes de marbre. On ne voit dans ce lieu-là pour toutes couleurs que de l'azur et de l'or. Tous les portraits de la Maison d'Autriche en font le tour. Il y a quelques glaces au-dessous et dans le fond est une cuve de marbre, où l'eau chaude qui est en-dehors entre par des robinets. Le plancher est de fleurs de toutes sortes de bois rapportés. Ce fut ce que les ambassadeurs regardèrent le plus, avec les colonnes de marbre. Ils se firent nommer tous les princes dont ils voyaient les portraits.

En sortant de cet appartement, ils passèrent dans un grand salon, où ils virent de fort grands et de fort beaux tableaux, et de là ils entrèrent dans l'appartement de la reine-mère, qui est une enfilade de sept ou huit grandes pièces. Toute la sculpture en est dorée, et tous les plafonds ont été peints par Romanelli (12), fameux peintre italien. Il y a beaucoup de tableaux de M. Bourson (13), qui est un des plus fameux peintres que nous ayons eu pour les vues de mer. Ces tableaux sont de la largeur des pans de muraille, et ont été faits pour y servir de tapisserie. On entra ensuite dans un cabinet qui est tout au bout de cet appartement, et qui donne sur la rivière. On ne peut rien ajouter à la beauté de la dorure. Les peintures en sont très belles, mais en petit nombre, à cause qu'il y a beaucoup de glaces fort grandes. Le plancher est de si belles fleurs de rapport qu'on ne peut se lasser de l'admirer. En tournant de là sur la droite on traversa une fort grande pièce, et l'on entra dans la salle des Antiques. Cette salle est tout de marbre, à la réserve de la voûte qui fut détruite par le feu lorsqu'il prit à la petite galerie haute, un peu après le mariage du roi (14). On passa ensuite dans la galerie où Sa Majesté loge tous ceux qui excellent dans les Beaux-Arts, et les ambassadeurs marquèrent que le roi ne leur paraissait pas moins grand par-là que par la beauté des bâtiments et des appartements qu'ils venaient de voir.

Ils montèrent chez M. Girardon (15), qui est un de ces illustres logés par le roi, et virent son cabinet rempli de plusieurs ouvrages curieux et antiques, de marbre et de bronze, et de quantité d'autres raretés. Ils en firent le tour, et demandèrent à être éclaircis de beaucoup de choses, sur lesquels M. Girardon les saisit. Il le remercièrent avec beaucoup d'honnêteté, et lui témoignèrent le plaisir qu'ils avaient pris à voir tant de belles choses. Ils repassèrent ensuite par l'appartement neuf de la reine-mère, qu'ils avaient déjà vu, et montèrent chez le roi par le grand escalier du Louvre.

Dès qu'ils furent entrés dans la salle des gardes, ils passèrent sur une manière de terrasse pour voir l'étendue de la cour, et se firent expliquer en quoi consistait le bâtiment du vieux Louvre et du neuf, et comment le Louvre devait être quand il serait achevé. Après cela, on traversa tout l'appartement du roi, et celui de la feue reine. Les alcôves, dont on se servait beaucoup il y a quelques années, leur parurent belles et très bien dorées. De là, on entra dans trois ou quatre grandes pièces, où sont plusieurs tableaux du roi. Ils s'attachèrent avec un soin particulier à considérer ceux de l'histoire d'Alexandre, peints par M. Le Brun (16), et le premier ambassadeur en fut si charmé, qu'il en examina toutes les figures les unes après les autres. Il demanda ensuite le prix de quelques autres tableaux, et se fit montrer ceux qui avaient été peints en France, et ceux qui étaient d'Italie.

On entra de là dans la galerie appelée d'Apollon qui n'est pas achevée ; elle est à la place de celle qui a été brûlée. Tout l'ouvrage est du dessin de M. le Brun, et il y a quelques tableaux de sa main. C'est une très belle sculpture, et la ferrure des portes et des fenêtres est fort estimée à cause de la beauté de la ciselure. Ce qu'il y a de fait de cette galerie revient à un million. On passa de là dans la grande galerie, qui commence au vieux Louvre et finit au palais des Tuileries. Sa longueur surprit les ambassadeurs. Le premier demanda combien elle avait de toises de long. On lui répondit qu'on croyait qu'elle en avait environ trois cents. Lorsqu'il fut vers le milieu de la galerie, il mit la tête à la fenêtre du côté de Saint-Thomas du Louvre, et regardant le vieux Louvre et les Tuilerie, il comprit ce qu'on lui avait dit du grand dessin du Louvre, il traça même ce dessin avec la canne sur le bord de la fenêtre, et y joignit l'autre grande galerie qui n'est pas faite. Ayant ensuite avancé jusqu'au milieu de la galerie, il entra sur le balcon qui est au-dessus de la porte nommée le Grand guichet, regarda l'île du Palais, les maisons qui sont sur les ponts, et reconnut les tours de Notre-Dame qu'il n'avait vues qu'une fois lorsqu'il était entré dans l'église. De ce balcon, il alla jusqu'au bout de la galerie, et mit la tête à la fenêtre vis-à-vis le pont de pierre qu'on élève en cet endroit (17). Il l'examina avec beaucoup d'attention, et fit plusieurs questions sur les machines avec lesquelles on ôte l'eau, afin de pouvoir travailler aux fondements. M. Séguin prit alors congé de lui, parce que le reste regardait M. le marquis de Congis, qui est capitaine des Tuileries (18).

Il parut à la porte par laquelle on entre dans cet autre palais, et y reçut les ambassadeurs. Ils s'attachèrent d'abord à regarder un théâtre qui est dans le gros pavillon du bout, et qui n'est là que pour les répétitions des opéras de Sa Majesté. On traversa ensuite tous les appartements. Je ne vous parle ni de la peinture ni de la dorure dont ils sont tout remplis. Comme ce corps de logis est double, on tourna de là dans une fort belle galerie qui règne le long de ces appartements. Il y a dans cette galerie dix ou douze cabinets d'un très grand prix, dont la plupart ont été faits aux Gobelins. Ces cabinets ont chacun leur nom. Les colonnes de ceux qui en ont sont de pierres précieuses. Il y a des figures d'or et des miniatures d'une beauté surprenante. Il y avait trop à voir et trop de foule pour les pouvoir examiner comme ils le méritent. On traversa quelques antichambres et la salle des Gardes, puis on passa par-dessus la terrasse pour aller à la salle des Machines. Les ambassadeurs s'arrêtèrent quelque temps sur la terrasse pour regarder le jardin qui leur plut beaucoup. Ils entrèrent ensuite dans la Salle des Machines (19), qui pour la peinture, la sculpture, la dorure, la grandeur et la construction, est le plus bel ouvrage de cette nature qu'on ait jamais vu. Il y a plusieurs rangs de balcons en saillie, qui produisent un effet admirable. Rien n'est plus beau que le théâtre qui est plus profond que la salle n'est longue. Cette salle est du dessin de feu M. de Vigarani (20), gentilhomme modénois. Celle de Modène qu'il avait faite passait pour la plus belle de l'Europe, avant qu'on eût vu la salle des Tuileries, qui fut bâtie pour le mariage de Sa Majesté. M. de Vigarani le fils, qui est au roi, et qui depuis ce temps-là a eu toujours l'honneur d'être à son service, y fit travailler avec M. de Vigarani son père, aussi bien qu'au premier ballet intitulé Hercule (21), qui y fut dansé après le mariage de ce prince. Les machines en étaient si grandes et si surprenantes qu'il y en avait qui enlevaient jusqu'à cent personnes à la fois.

Au sortir de cette salle on descendit par le grand escalier, et après que les ambassadeurs l'eurent considéré, ainsi que la façade du bâtiment, et qu'ils eurent remercié M. de Congis qui les avait accompagnés partout, ils furent conduits à l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture (22), dont M. Louvois est le protecteur. Tout le monde sait ce qu'elle doit à ses soins. Elle est à l'entrée de la rue de Richelieu dans une des galeries du Palais Royal. Les ambassadeurs furent reçus en descendant de carrosse par M. Le Brun, qui est chancelier directeur de cette Académie, et par MM. Girardon, Desjardin, de Seve, le Hongre, Beaubrun et Coëpel qui en sont les principaux officiers et les plus illustres dans leur art. Ils étaient accompagnés de plusieurs autres et d'un grand nombre d'académiciens qui ne sont point du corps des officiers. Les ambassadeurs virent d'abord dans la première salle plusieurs tableaux et plusieurs bas-reliefs de marbre, faits par les étudiants qui travaillent tous les ans pour les prix que le roi donne. Il entrèrent ensuite dans la salle où les écoliers dessinent d'après les modèles, et où ils travaillaient alors après un groupe de deux hommes nus qui étaient au milieu de cette salle. Le premier ambassadeur fit une chose qui surprit toute l'assemblée, et qui le fit admirer. Il prit les dessins de la plupart des écoliers, les considéra les uns après les autres,et montra celui qu'il croyait le meilleur. M. Le Brun dit qu'il avait jugé juste, et pour faire voir qu'il ne le flattait point, il donna le dessin à examiner à ceux de l'Académie, qui étaient autour de lui.

On entra de là dans la grande salle, où MM. de l'Académie tiennent leurs assemblées. Elle est toute remplie de tableaux faits par les plus excellents peintres que nous ayons, et de bustes, de bas-reliefs, et de médailles de marbre, travaillés par les plus habiles sculpteurs. On peut dire que ce sont autant de chefs-d'œuvres de tous les peintres et de tous les sculpteurs qui sont reçus à l'Académie, où chacun est obligé de donner ou un tableau, ou un ouvrage de sculpture pour y être reçu. Les ambassadeurs étant au milieu de tant de belles choses, en examinèrent le plus grand nombre qu'ils purent, et firent tant de questions que la plupart des académiciens se trouvèrent occupés en même temps à leur répondre. Ils virent dans le même lieu l'Hercule et la Flore, qui sont de figures de dix pieds de haut, et demandèrent si ces figures étaient d'Italie. On leur dit que ce n'était là que des modèles, qu'il y en avait de semblables en Italie qui étaient de marbre à Paris, pour le roi, qui devaient être bientôt achevées. Après cela ils approchèrent des fenêtres qui donnent dans la cour de l'Académie, et s'attachèrent à regarder un cheval de bronze qui est au milieu sur un piédestal, et un modèle de plâtre de l'empereur Marc-Aurèle à cheval. De cette salle ils passèrent dans celle où sont les portraits des personnes de l'Académie, que ceux qui ont été reçus ont choisi de faire pour leurs tableaux de réception. En entrant, le premier ambassadeur reconnut de loin celui de M. Le Brun, et s'attacha ensuite à quelques autres, dont la peinture semblait donner du relief aux figures. Ils sortirent après avoir considéré tous ces tableaux, et dirent à ces messieurs qu'ils ne s'étonnaient pas si l'on voyait tant de belles choses en France, puisqu'il y avait un grand nombre d'habiles gens.

Ils furent reconduits jusqu'à leur carrosse par tous ceux qui avaient été les recevoir, à la réserve de M. Le Brun, qui était parti un peu avant afin de les aller attendre aux Gobelins. Les ambassadeurs étant montés en carrosse saluèrent encore tous ceux de l'Académie avant que de partir. Monsieur Le Brun les reçut aux Gobelins, accompagné des plus illustres de ce lieu-là. Ils entrèrent d'abord dans la galerie de M. Le Brun, et saluèrent Madame Le Brun d'une manière fort obligeante. Je laisse quantité de choses qu'ils admirèrent, et vous dirai seulement que le premier ambassadeur reconnut un groupe de figures qui représente des lutteurs, et dit qu'il en venait de voir un pareil à l'Académie. On examina ensuite un grand tableau d'autel de M. Le Brun. C'est une descente de croix. Il l'avait fait pour M. l'archevêque de Lyon, mais M. de Louvois ayant jugé qu'on n'en pouvait avoir un plus beau pour la chapelle neuve qu'on doit bâtir à Versailles, l'a retenu pour le roi.

Ayant ensuite traversé tout l'appartement de M. Le Brun, ils descendirent dans la grande cour, où ils trouvèrent sept ou huit pièces de tapisseries tendues dans le fond, et faites aux Gobelins. On en admira l'ouvrage et la beauté. Le premier ambassadeur demanda s'il ne verrait point ceux qui faisaient de si belles choses, et M. Le Brun répondit qu'on lui allait donner ce plaisir. On entra ensuite dans le lieu où on travaille aux ouvrages de pierres de rapport (23) et dont le pied en carré revient à plus de mille écus, selon qu'on le dit à l'ambassadeur qui le demanda. Toutes les pierres qui entrent dans cet ouvrage sont pierres précieuses, et l'on en taille de si petites qu'il est presque impossible de les voir avant qu'elles aient été mises en œuvre. Ce travail est d'une très grand longueur à cause de la dureté de la matière, et il faut plusieurs années pour en achever un seul carreau. L'ambassadeur ne regarda pas seulement les pierres dont on se sert pour cet ouvrage, il examina tous les morceaux qui en avaient été tirés, et tous les outils dont les ouvriers se servent.

On passa de là dans la salle des orfèvres, où on demeura peu, parce que ce travail n'était pas une nouveauté pour les ambassadeurs. Ils virent ensuite travailler aux tapisseries. On ne saurait exprimer avec quelle attention ils s'attachèrent à regarder ce travail, ni le plaisir qu'ils y prirent. Ils virent aussi le lieu où l'on teint les laines pour ces tapisseries, et virent faire du tapis dans un autre endroit pour un grand ouvrage, dont je vais vous parler. Ils allèrent en un autre lieu où travaillent les sculpteurs en bois, et virent toutes les pièces d'une gondole qu'on y fait pour le canal de Versailles. L'ambassadeur y travailla, et parmi vingt outils, il prit justement celui qui était propre à l'endroit auquel il voulait toucher. Ils virent aussi travailler aux tapisseries de basse lisse, et ce travail joint à celui qu'ils avaient vu, fut cause qu'ils dirent qu'on ne travaillait pas si bien aux Indes.

Enfin, il passèrent dans une galerie qu'on a bâtie exprès de la grandeur de celle dont M. Mignard peint le plafond à Versailles. Les pilastres de cette galerie, la corniche, et généralement tout ce qui regarde l'architecture et le corps de l'ouvrage, doit être de lapis et tout rempli d'ornements de bronze doré. Le dessin de cette architecture est de M. Mansart. Les grands panneaux qui sont entre ces pilastres seront remplis de grandes glaces, dont les jointures doivent être cachées par des branches d'ornements et de grotesques répandus négligemment sur ces glaces, de manière qu'une vingtaine des plus grandes n'en paraisse qu'une seule. À mesure que les morceaux de ce grand ouvrage s'achèvent, on les place dans cette galerie faite pour modèle, aux Gobelins, de sorte que, hors le plafond, elle s'y trouvera toute entière et qu'il n'y aura plus qu'à la transporter par pièces à Versailles. On n'a jamais ouï parler d'un si bel ouvrage en aucun lieu du monde, et l'on ne peut se le représenter tel qu'il est à moins que de l'avoir vu. Cette galerie sera pour mettre les bijoux qui sont dans le cabinet du roi. L'ambassadeur examina non seulement ce qui en était dressé, mais il prit même les pièces qui n'étaient pas encore dorées, et les plaça sur le tapis à l'endroit où elles doivent servir d'ornement. Ils trouvèrent en sortant de nouvelles tapisseries tendues dans la cour à la place de celles qu'ils y avaient vues en entrant, et les louanges qu'on avait déjà données à M. le Fèvre, à M. Jance et autres autres qui excellent en ces sortes d'ouvrages redoublèrent. Comme la nuit approchait, on fut obligé d'apporter dans la cour quatre grands tableaux de M. de Van der Meulen (24). Ils représentent plusieurs places prises par le roi, et furent admirés. M. Le Brun qui accompagna partout les ambassadeurs, donna l'intelligence de tout ce qu'ils virent, et répondit à toutes leurs questions. Le premier ambassadeur charmé, et de son esprit, et de ses ouvrages, lui dit en sortant après l'avoir remercié des peines qu'il s'était données, qu'il n'avait jamais vu d'homme si universel, et que le roi le devait faire travailler le reste de sa vie, parce qu'il n'en trouverait pas un autre après lui qui pût remplir sa place. Il ajouta que quoiqu'il fût beaucoup occupé, il le priait de trouver le temps de venir dîner avec lui.

Si ma lettre n'était pas déjà trop longue, je vous décrirais l'observatoire où les ambassadeurs ont aussi montré beaucoup d'esprit, et cet article ne serait pas moins digne de trouver ici sa place que celui des Gobelins. Il m'en reste encore plusieurs autres de cette nature, ainsi que ce qui s'est passé à la visite que M. Colbert de Croissy leur a rendue, et si je joins à cela un journal de ce qu'ils auront vu et fait à Versailles où ils sont présentement, et où ils doivent demeurer huit jours, et que j'y ajoute ce qu'il feront à Paris pendant le reste du mois prochain, je crois que je ne vous enverrai pas un ouvrage moins curieux que celui-ci.

Je suis, votre, etc.

À paris, le 30 septembre 1686.

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Mercure Galant de novembre 1686
Épître

NOTES :

1 - Le couvent des capucins de Meudon, qui n'existe plus aujourd'hui, était situé près des jardins hauts du château de Meudon, entre la Grande Terrasse de Meudon et le château de Bellevue. 

2 - L'Hôtel du Petit-Bourbon était un ancien hôtel parisien construit au XIVe siècle, face au palais du Louvre, à l'emplacement de l'actuelle place du Louvre. Il possédait une salle de très grande dimension, la plus grande de Paris, qui servait aux divertissements de la cour. Le ballet comique de la reine (1581) et les états généraux de 1614 s'y sont déroulés. Il servait également de salle de théâtre, où Molière joua en alternance avec la troupe italienne de Scaramouche. Il fut démoli à l'occasion de la construction de la grande colonnade du Louvre par Claude Perrault dont Louis XIV posa la première pierre le 17 octobre 1665. Les restes du palais du Petit-Bourbon qui n'avaient pas été occupés par le théâtre avaient été affectés au garde-meuble de la couronne, qui fut transféré à l'hôtel Conti en 1758. (Wikipédia). 

3 - Ils étaient utilisés pour transporter la garde-robe du roi lorsqu'il se déplaçait. Il existait une charge de Capitaine de l'équipage des mulets du roi. C'était un officier chargé sous les ordres du grand chambellan, de commander les muletiers à la livrée du roi, auxquels étaient confiés les lits, tapisseries de campagne, coffres de la chambre et de la garde-robe, le tout escorté par les Cent-suisses. (Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, III, 1867, p.&nsp;311). 

4 - Le Royal Louis, construit entre 1666 et 1670, fut le premier exemplaire d'une série de six vaisseaux de ligne de premier rang de la marine royale française. Il servit de vaisseau amiral à la flotte du Levant basée à Toulon jusqu'à son remplacement par le deuxième Royal Louis à la fin 1692. (Wikipédia).

ImageLe premier Royal Louis. 

5 - La Savonnerie, ancienne fabrique de savon, était située sur la colline de Chaillot, à l'emplacement de l'actuel Musée d'art moderne. La manufacture est aujourd'hui rattachée aux Gobelins. Voici ce qu'en écrivait Piganiol de la Force en 1742 (Description de Paris, de Versailles, de Marly [...], II, pp. 300-301) : Depuis quelque temps, c'est une manufacture royale d'ouvrages à la turque, et façon de Perse. Elle fut établie en 1604 en faveur de Pierre du Pont, qui avait formé ce dessein, et qui en eut la direction. Simon Lourdet lui succéda en 1626 et l'un et l'autre réussirent si parfaitement dans les ouvrages qu'on y fit qu'ils obtinrent des lettres de noblesse. Cette fabrique, la seule qu'il y ait en Europe pour ces sortes d'ouvrages, est encore aujourd'hui sous la direction de Pierre du Pont, petit-fils de celui qui l'a établie. Le tapis de pied qui devait couvrir tout le parquet de la grande galerie du Louvre, et qui consiste en 92 pièces, est un des plus grands et un des premiers ouvrages de cette fabrique. Celui qui couvre la tribune du roi à Versailles, de même que ceux qu'on voit à Trianon, à Marly, et dans les autres maisons royales, ont été faits sous Pierre du Pont, petit-fils de celui à qui on doit cet établissement. La chaîne du canevas des ouvrages qu'on fait ici est posée perpendiculairement, comme aux ouvrages de haute-lisse, mais au lieu qu'à ces derniers, l'ouvrier travaille derrière le beau côté, à la Savonnerie, au contraire, le beau côté est en face de l'ouvrier, comme dans les ouvrages de basse-lisse.

ImageLouis XIV visitant les manufactures des Gobelins, d'après Charles Le Brun.

Le roi Louis XIV visitant les manufactures des Gobelins où le sieur Colbert, surintendant de ses bâtiments, le conduit dans tous les ateliers pour lui faire voir les divers ouvrages qui s'y font. Cette tapisserie fait partie d'un ensemble de 14 pièces réunies sous le titre L'Histoire du Roy

6 - Cette manufacture, créée en 1677 et dirigée par Marcelin Charlier, était située à l'emplacement de l'actuel lycée Teilhard-de-Chardin. On y travaillait particulièrement le velours ras, brodé d'or et d'argent filé. 

7 - Bertrand Piraube (1635-1725), était armurier logé par le roi et tenait boutique au Louvre. Il était l'un des derniers représentants de la corporation des armuriers-haumiers, qui de 60 maîtres qu'elle comptait au XVIe siècle, se trouvait réduite à deux en 1718. En effet, la décadence de l'armure se précipitait. Sous Louis XIV, la cuirasse n'était plus qu'un ornement. Elle donnait au gentilhomme un air guerrier et bien fait dans un portait, mais il la laissait au logis quand il partait pour l'armée. La fabrication des arbalètes et des armes à feu relevait des arquebusiers-arctiers-artilliers-artificiers, dont les nouveaux statuts furent octroyés en mai 1634, et qui étaient autorisés à fabriquer toutes sortes d'arbalètes d'acier, garnies de leurs bandages, arquebuses, pistolets, hallebardes et bâtons à deux bouts, les ferrer et les vendre. (Source : A. Franklin, Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris depuis le treizième siècle, 1906, p. 42 et suiv.). 

8 - Marie de Lorraine ou de Guise, (1615-1688), duchesse de Guise, de Joyeuse et princesse de Joinville de 1675 à 1688. Elle fut la dernière représentante de la branche aînée de la maison de Guise. 

9 - Monsieur le Duc était le nom qu'on donnait à Louis III duc de Bourbon, prince de Condé (1668-1710). 

10 - L'Hôtel de Condé à Versailles se situe au 22, rue des Réservoirs. Il a été construit à proximité du château à partir de 1679 et s'étendait au XVIIIe siècle avec ses communs de la rue des Réservoirs à la rue du Peintre Lebrun. Le corps principal a été doublé à cette époque et surélevé au XIXe siècle. (Wikipédia). Jean de la Bruyère y vécut de 1685 jusqu'à sa mort en 1696. 

11 - René Séguin (?-†1708), capitaine, lieutenant et concierge du Louvre. 

12 - Giovanni Francesco Romanelli (1610-1662). 

13 - Francesco-Maria Borzoni, peintre génois (1618-1672). L'artiste eut quelques soucis de logement au Louvre, comme en témoigne ce brevet de logement accordé par Louis XIV : Aujourd'hui 16 juillet 1663, le roi étant à Paris, bien informé que le sieur François Marie Bourson, peintre génois, est fort incommodé dans le petit logement que Sa Majesté lui a accordé dès le mois d'août de l'année dernière sous la grande galerie du Louvre, afin qu'il puisse travailler commodément à tous les ouvrages qu'elle lui commandera, Sa Majesté lui a accordé et fait don du logement qu'occupait sous ladite galerie Nicolas Guillaume, dit Lafleur, l'un des peintres de Sa Majesté à présent vacant par sa mort, pour dorénavant y loger et travailler de son art et jouir d'icelui logement aux mêmes honneurs, privilèges, prérogatives et exemptions dont jouissent les autres artisans qui remplissent les autres logements de ladite galerie. (P. de Chennevière : Archives de l'art français, III, 1853-1855, p. 213-214). 

14 - Cet incendie se produisit le 6 février 1661, et fut éteint grâce à une intervention divine. C'est du moins ce que prétend Théophraste Renaudot dans sa Gazette de l'année 1661, pp. 151-152 : Ce jour-là, le feu s'étant pris, le matin, au Louvre, en la galerie des peintures, s'étendit jusqu'à la grande, mais il fut empêché d'y faire aucun notable progrès par la diligence avec laquelle on travailla à l'éteindre, et qui eut d'autant plus de bon succès que leurs majestés, suivant les mouvements de leur insigne piété, eurent recours au Saint-Sacrement, qu'elles firent aussi apporter de l'église Saint-Germain l'Auxerrois ; d'où l'ayant reçu à la porte du Louvre, après qu'il eut visiblement détourné le vent et ainsi arrêté les flammes, elles le reconduisirent jusqu'en ladite église, accompagnées de toute la Cour, avec une dévotion exemplaire. 

15 - François Girardon, sculpteur (1628-1715). Il avait réuni une grande collection de sculptures, qu'il exposa à partir de 1679 dans une galerie jouxtant l'appartement qu'il occupait au Louvre. Il en subsistait 800 œuvres à son décès. Afin de conserver la mémoire de cette collection, Girardon fit dessiner à son élève René Charpentier chaque objet sélectionné, disposé au sein de cadres architecturaux dans un recueil de planches gravées intitulé Galerie de Girardon. (Wikipédia).

ImageVue d'un des bouts de la galerie du sieur Girardon, sculpteur ordinaire du roi. 

16 - Le cycle de l'Histoire d'Alexandre, conservé au Musée du Louvre, est composé de quatre œuvres monumentales réalisées entre 1664 et 1673.

ImageEntrée d'Alexandre dans Babylone ou Le triomphe d'Alexandre. Charles Le Brun, 1665. 

17 - Le Pont royal, construit entre 1685 et 1689, remplaçait le Pont rouge, un ancien pont en bois qui avait été plusieurs fois endommagé ou emporté par les eaux.

ImageTravaux du Pont royal en 1686. 

18 - Louis-Henri le Boulanger de Montigny, marquis de Congis (1623-1706). Saint-Simon n'était pas tendre avec lui : Congis, ancien capitaine aux gardes, espèce d'officier général hébété, et en qui il n'y avait jamais eu grand-chose, mourut employé à la Rochelle sous le maréchal de Chamilly. Il avait le gouvernement et capitainerie des Tuileries et son fils la survivance. Il valait encore moins que son père. (Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon, V, 1856, pp. 195-196). 

19 - La salle des Machines des Tuileries était un vaste théâtre de 4 000 places équipé de trappes et de mécanismes destinés à produire des effets spéciaux spectaculaires, changements de décors, apparitions ou disparitions, etc. dans les pièces, les opéras ou les ballets à machine dans le goût italiens, passés à la mode en France sous l'impulsion de Mazarin et des jésuites. Après la Révolution, la salle abrita la Convention nationale. Elle fut entièrement détruite par le feu, ainsi que tout le palais des Tuileries, lors des événements de la Commune de Paris en 1871. 

20 - Gaspare Vigarani (1588-1663), architecte et surintendant des bâtiments du duc de Modène. Il vint à Paris en 1659 avec son fils Carlo à la demande de Mazarin. 

21 - Ercole amante (Hercule amoureux), un opéra de Pier Francesco Caletti-Bruni, dit Francesco Cavalli (1602-1676), fut représenté le 7 février 1662 au Théâtre des Tuileries. 

22 - Créée en 1648 sous la régence d'Anne d'Autriche, à l'instigation de Charles Le Brun. Elle fut dissoute en 1793. 

23 - L'atelier des pierres de rapport, ou des pierres dures fut créé aux Gobelins par Colbert en 1662. Il s'agit d'une technique venue d'Italie (pietra dura) consistant en la réalisation de mosaïques à partir de petites pierres colorées taillées et polies, voire de pierres précieuses ou semi-précieuses. 

24 - Adam-François Van der Meulen (1632-1690), peintre d'origine flamande. 

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16 février 2019