PREMIÈRE PARTIE
 
Du pays de Siam

Chapitre premier
Sa description géographique

Page de la Relation de La Loubère
I. Combien ce royaume est inconnu.

La navigation a assez fait connaître les côtes maritimes du royaume de Siam, et assez d'auteurs les ont décrites, mais ils n'ont sur presque rien du dedans des terres, parce que les Siamois n'ont pas fait une carte de leur pays, ou qu'ils la savent tenir cachée. Celle que j'en donne est l'ouvrage d'un Européen qui a remonté le MenamMae Nam (แม่น้ำ), principale rivière du pays, jusqu'aux frontières du royaume, mais qui n'était pas assez habile pour donner toutes les positions avec une entière justesse (1). D'ailleurs, il n'a pas tout vu, et ainsi j'ai cru nécessaire de donner sa carte à M. Cassini (2), directeur de l'Observatoire de Paris, pour la corriger sur quelques mémoires qu'on m'a donnés à Siam. Je sais néanmoins qu'elle est encore défectueuse, mais elle ne laisse pas de donner des connaissances de ce royaume-là qu'on n'avait pas eues jusqu'ici, et d'être plus exacte en celles que l'on en avait.

II. Ses frontières du côté du nord.

Ses frontières s'étendent vers le nord jusqu'au 22ème degré ou environ (3), et comme la rade qui termine le golfe de Siam est à peu près à la hauteur de 13 degrés et demi, il s'ensuit que toute cette étendue, que nous ne connaissons presque point, est d'environ 170 lieues en ligne droite, à compter 20 lieues par degré de latitude à la manière de nos navigateurs (4).

III. De la ville de Chiang Maï et de son lac.

Les Siamois disent que la ville de ChiamáïChiang Maï (เชียงใหม่) est de quinze journées plus au nord que les frontières de leur royaume, c'est-à-dire tout au plus de 60 à 70 lieues (5), car ce sont des journées par la rivière et en la remontant. Il y a environ trente ans, disent-ils, que leur roi prit cette ville, et l'abandonna après en avoir emmené tout le peuple (6), et depuis elle a été repeuplée par le roi d'Ava, à qui le Pégou obéit aujourd'hui. Mais les Siamois qui furent à cette expédition ne connaissent point ce lac célèbre d'où nos géographes font sortir la rivière de Menam, et auquel selon eux cette ville donne son nom, ce qui m'a fait penser ou qu'elle en est plus éloignée que nos géographes n'ont cru, ou que ce lac n'est point du tout (7). Il se peut faire aussi que cette ville, voisine de plusieurs royaumes et plus sujette qu'une autre à être ruinée par les guerres, n'ait pas toujours été rebâtie au même endroit, et cela n'est pas difficile à croire des villes qui ne sont que de bois, comme toutes celles de ces pays-là, et qui, dans leur destruction, ne laissent ni masures ni fondements. Quoi qu'il en soit, on peut douter que le Menam vienne d'un lac, parce qu'il est si petit en entrant dans le royaume de Siam, que pendant environ 50 lieues, il ne porte que de petits bateaux à tenir quatre ou cinq personnes au plus.

IV. Le pays de Siam n'est qu'une vallée.

Le royaume de Siam est borné, depuis le levant jusqu'au nord ou à peu près, par de hautes montagnes qui le séparent du royaume de Laos, et au nord et au couchant par d'autres qui le divisent des royaumes de Pégou et d'Ava. Cette double chaîne de montagnes (habitées par des peuples peu nombreux, sauvages et pauvres, mais libres, et dont la vie est innocente (8)) laisse entre elles une grande vallée large en quelques endroits de 80 à 100 lieues, et arrosée depuis la ville de Chiamáï jusqu'à la mer, c'est-à-dire du nord au midi, par une belle rivière que les Siamois appellent Mê-nam, comme qui dirait Mère-eau, pour dire grande-eau (9), laquelle s'étant grossie des ruisseaux et des rivières qu'elle reçoit de côté et d'autre des montagnes dont j'ai parlé, se décharge enfin dans le golfe de Siam par trois embouchures, dont la plus navigable est celle qui est au levant.

V. Villes qui sont sur la rivière.

C'est sur cette rivière et à sept lieues de la mer qu'est située la ville de Bangkok (10), et je dirai en passant que les Siamois ont fort peu d'habitations sur leurs côtes, qui au moins n'en soient éloignées d'une petite journée, mais aussi elles sont presque toutes sur des rivières assez navigables pour leur donner le commerce de la mer. Quant aux noms de la plupart de ces lieux, qui par cette raison ne peuvent être appelés maritimes, ils sont déguisés par les étrangers. Ainsi la ville de Bangkok s'appelle Fon en siamois (11), sans qu'on sache d'où lui vient le nom de Bangkok (12), quoiqu'il y ait plusieurs noms siamois qui commencent par le mot de banบ้าน, qui signifie village (13).

VI. Jardins de Bangkok.

Les jardins qui sont dans le territoire de Bangkok pendant l'espace de quatre lieues en remontant vers la ville de Siam jusqu'à un lieu nommé Talacoan (14), fournissent à cette capitale la nourriture que les naturels du pays aiment le mieux, je veux dire une très grande quantité de fruit.

VII. Autres villages sur le Ménam.

Les autres lieux principaux que le Ménam arrose, sont Mê-TacTak (ตาก), première ville du royaume au nord-nord-ouest, puis tout de suite Tian-Tong (15), Campeng-petKamphaeng Phet (กำแพงเพชร) ou Campeng simplement, que quelques-uns prononcent Campingue, LaconcevanNakhon Sawan (นครสวรรค์), TcháïnatChainat (ชัยนาท), Siam (16), Talacoan, Talaquéou et Bancok. Entre les deux ville de Tcháïnat et de Siam, et à une distance de l'une et de l'autre, que les détours de la rivière rendent presque égale, la rivière laisse un peu au levant la ville de LouvóLopburi (ลพบุรี), à 14° 42' 32" de latitude, selon les observations que les pères jésuites ont données au public (17). Le roi de Siam y passe la plus grande partie de l'année, pour jouir plus commodément du divertissement de la chasse ; mais Louvó serait inhabitable sans un canal qu'on a tiré de la rivière pour l'arroser. La ville de Mê-Tac obéit à un seigneur héréditaire, vassal, dit-on, du roi de Siam, que l'on appelle Pa-ya TacPhraya Tak (พระยาตาก), c'est-à-dire Prince de Tak. Tian-Tong est ruiné, et sans doute par les anciennes guerres du Pégou. Campeng est connu par des mines d'acier excellent.

VIII. Autre rivière appelée aussi Ménam.

À la ville de Laconcevan, le Ménam reçoit une autre rivière considérable qui vient aussi du nord, et qui aussi s'appelle Ménam (18), nom général à toutes les grandes rivières. Nos géographes la font venir du lac de Chiamáï, mais on assure qu'elle a sa source dans les montagnes, qui ne sont pas si au nord que cette ville. Elle passe d'abord à Meüang-fangMueang Fang (เมืองฝาง), puis à PitchiáïPhichaï (พิชัย), à PitsanouloucPhitsanulok (พิษณุโลก) et à PitchïtPhichit (พิจิตร), et enfin à Laconcevan, où elle se même, comme j'ai dit, à l'autre rivière.

Pitsanoulouc, que les Portugais appellent par corruption Porselouc, a eu autrefois des seigneurs héréditaires, comme la ville de Mê-Tac, et l'on y rend encore aujourd'hui la justice dans le palais des anciens princes. C'est une ville d'assez grand commerce, fortifiée de quatorze bastions, et à 19 degrés et quelques minutes de latitude.

Laconcevan est à la moitié du chemin de Pitsanoulouc, ou Porselouc, à Siam, distance que l'on compte être de 25 journées pour ceux qui remontent la rivière en bateau ou balon ; mais ce même chemin se peut faire en douze jours quand on a beaucoup de rameurs et qu'on remonte la rivière en toute diligence.

IX. Villes de bois.

Ces villes, comme toutes les autres du royaume de Siam, ne sont que des amas de cabanes fermés souvent d'une enceinte de bois, et quelquefois d'une muraille de pierre ou de briques, mais très rarement de pierres. Néanmoins comme les Orientaux ont toujours eu autant de magnificence et d'orgueil dans les figures de leur langage que de simplicité et de pauvreté dans tout ce qui sert à la vie, les noms de ces villes signifient de grandes choses : Tian-Tong, par exemple, veut dire Vrai or (19). Campeng-pet veut dire Murailles de diamants, et l'on dit que ses murailles sont de pierre ; et Laconcevan signifie Montagne du Ciel (20).

X. Superstition des Siamois à Meüang-Fang.

Mais pour ce qui est de Meüang-fang, comme fang est le nom d'un arbre célèbre pour la teinture, que les Portugais ont appelé sappan (21), quelques-uns l'interprètent la Ville de la Forêt de sappan. Et parce qu'on y garde une dent qu'on prétend être une relique de Sommona-Codom (22), à la mémoire duquel les Siamois bâtissent tous leurs temples, il y en a qui appellent cette ville non pas Meüang-fang, mais Meüang-fan, c'est-à-dire la Ville de la Dent (23). La superstition de ces peuples y attire toujours un grand nombre de pèlerins, non seulement siamois, mais du Pégou et de Laos.

XI. Autre superstition à Phrabat.

Une pareille superstition n'en attire pas moins à un lieu nommé Pra-batPhrabat (พระบาท) ou Phra Phutthabat (พระพุทธบาท), à cinq ou six lieues de l'est-nord-est de la ville de Louvo (24), et voici quelle est cette superstition. Batบาท veut dire pied en langue pali, qui est la langue savante des Siamois, c'est-à-dire la langue de leur religion, et le mot praPhra (พระ), dont on ne saurait rendre précisément la signification, veut dire en la même langue tout ce que l'on peut concevoir de digne de vénération et de respect (25). Les Siamois donnent ce titre au Soleil et à la Lune, mais ils le donnent aussi à Sommona-Codom, à leurs rois, et à quelques officiers considérables.

XII. Quelle elle est.

Le Pra-bat est donc une empreinte de pied humain creusée par un mauvais sculpteur dans un roc ; mais cette empreinte profonde de 13 à 14 pouces est environ cinq ou six fois plus longue que le pied d'un homme, et large à proportion. Les Siamois l'adorent et son persuadés que les éléphants, et surtout les éléphants blancs, les rhinocéros et toutes les autres bêtes de leurs forêts vont aussi l'adorer quand il n'y a personne, et le roi de Siam lui-même va l'adorer une fois l'an avec beaucoup de cérémonie et de pompe. Elle est revêtue d'une lame d'or et renfermée dans une chapelle qu'on y a bâtie. Ils disent que cette roche, qui est aujourd'hui fort plate et en rase campagne, était autrefois une fort haute montagne qui s'affaissait et s'aplanit tout d'un coup sous le pied de Sommona-Codom, en mémoire de quoi ils croient que l'empreinte du pied y est demeurée. Cependant il est certain, par le témoignage des vieillards, que cette tradition n'a pas 90 ans d'ancienneté (26). Un talapoin ou religieux siamois de ce temps-là, ayant sans doute fait lui-même, ou fait faire cette empreinte, feignit de l'avoir découverte par miracle, et sans autre apparence de vérité, donna du crédit à cette fable de la montagne aplanie.

XIII. Source de cette supersition.

Or en tout cela, les Siamois ne sont que de fort grossiers copistes. On lit dans les histoires des Indes avec quel respect un roi de l'île de Ceylan gardait une dent de singe, que les Indiens disaient être une relique, et de quelles sommes il voulut la racheter de Constantin de Bragance, alors vice-roi des Indes, qui l'avait trouvée parmi des dépouilles prises sur les Indiens ; mais Constantin aima mieux la faire brûler, et faire ensuite jeter les cendres dans une rivière. On sait aussi que dans la même île de Ceylan, que les Indiens appellent Lancà (27), et sur une véritable montagne, qui ne s'est pas aplanie, il y a un prétendu vestige de pied humain qui depuis longtemps y est en grande vénération. Il représente sans doute le pied gauche, car les Siamois disent que Sommona-Codom posa le pied droit à leur Pra-bat, et le pied gauche à Lancà, quoique tout le golfe de Bengale soit entre deux.

XIV. Ce que c'est que le pied d'Adam de Ceylan.

Les Portugais ont appelé le vestige de Ceylan le Pied d'Adam (28), et ils ont cru que Ceylan était le Paradis terrestre, sur la foi des Indiens de Ceylan qui disent que le vestige qu'ils révèrent est celui du premier homme, chacune de ces nations païenne ne manquant pas d'assurer que le premier de tous les hommes a habité leur pays. Ainsi, les Chinois appellent le premier homme Puoncuo, et croient qu'il a habité la Chine. Je ne dis rien de quelques autres pareils vestiges de pied humain qui sont révérés en divers endroits des Indes, ni du prétendu vestige du pied d'Hercule dont parle Hérodote. Je reviens à mon sujet.

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1ère partie
II. Suite de la description
géographique du royaume de Siam,
où il est parlé de la capitale

NOTES

1 - Cette carte, signée F. Ertinger fecit ; Michault scripsit est reproduite ci-après :

ImageCarte du royaume de Siam.
ImageCarte du royaume de Siam, détail.
ImageCarte du royaume de Siam, détail.
ImageCarte du royaume de Siam, détail.
ImageCarte du royaume de Siam, détail. 

2 - Giovanni Domenico Cassini, astronome et cartographe (1625-1712). Il dirigea l'Observatoire de Paris à partir de 1671 à la demande de Louis XIV. 

3 - La Loubère exagère beaucoup l'étendue du Siam vers le nord. Le 22ème degré correspond à peu près à la hauteur de Jinghong, en Chine. Gervaise, plus proche de la réalité, indiquait le 19ème degré, à peu près la hauteur de Chiang Maï. 

4 - La lieue marine, utilisée par la Loubère, représentait environ 5,5 kilomètres. La distance de 170 lieues (935 kilomètres) entre Bangkok et la pointe extrême du royaume est très supérieure à celle de la Thaïlande actuelle. Il n'y a plus de 780 kilomètres entre l'embouchure du Chao Phraya et le point le plus septentrional du royaume actuel, qui était moins étendu à l'époque. 

5 - Ce qui placerait la frontière nord du royaume d'Ayutthaya à peu près à la hauteur de Nakhon Sawan. 

6 - C'est le général Phraya Kosathibodi khun Lek (พระยาโกษาธิบดีขุนเหล็ก) qui mena cette offensive sur Chiang Maï, que Wood place fin 1661, début 1662 : À la fin de l'année 1661, Phraya Kosa lança son armée sur Chiang Maï, suivi peu de temps après par le roi. 100 000 hommes environ furent mobilisés pour cette expédition, la plus grande force jamais déployée pour l'invasion de Chiang Maï. Phraya Kosa ne rencontra aucune résistance sérieuse jusqu'à Nakhon Lampang (นครลำปาง). La ville tomba après un court engagement. Lamphun (ลำพูน) résista pendant une semaine. Chiang Maï opposa une résistance acharnée, mais fut prise après l'arrivée du roi Naraï en mars 1662. Le prince et la plupart des nobles furent capturés. Après la chute de Chiang Maï, une armée birmane arriva sur les lieux, mais fut attaquée par les Siamois et repoussée en Birmanie.

Le roi Naraï resta quinze jours à Chiang Maï, puis revint à Ayutthaya avec un gros butin, dont la célèbre statue de Bouddha appelée Phrasingh (พระสิงห์), qui se trouvait autrefois à Ayutthaya (A History of Siam, 1926, pp. 192-193). 

7 - Pinto évoquait déjà ce lac qu'il nommait Singipamor, et qui n'était, selon W.A.R Wood, qu'une pure invention : Assez curieusement, le témoignage de Pinto a été cru par les auteurs postérieurs, et cet imaginaire lac de Singipamor fut accepté pendant des années comme un fait géographique. (Fernao Mendez Pinto's Account of Events in Siam, Journal of the Siam Society, vol.20.1, p. 32).

Joaquim de Campos réfuta la thèse de War et soutint que le lac de Chiammay existe bel et bien (Early Portuguese Accounts of Thailand, Journal of the Siam Society, vol. 32.1, p. 19) : Le lac de Chiang Mai n'est pas une invention de Pinto, car il existait dans la légende et les croyances populaires avant Pinto. Les Portugais qui visitèrent la Birmanie et le Siam avant Pinto entendirent également parler de ce lac, et Joao de Barros, en 1552, c'est-à-dire quand Pinto était encore en train de parcourir l'est et quelques années avant qu'il ne commençât l'écriture de ses Pérégrinations, place le lac non pas à Chiang Mai, mais 30° au nord, c'est-à-dire dans le plateau du Tibet, où en l'espace de 2 degrés, cinq grands fleuves, le Brahmaputra, L'Irrawady, le Salween, le Mekhong et le Yang-Tsé-Kiang, prennent leur source. Campos suppose que Pinto a confondu un petit lac qu'il avait vu avec le lac de Chiang Mai dont il avait très souvent entendu parler. Réel ou pas, ce n'est pas dans ce lac qu'il fallait chercher la source du Chao Phraya, puisque ce fleuve n'a pas de source. Il est constitué par la confluence de la Menam Ping (แม่น้ำปิง) et de la Menam Nang (แม่น้ำน่าน) à la hauteur de Nakhon Sawam. 

8 - Nous ignorons à qui La Loubère a emprunté cette évocation aux accents déjà très rousseauistes. 

9 - Mae Nam (แม่น้ำ) est un terme générique qui s'applique à tous les fleuves et à toutes les rivières. Le fleuve évoqué par La Loubère qui arrose Ayutthaya et Bangkok se nomme la Menam Chao Phraya (แม่น้ำเจ้าพระยา). Le livre contient une carte intitulée Carte du cours du Ménam depuis Siam jusqu'à la mer,n copiée en petit d'après une fort grande faite par M. de la Mare, ingénieur du roi, que nous reproduisons ci-après.

ImageCarte du cours du Menam depuis Siam jusqu'à la mer.
ImageCarte du cours du Menam depuis Siam jusqu'à la mer. Détail.
ImageCarte du cours du Menam depuis Siam jusqu'à la mer. Détail.
ImageCarte du cours du Menam depuis Siam jusqu'à la mer. Détail. 

10 - La Loubère orthographie Bancok. Nous reproduisons ci-après le Plan de Bancok inséré dans l'ouvrage.

ImagePlan de Bancok. 

11 - Nous n'avons pu trouver l'origine de ce nom, mais il est mentionné par Adriano Balbi dans son Abrégé de géographie (1840, p. 746) : Bangkok : Bancasay, Fon des Siamois.

12 - Parmi les hypothèses, Bang kok (บาง กอก), ou une contraction de Bang makok, (บาง มะกอก), le Village des oliviers

13 - Ban (บ้าน) signifie effectivement village, mais également endroit, place, maison, etc. Ici, le préfixe serait plutôt bang (บาง) qui désigne un endroit au bord de l'eau. 

14 - Talat Khwan (ตลาดขวัญ). Talat (ตลาด) signifie marché, halle etc. Certaines cartes de l'époque indiquent Talat Khwan et Talat Kaeo (ตลาดแก้ว), deux îles voisines formées par les boucles du Chao Phraya.

ImageTalat Khwan et Talat Kaeo sur une carte de l'ingénieur La Mare. 

15 - Il s'agit probablement de l'actuel Chiang Thong (เชียงทอง), sur la Ménam Ping, entre Tak et Kamphaeng Phet. 

16 - Nom que les Européens donnaient à Ayutthaya, alors capitale du royaume. Dans ses Mémoires, Forbin relevait cette appellation erronée : Je ne saurais m'empêcher de relever encore ici une bévue de nos faiseurs de relations. Ils parlent à tout bout de champ d'une prétendue ville de Siam, qu'ils appellent la capitale du royaume, qu'ils ne disent guère moins grande que Paris et qu'ils embellissent comme il leur plaît. Ce qu'il y a de bien certain, c'est que cette ville n'a jamais subsisté que dans leur imagination, que le royaume de Siam n'a d'autre capitale que Odia ou Joudia, et que celle-ci est à peine comparable pour la grandeur à ce que nous avons en France de villes du quatrième et du cinquième ordre. (I, 1730, p. 102). 

17 - La latitude de Lopburi est de 14° 47' 53", ce qui représente un écart infime d'à peine 10 km avec la latitude calculée par les jésuites. 

18 - Voir ci-dessus note 9. Il s'agit ici de la Ménam Nan (แม่น้ำน่าน), qui prend sa source dans la chaîne de montagnes de Luang Prabang, au nord-ouest du Laos et au nord de la Thaïlande. Elle se joint à la Ménam Ping (แม่น้ำปิง) pour former la Ménam Chao Phraya (แม่น้ำเจ้าพระยา). 

19 - Voir ci-dessus note 17. Nous n'avons pas trouvé cet énigmatique Tian Thong, qui correspondrait à la ville appelée aujourd'hui Chiang Thong. En tout état de cause, Tian Thong (เทียนทอง) signifierait plutôt Chandelle d'or

20 - Nakhon signifie ville, cité et Sawan désigne les cieux, le paradis. On pourrait donc traduire par Cité du Paradis 

21 - Fang (ฝาง) désigne effectivement le Cæsalpina sappan, un bois rouge aux propriétés tinctoriales originaire d'Asie du sud-est, toutefois l'origine portugaise du nom est loin d'être établie. Yule et Burnell (Hobson Jobson, 1903, p. 794) citent le malayalam shappaṅṅam, le tamil shappu et le malais sapang, qui a sans doute donné le sapão portugais.

ImageBois de sappan (Cæsalpina sappan). 

22 - Corruption de Gautama, le nom de Bouddha. 

23 - Jeu de mot entre fang (ฝาง), le sappan, et fan (ฟัน), la dent. Nous n'avons pas trouvé trace de cette relique parmi les nombreux sites dans le monde qui revendiquent la possssion d'une dent de Bouddha, en Inde, au Japon, en Chine, à Singapour, et même en Californie, le plus célèbre étant le Temple de la Dent à Kandy, au Sri Lanka. 

24 - Cette empreinte de Bouddha se trouve dans la province de Saraburi (สระบุรี), à une quarantaine de kilomètres au sud-est de Lopburi (et non à l'est-nord-est comme l'indique La Loubère).

ImageLe Wat Phrabat dans la province de Saraburi. 

25 - Phra (พระ) signifie prêtre, moine, bonze, mais aussi Dieu, représentation de Bouddha, etc. et le terme est employé comme préfixe pour toutes les personnes, tous les lieux et tous les objets révérés. C'était également un ancien titre de noblesse situé hiérarchiquement entre le Phraya (พระยา) et le Luang (หลวง). 

26 - Cette empreinte de Bouddha fut effectivement découverte à l'époque du roi Songtham (ทรงธรรม) qui régna de 1620 à 1628. Dans son Histoire du Siam, W.A.R Wood écrivait en 1926 : Au Siam, le nom du roi Songtham est généralement associé au Phrabat (พระบาท) une empreinte supposée du Bouddha qui fut découverte sous son règne au pied d'une colline au nord-est d'Ayutthaya, aujourd'hui appelée Mont Phrabat. On ignore si cette gigantesque empreinte est un ancien Phrabat sculpté qui fut redécouvert à cette époque, où s'il s'agit tout simplement d'une excavation naturelle dans la roche qui fut quelque peu remodelée. Quoi qu'il en soit, et même si peu de bouddhistes modernes croient que le Bouddha était d'une stature surhumaine, cette relique mérite d'être respectée, c'est un objet vénéré par des générations de croyants. Aujourd'hui encore, chaque année au mois de février, des milliers de personnes viennent se recueillir sur le Mont Phrabat. 

27 - Lanka était le nom traditionnel de l'île de Ceylan dans le Ramayana. Il est possible que ce mot soit dérivé du tamil Ilanku qui signifie briller, étinceler. Lanka serait donc L'île qui étincelle, surnom donné en raison de l'or et des gemmes qu'on y a trouvés. (Wikipédia). 

28 - Lors de son troisième voyage à Ceylan, le Bouddha laissa une empreinte de son pied au sommet du mont Samanalakanda (appelé aujourd'hui Sri Pada ou Adam's Peack). Pour les musulmans de l'île, il s'agit d'une empreinte du pied d'Adam ; pour les hindouistes, c'est le pied de Siva qui laissa cette trace.

Il semblerait que Bouddha ait beaucoup déambulé à travers toute l'Asie, puisque l'auteur japonais Motoji Niwa a dénombré plus de 3 000 empreintes, dont un millier rien qu'au Sri Lanka. En Thaïlande, on pourra en voir à Chanthaburi (จันทบุรี), à Ko Samui (เกาะสมุย), à Surat Thani (สุราษฎร์ธานี), etc. Toutefois, d'après le prince Bidyalankarana (Buddha's Footprints, Journal of the Siam Society, Vol. 28.1, 1935, pp. 1-14) seules 5 empreintes seraient authentiques dans le monde, dont une en Thaïlande : Suvannamalika (?), Yonakapura, probablement au Penjab ou en Afghanistan, Nammada, un fleuve qui coule à travers l'Inde centrale vers les côte de Madras, Sumanakuta, aujourd'hui connu sous le nom d'Adam's Peak à Ceylan, et Suvannapabbata, le mont de Siam près de Saraburi où a été érigé le Wat Phra Putthabat. 

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Page mise à jour le
18 mai 2020