Chapitre X
Du sceau royal et du Mahà Obarat

Page de la Relation de La Loubère
I. Il n'y a point de chancelier à Siam. Le roi ne donne son sceau à personne.

Il n'y a point de chancelier à Siam. Chaque officier qui a droit de donner des sentences ou des ordres par écrit, qu'ils appellent taràTra : ตรา en général, a un sceau que le roi lui donne, et le roi lui-même a son sceau royal qu'il ne confie à qui que ce soit et dont il se sert pour les lettres qu'il écrit et pour tout ce que émane immédiatement de lui. La figure qui est dans les sceaux n'y est pas creuse, mais en relief. On frotte le sceau d'une espèce d'encre rouge et on l'imprime sur le papier avec la main. Un officier inférieur prend cette peine, mais c'est à l'officier à qui le sceau appartient à le retirer de sa propre main de dessus l'empreinte.

II. Du Mahà Obarat.

Il m'a semblé, après plusieurs remarque que j'ai faites, que tout ce qui se fait au nom du roi de Siam n'a nul pouvoir s'il n'est fait au lieu où ce roi réside actuellement. Certaines raisons ont empêché qu'on ne m'en ait informé avec certitude. Quoi qu'il en soit, il est assuré que pour la raison que j'ai dite ou pour quelque autre, il y a à Siam comme un vice-roi né, qui représente le roi et fait les fonctions royales en l'absence du roi, comme lorsque ce prince est à la guerre. Cet officier s'appelle Maha-ObaratMaha Upparat : มหาอุปราช selon qu'on me l'a donné par écrit, ou Ommarat selon M. l'abbé de Choisy et selon M. Gervaise. Et M. l'abbé de Choisy ajoute que le Mahà Ommarat a droit de s'asseoir devant le roi, circonstance qu'on m'a dit être particulière à un autre officier dont je parlerai dans la suite. Aujourd'hui, ils lui donnent le titre de Pa-yàPhraya : พระยา et ils y ajoutent le mot de TcháouChao : เจ้า,, qui veut dire Seigneur, Tcháou Pa-yà Mahà ObaratChao Phraya Maha Upparat : เจ้าพระญามหาอุปราช ; quelquefois il n'a que le titre d'Oc-yàOkya : ออกญา, comme dans la relation de Vliet, ou il est appelé Oyá Ombrat (1). Il y est qualifié aussi chef de la noblesse, ce qui ne veut rien dire, ou veut dire seulement le premier de tous les officiers du royaume.

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du roi de Siam.

NOTES

1 - La Loubère fait ici clairement allusion au vice-roi, le Maha Upparat (มหาอุปราช). Toutefois, les transcriptions hasardeuses des auteurs de relations pouvaient faire hésiter entre deux titres : Upparat, le vice-roi, et Yomarat (ยมราช), une sorte de ministre de la justice. L'abbé de Choisy, parlant du vice-roi, évoquait dans son Journal du 18 janvier 1686 Maha-omma-rat, qui est le premier après le roi et qui a droit d'être assis en sa présence. Gervaise, pour sa part, mentionnnait Oya Jemerad, à qui il appartient de connaître et de juger souverainement de toutes les affaires civiles et criminelles. (Histoire naturelle et politique du royaume de Siam, 1688, p. 82) Quant à l'Oyá Ombrat de Van Vliet, il pouvait également faire hésiter entre les deux titres, comme le remarquait Francis H. Giles, qui privilégiait Okya Upparat, s'appuyant sur le fait que Van Vliet évoquait par ailleurs un Iumerat ou Immerat (probablement une coquille). (A Critical Analysis of van Vliet's Historical Account, parts VII and VIII (concluded). Journal of the Siam Society, Vol. 30.3, 1938, p. 373). La charge de vice-roi fut supprimée par le roi Chulalongkorn en 1876. 

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Page mise à jour le
23 décembre 2019